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La Belle au bois dormant – Mathieu Ganio et Eleonora Abbagnato

Des extraits de cette représentation sont diffusées sur France 3 le samedi 14 décembre à 22h45.

Neuf ans que La Belle au bois dormant n’avait pas été dansé par le Ballet de l’Opéra de Paris ! Mais quand le rideau s’est levé, c’est comme si toute la compagnie n’avait jamais cessé de le danser. Perruques, décors fastueux de palais et robes Grand Siècle peuvent paraître lourdauds chez d’autres. Ici, il n’en est rien. Chacun est à sa place dans la cour de Louis XIV (quoi de plus normal pour la troupe parisienne après tout), chacun présente son talon en dehors avec le plus grand naturel. La production est splendide et tout le monde sur scène est en place, avec visiblement de l’envie. Mais oui, après plusieurs séries Noureev franchement peu enthousiasmantes, cette Belle au bois dormant est ravissante. On ne peut pas encore parler d’euphorie totale – il y manque encore comme un soupçon de malice pour ça – mais cette première tient son rang avec un certain panache.

Eleonora Abbagnato - Aurore s'endort

Eleonora Abbagnato – Aurore s’endort

La Belle au bois dormant est avant tout un ballet démonstratif, d’autant plus dans la version de Rudolf Noureev. L’intrigue est bien mince, il s’agit plus d’un enchaînement de bal : baptême, partie de campagne, mariage, vous avez le choix. Il faut pourtant tenir en haleine trois heures durant, grâce au style, à l’attitude, et à justement ne pas se contenter d’aligner les pas. Ce ballet, c’est le plaisir de la danse académique à l’état pur, le génie de Petipa dans l’art d’insuffler de la poésie dans la plus parfaite géométrie. Une danse classique qui se suffit parfaitement à elle-même tellement est elle belle (quand elle est bien dansée).

Et si la star de cette première était donc le corps de ballet et ses nombreux demi-solistes ? Le prologue – presque un acte – est tout à fait charmant avec ses fées et sa pantomime tout en retenue aristocratique. Le premier acte prend de l’ampleur, le deuxième est poétique et le troisième est grandiose, fastueux, provoquant même des applaudissements dès le lever du rideau et des « Ho » et « Ha » d’exclamation du public. Du moins au regard de la production et de la compagnie en général. Car le couple principal n’a pas toujours été sur la même longueur d’onde.

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Eleonora Abbagnato est naturellement une danseuse qui rayonne en scène. Je l’avais imaginée en princesse un peu show-off, piquante. Non, elle a choisi le parti-pris original, une jeune fille sage. Qui est très préoccupée par ses pas d’ailleurs. La danseuse semble d’emblée un peu crispée et pas forcément à l’aise dans les diverses variations d’Aurore, Mais au-delà des difficultés techniques pas toujours maitrisées, c’est autre chose qui gêne. Comme un manque de musicalité dans le haut du corps, comme une impression qu’elle n’est pas tout à fait à sa place. Eleonora Abbagnato n’a plus dansé les classiques académiques depuis longtemps et semble avoir un peu oublié l’esprit de les faire.

Mathieu Ganio a pour sa part du style pour deux. Arrivant à l’acte II, il démarre par une longue variation d’une dizaine de minutes, remplie de mélancolie et de rêverie. Et l’Étoile sait tenir en haleine. Non seulement il est un danseur princier magnifique, avec de superbes lignes et une attitude naturellement élégante, mais il sait donner de l’épaisseur à Désiré. Il lui invente une vie, des envies, des rêveries. Il règne une ambiance délicieusement mystérieuse dans ce deuxième acte. Et le réveil d’Aurore et de la cour est aussi joli qu’un conte de fées.

Mathieu Ganio et Eleonora Abbaganto - Le réveil d'Aurore

Mathieu Ganio et Eleonora Abbaganto – Le réveil d’Aurore

Le troisième acte, le mariage, devrait être l’apogée de cette danse académique, et le pas de deux d’Aurore et Désiré l’apothéose. Ça tombe un peu à plat entre un Prince qui fatigue un peu et une Princesse qui montre quelques difficultés, même si elle a l’attitude de la reine. Le régal viendra des seconds rôles : l’irrésistible duo des chats (Allister Madin et Aubane Philbert très en forme), ou trois superbes Pierres précieuses (Héloïse Bourdon, Laura Hecquet et Sabrina Mallem, qui ont en plus assuré de magnifiques fées au prologue) menées par un bondissant Audric Bézard et une ravissante Valentine Colasante.

