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Benjamin Millepied et Nico Muhly – L.A. Dance Project

Benjamin Millepied, désormais de retour à Paris, a présenté à la Philharmonie de Paris une mini anthologie de sa collaboration avec le compositeur Nico Muhly, un des chefs de file américain de la musique néo-classique. Ce long compagnonnage avait débuté au début des années 2000 et la création pour le Ballet de l’Opéra de Paris en 2008 de Triade. C’est cette pièce qui ouvrait la soirée, complétée par Moving Parts (2012) et la création de Me.You.We.They pour dix interprètes, dont Benjamin Millepied qui s’insinue dans cette pièce. SI la Philharmonie n’est pas la meilleure salle parisienne pour la danse, elle offre à la musique de Nico Muhly un écrin acoustique idéal sous la direction du chef Maxime Pascal. Et ce spectacle en trois temps permet d’observer l’évolution du travail chorégraphique de Benjamin Millepied, qui parvient à se défaire de l’influence trop prégnante de ces années au New York City Ballet  pour créer une esthétique qui lui est propre et qui se conjugue parfaitement avec la musique de Nico Muhly.

 

Triade de Benjamin Millepied – L.A. Dance Project

 

Installé à Paris depuis maintenant deux saisons, Benjamin Millepied a proposé avec son L.A. Dance Project un programme revenant en trois pièces sur sa collaboration au long cours avec le compositeur Nico Muhly, en co-production avec la Philharmonie de Paris. Au risque de se répéter, la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, aussi superbe soit-elle, ne convient pas à la danse. Pire, elle peut nuire au spectacle. Sa dimension est conçue pour un orchestre symphonique, nullement pour des pièces chorégraphiques chambristes. C’est ainsi que, dès le milieu du parterre, alors que l’arrière-scène a été abaissée, il faut déjà une vue d’aigle pour saisir les nuances des interprètes. Inutile de préciser que dans les étages supérieurs, les jumelles sont de rigueur pour apprécier le travail des artistes. C’est particulièrement vrai pour Triade, créé au Palais Garnier, un théâtre qui convient mieux à cette pièce. Cette première collaboration de Benjamin Millepied avec le Ballet de l’Opéra de Paris faisait partie d’une soirée hommage à Jerome Robbins. On ne saurait donc reprocher au chorégraphe les références multiples à celui qui fut son mentor au New York City Ballet, compagnie dont Benjamin Millepied fut Principal dans les années 2000. L’évolution de deux couples qui entrent sur scène à la manière de Glass Pieces ouvre le champ des possibles, comme dans In the Night. Les pas de deux sont impeccablement réglés et la partition de Nico Muhly, interprétée en direct sur scène, crée une intensité sensorielle entre les deux couples. Triade est une pièce plaisante mais sous influence.

Moving Parts créé en 2012 marque déjà une inflexion palpable. Benjamin Millepied introduit une scénographie sous la forme de trois larges panneaux dessinés par Christopher Wool. Conçue pour six danseurs et danseuses, cette pièce fait encore la part belle à la grammaire académique américaine mais le chorégraphe semble se détacher de son modèle, introduisant un geste plus contemporain, alternant pas de deux et danse au sol. Déjà préoccupé par la question des clichés de genre, Benjamin Millepied imagine un magnifique duo pour hommes d’une infinie délicatesse. Mais c’est le danseur Shu Kinouchi qui illumine Moving Parts dans un solo éblouissant, puissant, aérien, avec une hauteur de saut exceptionnelle. Son charisme parvient à briser le mur de l’immensité de la salle. Là encore, la musique de Nico Muhly enthousiasme avec en particulier la partie pour orgue interprétée par Alexis Grizard et qui semble la seule justification recevable pour présenter ce programme à la Philharmonie.

 

Moving Parts de Benjamin Millepied – L.A. Dance Project

 

Tout change après l’entracte. La création de cette soirée intitulée Me.You.We.They marque une nette rupture avec les pièces précédentes, comme si Benjamin Millepied s’était aujourd’hui affranchi de ses maîtres. Construite pour dix danseuses et danseurs dont Benjamin Millepied. Sans abandonner le vocabulaire classique qui l’a façonné, la chorégraphie se fait plus inventive. Les solos et duos sont percutants avec une danse qui accélère ou décélère en permanence. Benjamin Millepied conçoit une géométrie plus complexe, plus sensuelle aussi, moins retenue que dans les œuvres précédentes. Le dispositif scénique, s’il n’est pas nouveau, fonctionne parfaitement. Tous les interprètes débutent la pièce sur le plateau, non seulement les danseuses et danseurs mais aussi l’orchestre de chambre Le balcon dirigé par le maestro Maxime Pascal. Dans cette pièce très construite, Benjamin Millepied semble avoir ouvert la porte à l’improvisation. Il y a ainsi une force vitale qui imprègne la pièce du début au final saisissant, où un danseur seul regarde le public quand les autres sont tournés vers l’orchestre. Beau symbole d’inclusivité et de partage.

Peu de chorégraphes remplissent pour quatre représentations une salle de 2.400 places. C’est en soi une performance qu’il convient de saluer. Benjamin Millepied a su imposer son art. Il regorge d’idées, n’hésite pas à surprendre et à faire des pas de côté. Après ses années californiennes, il est revenu en France. On devrait donc le voir davantage et c’est une bonne nouvelle pour la danse.

 

Me.You.We.They de Benjamin Millepied – L.A. Dance Project

 

Soirée Benjamin Millepied et Nico Muhly par le L.A. Dance Project. Triade, Moving Parts et Me.You.We.They de Benjamin Millepied (chorégraphie) et Nico Muhly (musique). Avec Courtney Conovan, Jeremy Coachman, Lorrin Brubaker, Daphne Femberger, David Adrian Freeland Jr, Eva Galmel, Shu Kinouchi, Audrey Sides, Hope Spears et Nayomi Van Brunt. Direction musicale Maxime Pascal. Vendredi 29 mars 2024 à la Salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris. 

 

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