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Les adieux à la scène de Myriam Ould-Braham

Myriam Ould-Braham a fait ses adieux à la scène du Ballet de l’Opéra de Paris le 18 mai. La Danseuse Étoile avait choisi Giselle, un de ses rôles qui avait marqué sa carrière. Dans une salle remplie de passionné-e-s de danse de toutes générations, la ballerine a livré un magnifique dernier spectacle, entourée par toute une compagnie au diapason. Qui se termina, comme le veut la tradition, par une pluie d’étoiles et de fleurs, pour vingt minutes de chaleureux applaudissements. Une soirée riche en émotions à la hauteur de cette Danseuse Étoile si particulière.

 

Adieux à la scène de Myriam Ould-Braham

 

Les adieux à la scène d’un Danseur ou d’une Danseuse Étoile du Ballet de l’Opéra de Paris ont quelque chose d’immuable : la date annoncée bien à l’avance, de nombreuses personnalités de la danse dans la salle, beaucoup d’habitué-e-s aussi, les bouquets de fleurs aux saluts, la famille et les collègues sur scène, les étoiles qui tombent des cintres, les discours dans le Grand Foyer. Et pourtant, chaque soirée d’adieux est différente, à l’image de celle ou de celui qui tire sa révérence. Ceux de Myriam Ould-Braham, on les imaginait joyeux, simples et remplis d’émotion. Ce fut le cas.

Ces adieux ne s’annonçaient pas teintés de regrets, ce qui peut être le cas lorsque l’artiste sur le départ semble encore si riche de choses à donner. À 42 ans, Myriam Ould-Braham était arrivée au bout de sa carrière et de ses possibilités. Il n’y avait pas là l’envie de la retenir, mais de la saluer, de la remercier pour tous ces moments vibrants de scène. Dès son entrée en scène, une Giselle si pleine de charme, les applaudissements furent ainsi nourris, du premier rang d’orchestre au fond fond des cinquièmes loges, et plus encore de l’autre côté du rideau. Nous fûmes nombreux, au moment de cette première ovation, à nous remémorer nos même applaudissements lors de la soirée de nomination de Myriam Ould-Braham, le 18 juin 2012 sur La Fille mal gardée de Frederick Ashton. Sur mon fauteuil du deuxième rang d’orchestre, je me souviens ainsi que j’étais douze ans plus tôt au même rang mais côté cour, avec une place d’abonnement Jeune choisie avec soin (l’évolution des prix de ces mêmes places sur ce même laps de temps pourrait faire un roman, mais c’est un autre sujet).

 

Adieux à la scène de Myriam Ould-Braham

 

Les soirées d’adieux ont toujours une saveur artistique particulière. Cette Giselle fut exceptionnelle (un peu comme, dans un tout autre genre, la soirée d’adieux d’Isabelle Ciaravola sur Onéguine de John Cranko). Il y avait le sentiment que Myriam Ould-Braham montrait l’aboutissement de sa carrière lors de cette représentation. Notamment le deuxième acte, qui fut comme son chef-d’œuvre personnel. Ses années de travail l’ont amené à cela, à cet acte qui fut comme un moment suspendu. Tout avait un sens, tout était si intensément abouti : ce travail de mains, de bras, de pieds, de style. Tout avait une intention profonde et sincère, comme si tout avait été immensément réfléchi depuis vingt ans pour arriver à ce point culminant. Des deux côtés de la scène, il y avait ce sentiment de concentration absolue. Comme si chacun et chacune – la danseuse comme le public – voulait profiter de chaque seconde et garder en mémoire tous les gestes de ce deuxième acte. Du premier rang de l’orchestre au fin fond des cinquièmes loges là encore, pas un bruit n’est venu perturber ce moment un peu hors du temps. Ce sont ses mains qui partirent les dernières, englouties dans la tombe de Giselle, comme cherchant à rester en scène encore une seconde de plus.

Et tout le monde sur le plateau fut au diapason. Paul Marque fut un Albrecht intense, profondément amoureux et sensible, partenaire attentionné à la fois entièrement là pour servir sa danseuse tout en proposant un personnage construit et personnel. Toujours terrienne dans sa danse, Valentine Colasante n’en proposa pas moins une Myrtha altière et pleine d’autorité, au jeu limpide et puissant, guidant les Willis durant tout ce deuxième acte. Un corps de ballet superbe (que Giselle va bien aux danseuses de l’Opéra de Paris !) qui nous emmena loin dans le songe, en opposition à Myriam Ould-Braham qui garda constamment sa sensibilité d’humaine, et son amour profond pour Albrecht.

