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Pulcinella et L’Heure espagnole revus par Clairemarie Osta et Guillaume Gallienne – Opéra Comique

Fidèle à sa mission, l’Opéra Comique propose une soirée de musique française en deux volets, sous la baguette de son directeur Louis Langrée. Un programme composé de Pulcinella d’Igor Stravinsky et de L’Heure espagnole de Maurice Ravel. Ces deux œuvres, très différentes stylistiquement, lorgnent toutes les deux vers la comédie. Si Pulcinella  est une commande de Serge Diaghilev pour les Ballets Russes, L’Heure espagnole est l’adaptation d’une pièce de théâtre de boulevard. Louis Langrée et le metteur en scène Guillaume Gallienne reconstituent une affiche qui n’a jamais pu voir le jour en réunissant Salle Favart ces deux curiosités musicales, avec la complicité de Clairemarie Osta qui chorégraphie Pulcinella. Une soirée drôle et parfois grivoise, tout à fait réjouissante, emmenée par le danseur Oscar Salomonsson dans le rôle-titre de Pulcinella et Stéphanie d’Oustrac qui incarne Concepcion, seul rôle féminin de l’Heure espagnole.

 

Pulcinella d’Igor Stravinsky

 

Comme le rappelle Agnès Terrier dans ce programme proposé par l’Opéra Comique, les deux compositeurs Ravel et Stravinsky étaient amis et ont fréquenté les mêmes cercles. Ils sont partie prenante de la révolution esthétique des Ballets Russes, écrivant des partitions originales sur des livrets nouveaux. Des œuvres  courtes, moins d’une heure, permettant de construire des programmes variés. Ravel aurait pu composer Pulcinella mais il refusa. C’est donc Stravinsky qui accepta cette pièce de commande de Diaghilev qui fait figure de curiosité musicale. C’est en effet à partir de morceaux de Pergolèse (compositeur du début du XVIIIe siècle) qu’Igor Stravinsky compose Pulcinella. Le résultat étonne et à la fois ravit l’oreille, dans ce mélange savant d’une ligne de chant très classique et de la modernité tonale de la musique de Stravinsky.

Le ballet fut créé à l’Opéra de Paris le 15 mai 1920 sur une chorégraphie de Léonide Massine et des décors de Pablo Picasso. Guillaume Gallienne et la Danseuse Étoile Clairemarie Osta ne sont pas allés puiser dans cette version d’origine mais recréent Pulcinella comme une œuvre d’aujourd’hui. Le décor sobre et élégant conçu par Sylvie Olivé se présente tout en verticalité, escaliers et recoins. L’oeuvre est un ballet chanté, mais ce sont les danseuses et danseurs qui racontent l’histoire, ce sont eux les protagonistes de cette pochade dont l’argument est plus que mince. Le garçon des rues Pulcinella est courtisé par deux jeunes filles, ce qui rend les autres garçons jaloux. Pour échapper à leurs menaces, il se fait passer pour mort avant de ressusciter, sous l’œil ravi de sa fiancée. Voilà un matériau bien maigre pour esquisser une dramaturgie signifiante. Reste donc comme seule option à enclencher le ressort comique. Et cela fonctionne à merveille.

 

Alice Renavand – Pulcinella d’Igor Stravinsky

 

Oscar Salomonsson, ancien Principal du Ballet Royal de Suède, dispose d’un formidable charisme pour donner vie à ce personnage de la commedia dell’arte. Juvénile, mutin, lunaire, il impose son personnage avec grâce, délicatesse et produit une danse élégante et affûtée. Un formidable danseur, doublé d’un travail d’acteur précis dans une chorégraphie qui manque parfois d’inventivité, où Clairemarie Osta assemble une série de mouvements génériques un peu paresseux. Alice Renavand fait un retour sur scène dans le rôle de la fiancée. Droite sur ses pointes et port de tête altier, elle donne de l’envergure au personnage. Pulcinella ne figure pas au top des Ballets Russes, la pièce est trop anecdotique pour faire partie d’un répertoire. Mais l’ensemble est plaisant, drôle et Guillaume Gallienne parvient dans sa mise en scène sobre à instiller cette fantaisie.

L’Heure espagnoleest d’un autre acabit. La musique de Maurice Ravel est un bijou qui s’écoute avec délectation. Ce bref opéra aux allures de comédie musicale est adapté de la pièce de Franc-Nohain qui faisait recette sur les boulevards. Vaudeville et grivoiserie mènent le bal des horloges dans un esprit d’espagnolade déjantée. La soprano Stéphanie d’Oustrac y fait merveille : ligne de chant impeccable doublée d’une actrice hors-pair magnifiquement dirigée par Guillaume Gallienne. Elle est entourée d’un plateau masculin idéal. On rit beaucoup dans ce divertissement luxueux en deux temps. C’est comme on dit une bonne soirée !

 

L’Heure espagnole de Maurice Ravel

 

Soirée Pulcinella/L’Heure espagnole par Louis Langrée (direction musicale), Guillaume Gallienne (mise en scène) et Clairemarie Osta (chorégraphie).

Pulcinella d’Igor Stravinsky, avec Oscar Salomonsson, Alice Renavand, Iván Delgado, Manon Dubourdeaux, Anna Guillermin, Stoyan Zmarzlik, Camille Chopin, Abel Zamora et François Lis ; L’Heure Espagnole de Maurice Ravel, avec Stéphanie d’Oustrac, Benoît Rameau, Philippe Talbot, Jean-Sébastien Bou et Nicolas Cavallier. Lundi 11 Mars 2024 à la Salle Favart Opéra Comique. À voir jusqu’au 17 mars 2024.

 

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