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[Photos] Retour sur les différentes distributions de Sylvia de Manuel Legris par le Ballet de l’Opéra de Paris

L’entrée au répertoire de Sylvia de Manuel Legris au Ballet de l’Opéra de Paris a fait couler beaucoup d’encre ! D’un côté une production qui n’a pas franchement convaincue. De l’autre de très beaux solistes s et une compagnie qui y brille. Après la chronique détaillée, retour ainsi en images sur les différentes distributions de Sylvia. Et focus sur quatre d’entre elles par écrit.

 

Diaporama-photos des différentes distributions de Sylvia de Manuel Legris : 

 

Malgré la chorégraphie redondante de Manuel Legris, Valentine Colasante a fière allure en Sylvia. Souvent moins convaincante dans les rôles lyriques, l’Étoile met ici toute sa prestance dans l’interprétation de la chasseresse. Mais c’est surtout la finesse de sa maîtrise technique qui ravit. Ses arabesques et son port de bras sont aussi élégants que vifs, tandis que ses sauts et ses tours sont enchaînés avec dynamisme et légèreté. La quintessence de ces qualités de danse s’offre ainsi dans la fameuse variation des Pizzicati, déroulée avec éclat. Et presque naturellement, sa danse traduit le dilemme de Sylvia, tiraillée entre devoir et amour, raison et sentiments. Pourtant au deuxième acte, face à Jeremy-Loup Quer en Orion, cette assurance devient quelque peu laborieuse. Si individuellement, Valentine Colasante allie encore grâce et fermeté, avec une touche de ruse pour s’échapper de la caverne, elle semble avoir du mal à s’accorder avec le Premier Danseur. Ce dernier propose également un travail de belle tenue, en solo. Le partenariat devient beaucoup plus fluide lorsque Valentine Colasante retrouve Guillaume Diop, dans le rôle d’Aminta. En jeune berger éperdument amoureux, l’Étoile incarne avec justesse le contrepoint de la déesse et de la nymphe chasseresse. Sa danse, toujours précise, gagne en assurance et en aisance du premier au troisième acte. Il offre ainsi à sa partenaire un soutien solide et moelleux, permettant au duo de déployer un remarquable grand pas de deux. Reconnus pour leur travail rigoureux et appliqué, les deux artistes mettent à profit leur confiance mutuelle pour offrir un travail équilibré.

À l’instar du trio principal, la distribution des personnages secondaires est mise à l’épreuve du couple. Dans les pas de Diane, Héloïse Bourdon donne à la déesse de la chasse une démarche fière, et même altière. Pourtant, ses appuis habituellement solides semblent manquer d’assurance aux côtés d’Endymion (Lorenzo Lelli) – et on ne peut tout mettre sur le compte de la passion interdite. Même combat pour Jack Gasztowtt qui offre de belles nuances à Eros, personnage séduisant par sa noblesse et sa malice. Mais sa technique peut encore gagner en fluidité et en précision, notamment dans les grands sauts amortis avec hésitation. À l’inverse, mention spéciale à Keita Bellali qui fait un Faune tout à fait remarquable. Ses gestes agiles et puissants sont nettement marqués et confèrent ainsi un surcroît de relief au personnage. Si le costume laisse quelque peu perplexe, son caractère sied parfaitement au jeune Coryphée qui se joue de son espièglerie fougueuse.

Callysta Croizer – Représentation du mercredi 14 juin 2025

 

 

Revoir une deuxième fois Sylvia ne m’a pas franchement fait changer d’avis sur ce ballet. Mais la faiblesse de l’œuvre n’empêche pas les artistes d’y briller, et à défaut d’être un grand chorégraphe, Manuel Legris y montre tout son talent pour coacher les danseurs et danseuses, en faire ressortir le meilleur et concocter des distributions bien assorties. Rien ne semble ainsi résister à Sae Eun Park,  avec sa capacité à rendre intelligent absolument chaque pas. Plus romantique que guerrière, elle interprète une nymphe amoureuse, parfois fragile, avec une danse d’une beauté et d’une virtuosité enthousiasmante à chaque instant. Le duo qu’elle forme avec Pablo Legasa fonctionne à merveille – on a très envie de les voir ensemble sur d’autres ballets – montrant beaucoup d’allant avec une danse incisive. Le Premier danseur a eu peu de chances de briller dans un premier rôle ces derniers temps. On le retrouve en première ligne avec enthousiasme. Charismatique, brillant, investi dans le jeu, bon partenaire, Pablo Legasa a démontré une nouvelle maturité.

Le reste de la distribution fut tout aussi brillant. Nine Seropian porte Diane avec autorité, Lorenzo Lelli montre tout son formidable potentiel en Éros, avec déjà tant de maturité, Jérémy-Loup Quer joue les méchants avec vivacité en Orion. L’altière Éléonore Guérineau illumine le premier acte en Nymphe, avec Chun-Wing Lam en Faune sur la même longueur d’onde. Bianca Scudamore et Hohyun Kang mènent les Chasseresse avec maestria, tandis qu’Aubane Philbert et Daniel Stokes donnent le ton des Paysans. Sylvia a au moins ce mérite : donner à danser à beaucoup de monde. Et montrer que le niveau technique, comme l’intérêt des artistes de la compagnie pour la technique classique, est clairement sur la pente ascendante.

Amélie Bertrand – Représentation du jeudi 22 mai 2025.