 

Giselle de Jean Coralli / Jules Perrot – Myriam Ould-Braham et Paul Marque

 

Les applaudissements finals furent là encore à l’image de l’Étoile. Elle ne fut jamais seule en scène, mais chaleureusement applaudie pendant vingt minutes par un public si attaché à elle, et par la compagnie lui témoignant un profond respect pour ses années de carrière un peu à part. Après une longue accolade avec son partenaire, puis à son directeur José Martinez et Alexander Neef, le si joli bouquet de fleurs rose pâle apporté par ses enfants, Myriam Ould-Braham fit monter en scène ses proches présents en coulisse. Il y eut Claude de Vulpian, Élisabeth Maurin, Brigitte Lefèvre qui la nomma Étoile. Ses collègues Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio avec qui elle a tant partagé ces dernières années, Marc Moreau, Hugo Marchand et Guillaume Diop. Léonore Baulac, Sae Eun Park et Bleuenn Battistoni comme un passage de témoin. Ses amis de son âge, qui s’en vont aussi, comme Cyril Mitilian ou Audric Bezard à qui elle rendit un hommage appuyé (ses adieux à lui aussi ? Il semble avoir quitté la compagnie en catimini la saison dernière). Quel si joli tableau, ainsi, de cette danseuse si touchée et presque intimidée dans son tutu blanc et son bouquet de fleurs rose pâle à la main, entourée du corps de ballet et de ses partenaires applaudissant à tout rompre, une pluie d’étoiles argentés tombant des cintres accompagnée par quelques roses blanches jetées des loges de côté, le tout enveloppé par la fumée si symbolique de Giselle. Ça n’aurait pu être plus beau. La salle se ralluma – peut-être un peu vite – pour encore quelques minutes de ce qui n’arrive pas si souvent : le public applaudissant à vue des artistes et non plongé dans le noir.

Il y eut ensuite le traditionnel pot dans le grand Foyer (auquel DALP n’était pas mais que l’on nous a raconté), entre les proches, les collèges et les grands mécènes. Myriam Ould-Braham a remercié ses professeur-se-s et ses partenaires, notamment Mathias Heymann, peut-être le grand absent de cette soirée. José Martinez lui a offert son diadème d’Étoile. Il est de tradition que le Directeur de la Danse fasse un petit discours. Mais Myriam Ould-Braham n’en voulait pas, arguant que chaque personne présente ce soir-là la connaissait déjà. José Martinez s’est donc contenté de lire quelques mots trouvés sur les réseaux sociaux et qui définissaient bien la danseuse selon lui. Ce furent les miens, écrits sur le compte Instagram de DALP quelques heures avant la soirée. Je me suis mise à penser à la Moi d’il y a 12 ans, journaliste pour de grosses chaînes d’infos et blogueuse Danse à ses heures perdues dont le site commençait à prendre de l’ampleur, assise sur sa place d’abonnement jeune chèrement acquise, assistant à la nomination d’Étoile d’une danseuse si chère à son coeur de passionnée de danse.

 

Adieux à la scène de Myriam Ould-Braham

 

Si les adieux de Myriam Ould-Braham furent forcément un peu nostalgiques, comme pour toutes les soirées d’adieux d’ailleurs, c’est que ce genre de moment nous pousse à regarder le temps qui passe. Où étais-je au moment de sa nomination ? Nous étions nombreux, au cours des années 2000, à avoir découvert la danse à l’Opéra de Paris par cette génération qui s’en va : Myriam Ould-Braham, Mathieu Ganio, Dorothée Gilbert. Au sortir au Palais Garnier, à chacun et chacune de se remémorer le grand rôle de l’Étoile qui l’a marqué. Manon, Odette/Odile et Nikiya arrivent en tête. Et Giselle, bien sûr. Cette soirée, au-delà de l’émotion joyeuse des Adieux, était artistiquement exceptionnelle et gardera une place spéciale dans les souvenirs de ceux et celles qui y étaient, par son émotion profonde et vibrante que peu de représentations possèdent.

 

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Commentaires (2)

  • Lili

    Une très belle étoile qui s’en va…. Des adieux que j’ai trouvés un peu tristes, notamment parce que Mathias Heymann n’était pas là et que quand même ce fut un duo de légende de l’Opéra, même si Myriam à elle seule a incarné la grâce. Merci quand même de le mentionner car le silence assourdissant finit par poser question. La belle Myriam est partie, et elle va malgré tout nous manquer.

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