Mais c’est indéniablement le pas de deux de l’Oiseau bleu qui a couronné cet acte – et le ballet dans son ensemble. Mathias Heymann et Myriam Ould-Braham sont faits pour ce genre de spectacle, et s’entendent de plus très bien sur scène. Lui survole la cour avec une aisance qui fait chavirer, elle est tout en finesse et en musicalité, avec une pointe de second degré. En quelques minutes se dessine le superbe couple princier qu’ils vont incarner dans quelques jours, sur cette même scène. Pourquoi n’ont-ils donc pas eu droit à la retransmission filmée ? Mystère. La direction a préféré, pour une diffusion en direct au cinéma, une Étoile brillante mais visiblement pas à l’aise dans ce genre de rôle, alors qu’elle a sous la main le couple idéal. Vous avez dit tendre le bâton pour se faire battre ?

Mathias Heymann - L'Oiseau bleu

Mathias Heymann – L’Oiseau bleu

 

La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, par le Ballet de l’Opéra de Paris, à l’Opéra Bastille. Avec Eleonora Abbagnato (Aurore), Mathieu Ganio (Désiré), Vincent Cordier (le Roi), Christine Peltzer (la Reine), Marie-Solène Boulet (la Fée Lilas), Stéphanie Romberg (Carabosse), Bruno Bouché (Catabulte), Myriam Ould-Braham (Princesse Florine) et Mathias Heymann (l’Oiseau bleu). Mercredi 4 décembre 2013. 

Commentaires (21)

  • Alessandra

    Je ne suis pas la fan no. 1 d’ Eleonora Abbagnato – je pense qu’elle est superbe dans certains roles mais j’aime beaucoup plus des autres étoiles, que je trouve plus virtuoses et surtout versatiles -, mais au meme temps je crois que, sans la possibilité de repractiquer les grands classiques maintenant qu’elle est étoile et peut donc choisir de le faire, elle n’aurait jamais la possibilité de retrouver de la confiance, d’amméliorer et en général, de faire sortir son talent dans ce genre. J’apprécie beaucoup le fait qu’elle a finalement décidé de prendre des risques Noureev encore une fois, vous savez.
    Il faudrait lui donner du temps et etre un peu patients et lui permettre de reprendre confiance, je pense. Par contre, j’apprécie MOB presque seulement dans les roles vraiment classiques – elle ne me transmet pas beaucoup dans des choses différentes. Donc voilà.

    Attendons et voyons, peut etre que les prochaines soirées de la couple Ganio-Abbagnato seront mieux!!

    J’aimerais bien voyer le corps de ballet, en tout cas. Il me manquera plus que jamais, cette fois-ci 🙁

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  • Joelle

    Complètement d’accord avec ta revue Amélie ! Nous étions bien au même spectacle !

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  • Ca fait mal de voir E. Abbagnato à un tel niveau pour ce premier grand rôle après sa nomination d’étoile. A ce point-là je ne comprends pas du tout la décision de la direction de la filmer et je ne trouverais pas scandaleux qu’elle soit remplacée par une autre danseuse. Heureusement que le reste de la distribution et la production étaient à la hauteur pour rattraper quelque peu cette déception!

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    • Alessandra

      Presque d’accord sur tout – sauf que je la rempacerait si meme ce soir elle ne dansera pas à la hauteur – mais le premier grand role après sa nomination était Marguerite, pas Aurore…. et ils m’ont dit qu’elle le danseait très bien. Donc je pense qu’il ne faudrait pas oublier les bonnes performances.

      C’est un drole de situation pour moi… je me trouve à la défendre, meme si elle n’est pas ma favorite – mais elle m’avait enchanté dans Afternoon of a Faun le mai dernier – mais bon… il ne s’agit pas vraiment de la défendre mais d’attendre et voir, sans etre méchants.

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      • Ah oui c’est vrai, elle avait dansé dans la Dame aux Camélias. Disons qu’elle est particulièrement mise en avant sur la Belle avec la première, le film + des articles à venir. Pour rebondir sur vos commentaires (« il faut attendre et voir »), je m’attends à ce qu’une danseuse étoile donne une performance à la hauteur de son titre dès le premier soir, d’autant plus que de nombreuses personnalités et membres de la presse assistent à cette soirée. Et le 4 décembre, elle était objectivement loin d’être au point. Il ne s’agit pas ici de critiquer l’ensemble de sa carrière mais un spectacle auquel j’ai assisté.

