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Cinq questions à Martin Harriague, nouveau directeur du Ballet de l’Opéra Grand Avignon

Le Ballet de l’Opéra Grand Avignon a vécu de gros changements ces cinq dernières années, sous la direction d’Émilio Calcagno, se tournant vers un répertoire plus contemporain. Le chemin se poursuit avec la nomination prometteuse de Martin Harriague à la tête de la compagnie, qui entrera en fonction le 1er septembre. Chorégraphe de 38 ans, il s’est fait connaître en France en travaillant avec le Malandain Ballet Biarritz, mais a aussi beaucoup créé pour des compagnies allemandes. Et porte pour le Ballet de l’Opéra Grand Avignon un projet ambitieux.

 

Martin Harriague

 

Vous êtes chorégraphe. Pourquoi avoir postulé pour le poste de direction d’un Ballet, et plus précisément pour le Ballet de l’Opéra Grand Avignon ?

Cela fait partie de mon évolution. Je travaille beaucoup plus à l’étranger qu’en France finalement, tant que freelance. Et en France, ce statut est moins connu, on existe un peu mieux par le biais d’une structure. Pour Avignon, je connaissais Frédéric Roels, le directeur de l’Opéra, depuis quelques années : j’ai créé ma pièce Pitch pour le Ballet en 2020, une œuvre  en hommage à Tchaïkovski. Cela s’était plutôt bien passé avec les danseurs et danseuses, avec la direction.

 

Quel regard portez-vous sur le Ballet de l’Opéra Grand Avignon, qui a connu des changements esthétiques ces dernières années ?

Émilio Calcagno, qui dirige actuellement la compagnie, a invité des chorégraphes intéressants, nouveaux ou que l’on voit peu en France, aussi des artistes qui sont en train de monter comme Leïla Ka. Aujourd’hui, certains danseurs et danseuses de la troupe, les plus anciens notamment, sont plus tournés vers la technique classique. Mais je trouve que c’est un super challenge de pouvoir les amener sur d’auteurs écritures. Émilio Calcagno l’a fait, j’ai envie de continuer. J’ai eu la possibilité de le faire dans d’autres compagnies, d’amener des artistes plutôt classiques sur d’autres écritures. C’est très enrichissant en tant que créateur de pouvoir être confronté à cela. Cela nous amène à des surprises quant aux propositions qui, à la fin ne sont pas forcément telles qu’on les avait imaginées.

 

À quoi ressembleront vos saisons ?

Il y aura deux productions par an : une que je signerai, et une autre avec des chorégraphes invités pour des entrées au répertoire. J’ai envie de compositions dansées, physiques, virtuoses. Pouvoir inviter des chorégraphes que j’admire ou que j’ai envie de soutenir est aussi ce qui m’a intéressé dans ce projet. J’ai envie de placer la compagnie sur une scène internationale, donc de faire venir des grands noms. Pour cela, il faut trouver du mécénat ou des fonds privés pour augmenter le budget de production. Il faut aussi que la compagnie puisse porter ce type de projet, avec des chorégraphies très techniques et très physiques, et des artistes qui en ont l’envie et la capacité. Émilio Calcagno avait fait venir des professeurs de danse, ce qui permet aux artistes d’évoluer. Je vais développer ce genre de choses, faire venir des professeurs Gaga, de Counter technique (développée par Anouk Van Dijk que l’on voit beaucoup aux Pays-Bas), de flow work, etc. Les danseurs et danseuses l’ont demandé, ils en ont envie.

 

Et en termes de diffusion ? La compagnie danse peu chez elle aujourd’hui…

J’aimerais travailler sur des collaborations en interne, avec le chœur d’Avignon, l’orchestre. Je voudrais que la compagnie soit plus présente sur le territoire aussi, dans la ville où la compagnie danse peu, dans la région, de continuer à tourner en France, de partir aussi à l’étranger. Mais les danseurs et danseuses ont des obligations au sein de l’opéra et en termes d’action de sensibilisation. On ne peut donc pas tout le temps les solliciter ailleurs. Émilio Calcagno a amené la troupe sur quelque chose qu’elle ne faisait pas : des tournées. Je trouve aussi intéressant la diversité des réseaux de diffusion mis en place, comme le 104 à Paris, où le Ballet n’allait pas. Je voudrais continuer à exploiter ce réseau, plutôt tourné vers contemporain, tout en amenant la troupe dans un réseau que j’ai connu avec le Malandain Ballet Biarritz, composé plutôt des scènes nationales où l’on voit plus de ballets, des effectifs plus importants. J’ai envie de faire danser la compagnie dans son ensemble et de ne pas rester que sur des petites formes, d’avoir les 12 interprètes en scène, voire les 14 car nous avons deux apprentis. C’est important de faire des pièces où ils dansent tous.

 

Le monde de la Danse en France connaît une révolution dans sa vision de ce qu’est un directeur. Vous, quel directeur serez-vous ?

Je l’ai répété à Frédéric Roels, à la maîtresse de ballet, aux artistes : je serai un directeur qui sera beaucoup à l’écoute. Depuis ma nomination, on me demande si je vais licencier tout le monde. Pas du tout. Il y a une équipe qui est là et on a vu ce que cela faisait, quand un directeur arrive et renvoyait la moitié de la troupe. Avant d’être des artistes, ces personnes sont des êtres humains. Il faut être à l’écoute. Pour ceux et celles qui ne seraient pas forcément en accord avec ma vision, ou en capacité de suivre ce que j’ai envie de construire, il faudra les guider, les aider dans une reconversion ou à passer des auditions dans des compagnies qui leur conviendraient, les aider dans leur développement. Mais les danseurs et danseuses du Ballet ont envie de variété, de pouvoir toucher un peu à tout, de pouvoir travailler avec de grands chorégraphes comme les émergents. Il y a une envie de variété d’écriture.

 

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