 

Comme pour les films précédés d’un bouche-à-oreille assourdissant, difficile de se présenter complètement neutre à cette représentation de fin de série. Je suis pourtant très curieuse de découvrir ce ballet, même peu férue de mythologie. Sauf quand l’helléniste Pierre Judet de La Combe raconte Quand les Dieux rodaient sur la terre… Mais revenons à Sylvia de Manuel Legris qui, si on ne connaît pas l’argument avant le lever de rideau, peut apparaître bien confus. Les costumes n’aident pas non plus à identifier totalement les différents protagonistes. Mais à défaut de se laisser complètement convaincre par la production, la complicité de la distribution aide à passer une bonne soirée. Complices, Roxane Stojanov et Thomas Docquir le sont assurément, sans doute bien au-delà de ce que le mot peut avoir de convenu. Ayant déjà dansé Diane lors d’autres représentations, c’est en Sylvia que l’Étoile fait sa prise de rôle ce soir-là au côté de ce partenaire qu’elle connaît bien. Roxane Stojanov s’empare du personnage avec une assurance toute  naturelle. Dès le premier acte pourtant pas le plus emballant, elle s’impose. Elle est une Sylvia qui gagne en assertivité au fur et à mesure qu’elle franchit les obstacles. Dans la pantomime du deuxième acte, lorsqu’elle se retrouve séquestrée par Orion, elle navigue entre impuissance et stratagème pour se tirer de ce mauvais pas. Elle le charme mais en gardant sa position de nymphe. C’est véritablement à l’acte 3 qu’elle montre à la fois sa maîtrise des difficultés techniques, sa rapidité d’exécution (oh ces déboulés !) et sa capacité à endosser ce nouveau rôle. Son couple avec Thomas Docquir est d’une crédibilité incontestable. Leur pas de deux final dans lequel le Premier danseur est d’une grande précision rattrape tous les moments où notre attention a flanché.

À leurs côtés, les autres solistes masculins ne sont pas en reste. Shale Wagman continue de nous enchanter et compose un faune bondissant irrésistible. Chaque fois qu’il entre en scène, il prend la lumière. Il ne cabotine pas, il fait montre d’une avidité de danser qui est belle à voir. L’autre heureuse surprise de cette soirée est Antonio Conforti en Éros dont la première apparition m’a sortie de la légère torpeur qui commençait à s’installer. Il est magistral de bout en bout malgré des costumes (slip doré comme jupette) qui peuvent largement prêter à discussion (on ne s’en est pas privé d’ailleurs). Seul bémol pour Florent Melac qui relève le gant technique mais peine à trouver la bonne interprétation pour le chasseur noir Orion qu’on attendrait plus menaçant. La distribution féminine a réservé, elle aussi, de bien jolies surprises. Bianca Scudamore en Diane dégage une autorité un rien boudeuse. Ses lignes sont toujours aussi nettes et son allant charismatique. Mention spéciale à Hohyun Kang et Nine Seropian, deux chasseresses pleines de charme, et à l’audacieuse Clara Mousseigne qui s’empare avec cran du rôle de la Naïade. De ballet en ballet, la danseuse s’impose de plus en plus dans la compagnie. Une future Première danseuse ?

Claudine Colozzi – Représentation du mardi 27 mai 2025.

 

Une date unique pour cette distribution de jeunes pousses, antichambre des étoilables, toutes et tous extrêmement séduisants. L’avantage de cette entrée au répertoire, c’est qu’il n’y a aucune référence, pas d’interprétations passées qui donneraient le la. On imagine que cela confère un surcroît de liberté pour ces solistes qui ont cassé la baraque. La déesse du jour était bel et bien Inès McIntosh : elle conduit le récit pourtant foutraque avec une assurance qui irradie la scène. Aucun défi technique ne semble la rebuter et elle danse avec un formidable aplomb les séries de pas complexes imaginés par Manuel Legris. Elle parvient même dans le deuxième acte à nous captiver dans une narration qui trois souvent nous perd. Inès MacIntosh est une danseuse toute proche de la dernière marche. Le rôle d’Aminta n’est pas aussi gratifiant mais Francesco Mura s’en acquitte avec grâce et brio, effaçant le côté fade du personnage. Et il est un partenaire solide pour Inès McIntosh bien que l’on regrette l’absence d’un grand pas de deux lyrique.

Shale Wagman est un peu la sensation de la soirée. Entré en début de saison par le Concours externe, venu du Ballet de Munich, vainqueur du Prix de Lausanne, le jeune Quadrille fait exploser l’applaudimètre à chacune de ses apparitions. Le rôle d’Éros lui offre toute la panoplie pour faire briller sa pyrotechnie : hauteur de saut, vitesse d’exécution, réceptions impeccables. Sa joie de danser sur la scène du Palais Garnier ajoute au plaisir de voir ce jeune danseur qui franchira très vite les marches vers le sommet. On l’attend maintenant dans des rôles dramatiques pour découvrir ses qualités d’interprète. Mention spéciale enfin pour les demi-solistes : Aurélien Gay dans le rôle du Faune déploie un charisme immédiat avec une danse athlétique qui n’abdique jamais l’élégance française. Il forme avec Hortense Millet-Maurin en Naïade un couple au charme irrésistible comme une respiration dans un spectacle trop dense. Ovations finales et deux rideaux pour ce cast à suivre.

Jean-Frédéric Saumont – Représentation du jeudi 29 mai 2025.

 
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Commentaires (1)

  • phil

    Sur ce que j’ai vu , les livrets et les narrations bancals devraient etre ajustés ,modifiés (! !) et reinterprétés lorque cela est envisageable par Mr Antonio Conforti , il serait peut etre judicieux de lui laisser de temps en temps les clés du camion…ceci fait SYLVIA devient un ballet tout à fait acceptable .

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