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  • Miam23

    J’aurais tellement aimé que ce soit MOB qui soit filmée, car c’est elle qui a le moins de date en plus !

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  • petitvoile

    L’Opéra de Paris dans la Belle, c’est tout le classique qui leur va à merveille, c’est leur école et les meilleurs décorateurs et costumiers du monde!
    Se serait préféré Pagliero pour la Première, la meilleure Belle vue depuis longtemps!

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  • a.

    aaaah, Mathieu Ganio et les variations lentes… dans celle du Lac il était… pfffffff… j’aurais adoré le voir dans celle de la belle.
    Pas d’intrigue dans la Belle? je trouve qu’il y en a une, mais toute intérieure : l’intrigue de devenir soi, de devenir un homme ou une femme. Et c’est une intrigue qui doit être des plus difficiles à rendre en scène, dans le contexte de ce genre de ballet (que j’adore à jamais!).

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  • SARIAN

    Bonsoir à tous,
    La représentation de la Belle au Bois Dormant du 8 Décembre était formidable.
    L’étoile Ludmila Pagliero nous a impressionné par son jeux de jambes et de pieds extraordinaire, c’est un exemple de travail qui a payé.
    Amandine Albisson paraissait tendue dans la 6ième Fée, peut- être que la pression était trop forte aujourd’hui.
    Le couple Valentine Colasante et François Alu ont marqués les esprits par leur prestation. Un véritable triomphe.
    François volait littéralement dans ses sauts et Valentine nous a éblouie avec des équilibres stupéfiants; nous aimerons voir ce couple dans des rôles de premier ordre.
    J’espère que la direction leur donnera rapidement cette chance.

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  • Cindy

    C’est drôle ! Je suis allée voir la Belle le 8 décembre, avec Ludmilla Pagliero et Jushua Hoffalt. Si la représentation en soi était magnifique – des décors et des costumes sublimes, un corps de ballet au top de sa forme – les solistes eux m’ont limite déçu.
    Dès son apparition, Ludmilla Pagliero n’était pas dans son rôle : elle dansait, certes, mais il n’y avait aucune émotion, aucune musicalité, certains pas étaient en-dedans…décevant. Elle s’est toutefois réveillée un peu lors du tout dernier pas de deux.
    Quant à Hoffalt, son deuxième acte était formidable – enfin un soliste digne de ce nom, se disait-on – puis il s’est endormi lors du troisième. Les variations de semi-solistes étaient beaucoup plus intéressantes, car plus musicales, plus festives, plus nobles ! Marion Barbeau a fait une fée jaune magnifique (elle tenait toutes ses attitudes et elle a un véritable jeu scénique). François Alu et Valentine Colasante ont quant à eux tout bonnement ébloui la salle entière. Leur pas de deux de l’oiseau bleu était juste majestueux. Aux applaudissements, il y en avait que pour eux !
    Du coup pour moi, c’est bilan mitigé : contente de voir que la compagnie a un corps de ballet si soudé, déçue d’avoir vu des solistes en demi-teinte !

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  • Caroline

    Je sors de la représentation du 12 décembre, visiblement filmée pour samedi soir et avec une distribution très proche de la première (identique peut-être ?). Visiblement, j’ai vécu la même soirée que la première : une élaonara abbagnato superbe mais peut-être pas tout à fait à la hauteur de l’attendu… surtout au 3ème acte, avec un couple Mathias Heymann et Myriam Ould-Braham étincellant – on atteint les très hautes dimensions de la danse, je serais devant mon poste samedi soir pour revivre ce moment là. Petite mention spéciale à Charline en délicieuse fée jaune…

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  • Fabio

    Trop de soi-disant etoiles a l’ Opera de Paris mais pas beacoup de « vraie » etoiles ( Dupont, mais aussi Dorotee Gilbert ça meme en puissance ).

    Abbagnato Etolie dans la Belle du 11 Decembre etais de la « tromperie sur la marchandise » .. e meme Ganjo m’ a donné l’ impression d’etre un peu moin bien que d’ ab (demotivé ?).

