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Ballet de Lorraine – Maud le Pladec / Ayelen Parolin

Pour son dernier programme de cette saison 2023-2024 baptisée Instantly Forever, le Ballet de Lorraine a mis à l’affiche deux pièces de deux artistes féminines. D’abord Maud Le Pladec, directrice du CCN d’Orléans qui succèdera dans quelques mois à Peter Jacobsson et Thomas Caley. Puis Ayelen Parolin, chorégraphe argentine installée à Bruxelles depuis deux décennies. Cette reprise de Static Shot de la première remplit son office : nous scotcher à nos sièges par sa cadence implacable. Tandis que Malón de la deuxième nous cueille par sa fantaisie débridée et son univers pop acidulé déroutant. Un programme jubilatoire dans lequel les interprètes de la compagnie, toujours ouverts à de nouvelles expériences, se coulent avec une délectation qui fait plaisir à voir.

 

Malón d’Ayelen Parolin

 

Si Maud Le Pladec et Ayelen Parolin ont un point commun c’est que ça danse vite chez l’une comme chez l’autre. Pas de gras, pas de temps perdu, sur la scène du Ballet de Lorraine, pour ce dernier programme de la saison. Les interprètes investissent le plateau sans temps mort, ni tergiversation. La future maîtresse des lieux ouvre le bal avec sa pièce Static shot qui va décidément comme un gant à la compagnie. Un des interprètes s’est blessé juste avant la première, apprendra-on à l’entracte. Cela explique sans doute les mini-hésitations, imperceptibles toutefois pour celles et ceux qui découvrent la pièce.

Car c’est à un véritable morceau de bravoure que se frottent les 23 danseuses et danseurs. Le rythme de la pièce ne souffre aucune anicroche. En mode commando, ils tentent en vain de briser l’engrenage qui les emprisonne progressivement et risque de les broyer. La progression de cette pièce est diablement efficace. Elle nous prend dans ses filets sans que l’on se rende bien compte de ce qui nous arrive. Comment résister à cette armée à paillettes qui défile sur le catwalk avec une démarche mécanique presque déshumanisée ? Hypnotisés par ce flux et ce reflux qui nous happent sans nous laisser aucune échappatoire, on ressort de Static Shot quasi aussi survoltés que ses protagonistes.

 

Static Shot de Maud Le Pladec – Ballet de Lorraine

 

Impossible de sortir du rang quand le conditionnement force à des réponses réflexes qui se déclenchent au moindre stimulus ? Ce à quoi nous invite Ayelen Parolin est d’une toute autre nature. Changement d’ambiance après l’entracte avec ce plateau à la blancheur éclatante qui contraste avec l’ambiance clubbing de la première pièce. Le côté fantasque de la chorégraphe ouvre le champs des possibles et entraîne les interprètes de la compagnie là où ils adorent aller : à la découverte d’eux-mêmes. Malón est une expression qui, en Argentine, désigne un grand groupe de personnes dont l’arrivée dans un endroit provoque désordre. Pour camper cette foule hétéroclite, Ayelen Parolin laisse éclore sur le plateau la personnalité de chacun. Comme d’autres avant elle, mais avec une extravagance très revigorante. Affublé de cette garde-robe fluo et bariolée complètement foutraque, chacun s’empare de sa partition avec une euphorie certaine. La gestuelle emprunte aux postures animales, aux mimiques clownesques, on saisit ici et là des clins d’œil à l’histoire de la danse de Pina Bausch à Merce Cunningham.

L’aléatoire semble présider et donne cette impression de faussement désorganisé quand toute la pièce est au contraire très construite. La joie de danser explose dans chaque duo, trio ou quatuor. Cette pièce a le goût de ses bonbons qui crépitent sur la langue en vous donnant un exquis petit coup de fouet. Entre hommage décalé, jamais irrespectueux et caricature faussement naïve, Ayelen Parolin cache bien son jeu et maîtrise parfaitement son lâcher-prise. Chaque parcelle de mouvement grossit, pour composer quelque chose de plus ambitieux qui dépasse chaque danseur. Rompre les carcans est donc possible. Sortir du rang peut-être aussi.

 

Malón d’Ayelen Parolin

 

Programme 3 du CCN-Ballet de Lorraine. Static Shot de Maud Le Pladec et Malón d’Ayelen Parolin. Jeudi 23 mai 2024 à à l’Opéra national de Lorraine à Nancy.

Le Ballet de Lorraine est à retrouver en tournée : Discofoot de Petter Jacobsson et Thomas Caley les 22 et 23 juin au festival Freestyle Extra à la Villette, le 30 juin au festival Montpellier Danse, du 28 au 30 juillet à Nantes. Dancefloor de Michèle Murray et programme Merce Cunningham les 2, 3 et 5 juillet au festival Montpellier Danse.

 

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