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  • Daniel

    Tout-à-fait d’accord avec vous, Amélie.
    La représentation filmée aurait pu être réalisée avec Myriam et Mathias.
    C’est dommage, j’avais espérer ces deux danseurs en film !
    Vous voyez. Quand il s »agit d’une danseuse romantique, le public ne s’y est pas trompé (les applaudissements…). Nous ne sommes plus dans le même registre. Foi d’auteur…

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  • cecle

    je viens d’assister a la représentation en direct au cinema – avec Mathias Heymann et Myriam Ould-Braham …et ai ensuite regardé la version E. Abbagnatto – enregistrée sur france3 : il est clair que le rôle convient effectivement mieux à la première. Pour le role masculin – ils sont très bien tous les deux !
    Je pense qu’il s’agit bien ici d’une erreur de casting. Sachant l’effort que cela demande et les sacrifices – j’ai un profond respect pour tout artiste, je suis certaine qu’ils donnent tous 150 % d’eux meme. C’est un art tellement difficile que je ne me sens pas le droit de critiquer. Que l’opéra et sa future nouvelle direction en tire les leçons pour la suite : peut etre ont-ils parfois besoin d’un oeil extérieur et objectif…un peu trop centré sur eux-memes ? Les réeaux sociaux ne nous permettent plus la moindre erreur ! c’est tellement facile pour eux de critiquer – de manière anonyme – alors que les artistes n’ont droit qu’à une chance .

    bravos à tous les artistes ! La danse est vraiment un art ingrat !

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    • a.

      je suis assez d’accord avec vous : honnêtement, je ne suis pas enchantée de l’Aurore d’Eléonora, mais je trouve comme vous terrible que les artistes soient commentés dans leur moindre parcelle, défaut ou qualité, par l’usage abusif (à mon sens) de la vidéo – parcelle et défaut qu’on ne retiendrait pas depuis la scène. Je trouve que la vidéo tue la scène, pourtant je suis la première à en regarder, mais là, j’y renonce, de peur de finir par tuer la fraicheur de la scène. Et c’est la scène seule qui compte. De même, je suis d’accord avec vous : on lit parfois des critiques de spectateurs impressionnantes de cruauté et de sans gêne. Pensent-ils seulement que les artistes peuvent les lire??? j’aurais honte d’écrire cela en me sachant (ou en me supposant) lue. Les critiques artistiques, sur le style, sont différentes, constructives, mais celles sur le physique ou l’âge… !!!

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  • Fabio

    Les artiste donnent le 150/100 bien sur e je suis tres sincerement ebloui (e je le dis en toute honnete) meme par la « derniere petite danseuse » qui fait ses evolution dans le dernier coin .. mais si on se propose comme « etoile » alors il faut assuré le role .. plutot que s’ amuser a faire l’ etoile « pipol » dans un programme tres nul ( type Nouvelle Star mais pire ) a la TV italienne comme fait Ms Abbagnato.

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    • a.

      Ah! mais je ne parlais pas de vous, je pensais plus aux extravagances de certains forums ou réseaux sociaux, que, de ce fait, je ne regarde même plus…

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  • Aventure

    J’ai regardé samedi dernier les extraits de Fr 3 (… maigres extraits… C’est scandaleux, chaque année je me dis que je devrais leur écrire. Sans compter qu’ils n’attirent pas ainsi un public qui n’y connaît rien ! A part frustrer les balletomanes, ça ne sert à rien.)

    J’ai passé un très beau moment, le corps de ballet m’a régalée, ils font tous plaisir à voir !
    J’ai bien aimé Eleonora Abbagnato, l’adage à la rose était certes un peu crispé, mais j’ai trouvé les variations (notamment du 1er acte) très belles. Dommage, je n’ai pas assez vu Mathieu Ganio !

    Mais surtout, j’ai découvert Mathias Heymann et Myriam Ould-Braham ! WOW ! M. Heymann, je l’avais juste vu dans Coppélia, il m’avait bien plu mais pas éblouie. Mais alors là ! Superbe ! J’ai également adoré M. Ould-Braham, magnifique. Les voir dans les rôles principaux, ça doit être quelque chose ! J’espère qu’il y aura des vidéos sur YT 😉 (de même que de François Alu en Oiseau bleu, j’adorerais voir ça !) Je regrette que les places de ciné soient aussi chères !

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  • Fabio

    Tout au fait daccord .. mon problem n’ est pas a priori la television en soit meme .. c’ est la trasmission specifique, « Amici » ( Amis ) .. il faut la regarder pour comprendre … c’ est plutot de la psycanalyse collective a bas prix plutot que une vrai promotion de la dance 🙂

    « Toute Étoile ne peut pas tout danser » .. tout aussi vraie mais alors pourquois se proposer dans cet role ?

    Mais bon, enfin pas grave .. je me suis ça meme regalé avec le ballet .. 🙂

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