Les Danses partagées du CND (édition 2012)
Depuis quelques années, le Centre National de la Danse a instauré une tradition : organiser les Danses partagées, un week-end à le rentrée composé de cours de danse pour amateurs, mais donnés par les spécialistes de chaque discipline. Et toujours par coutume, l’échauffement général et les cours de danse classique sont assurés par une Danseur Etoile ou une Danseuse Etoile de l’Opéra de Paris, Jérémie Bélinagrd pour cette année.
Les cordonniers étant toujours les plus mal chaussés, j’ai toujours beaucoup parlé de cet événement, trouvant l’idée géniale, mais je n’avais jamais eu l’occasion de le tester par moi-même. Ce fut chose en fait en 2012, même si m’y étant prise trop tard, je n’ai pu qu’essayer l’échauffement et le cours de danse classique du samedi après-midi.
A 13 h 45, le hall du CND est déjà en pleine effervescence. Les vestiaires sont pleins, quelques élèves studieux-ses s’échauffent au sol, d’autres suivent la première séance d’échauffement retransmise en vidéo. “Il est beau gosse !” , s’esclaffe une ado. Tiens, j’ai déjà entendu ça quelque part… Le public est définitivement varié, même si on note pas mal d’étudiantes d’une vingtaine d’années, quelques petites filles au chignon bien tiré avec leur maman, et oui, quelques mecs ! Si le CND défend les Danses partagées comme étant des cours ouverts à tous et toutes, y compris aux totals débutants, la plupart des participant-e-s ont tout de même visiblement l’habitude de danser, même si tout le monde reste amateur.
14 heures, il est temps de descendre dans un des grands studios pour un échauffement d’une demi-heure. Nous sommes nombreux et nombreuses, bien 70 à vue de nez, mais l’espace est grand. Jérémie Bélingard semble presque intimidé par la foule, indiquant dès le départ qu’il est plus habitué à faire qu’à parler. Comme chacun partira ensuite sur un cours différent, l’échauffement reste général, il s’agit de réveiller ses muscles, en prenant conscience de soi… et des autres. “Essayez d’être ensemble” est ainsi l’un des premiers conseils donnés. Ce qui m’a fait penser que je suis toujours frappée aux Démonstration combien le “Etre ensemble” est quelque chose de fondamental chez chaque professeur-e- de Nanterre.
On déverrouille la tête, les épaules, le haut du corps, le tout sur une musique de John Cage au piano. On fait quelques pilés, et des craquements se font entendre de tous les côtés, ce qui fait plutôt rire les participant-e-s. “C’est normal, c’est que ça travaille“, s’amuse le prof du jour. Après quelques étirements pas bien méchants, l’échauffement se termine par une petite séance d’improvisation. Chacun-e doit s’imaginer un cube autour de soi, puis doit évoluer dans son espace en respectant les contours de cette figure imaginaire, et en se donnant des directions précises. Les gestes deviennent de plus en plus rapides, chacun doit faire attention aux autres, et pourquoi pas entrer en interaction avec son voisin ou sa voisine.
Après cette demi-heure efficace, place à un petit moment de détente à la médiatèque très bien fournie du CND, avant le cours de danse classique. Bonne surprise, nous sommes beaucoup moins nombreux-ses qu’à l’échauffement, une petite trentaine, et un grand studio lumineux pour nous. Jérémie Bélingard se démène pour trouver quelques barres supplémentaires, et affiche d’emblée l’humeur des Danses partagées. “On n’est pas là pour faire une armée de danseurs !“, mais pour se faire plaisir, et danser. Les élèves du jour rigolent, et l’ambiance se décontracte aussitôt. Même si l’on sait que ce n’est pas un concours et que l’on n’est pas là pour être jugé-e, prendre un cours par un Danseur Étoile garde quelque chose d’impressionnant. Au-delà de l’excellence du geste, c’est aussi, et avant tout, un artiste que nous apprécions sur scène.
Jérémie Bélingard ne va pas tellement parler technique pure pendant une heure 1/2, mais plutôt de sa passion de la danse, avec une certaine fougue plutôt communicative, et visiblement beaucoup d’implication. Tant pis si on se plante, l’important est de prendre plaisir à danser. Et cela démarre dès les pliés. Notre prof assure qu’il est “flemmard“, et qu’il faut donc déjà mettre des intentions dans ces gestes, pour que cela reste un plaisir, même répétés tous les jours pendant des années. La barre n’est pas si compliquée, mais va vite. Et s’il y a quelques vrais débutants, il faut tout de même avoir une bonne base de classique pour vraiment apprécier ce cours.
Au fil de la barre, l’Étoilé nous distille quelques conseils qu’il a glané auprès de ses professeurs, comme Gilbert Mayer. “Les pieds sont le rythme, et le haut du corps la mélodie”. Penser à garder une certaine allure, à être ensemble, à écouter la musique, à suivre le mouvement de la main, à ne pas gigoter, et surtout à danser, même une main à la barre.
Le milieu est dans le même ordre d’idée. On danse avec la musique, on ose se lancer, même si le pied n’est pas tendu et qu’on se plante, ce n’est pas grave. Nous avons en plus la chance d’avoir un très bel accompagnement au piano (quel était le nom de la pianiste ? Je suis preneuse). Jérémie Bélingard montre, danse, et l’on est à deux doigts d’applaudir lorsqu’il fait une diagonale de sauts et s’envole (voir un danseur travailler d’aussi près, mais que le geste est beau). L’Étoile corrige avec patiente et se moque gentiment des travers des élèves. “Je n’ai jamais vu une pareille négation de la gauche“, s’amuse-t-il face à un groupe qui s’emmêle les pieds face à des tours à gauche. L’on n’est pas en compétition, alors tout le monde rit, surtout ceux et celles visé-e-s.
J’ai d’autant plus apprécié ce cours qu’en général, les rencontre Danseur Étoile-public se font de façon très formelle (en tout cas à Paris). Il s’agit souvent d’interviews ou de répétition publique, quelque chose en tout cas où le public est passif. Et justement, avec ce cours, c’est à nous de faire les choses, de travailler. Je pense que tous les amateurs qui pratiquent la danse me comprendront. Si nous continuons à prendre des cours à 20, 30 ou 40 ans, malgré un emploi du temps surchargé, ce n’est pas seulement pour se dépenser, ou même le plaisir de sentir ses muscles travailler. C’est surtout parce que, quand un pas est maitrisé, au détour d’une pirouette ou d’un tour, nous-aussi nous avons l’impression de nous “envoler” un peu. Ici, c’est l’Étoile qui “se met à notre niveau”, il ne fait pas que parler de sa passion de la danse, il la partage vraiment. Je pense d’ailleurs que la plupart des élèves du jour ne se tenaient plus de la même fa!on au début et à la fin de la leçon.
A la sortie, les studios du CND sont remplis. Tiens, un cours de danse baroque avec Béatrice Massin, un cours de contemporain avec Régine Chopinot, un cours de claquette, de jazz… C’est décidé, en 2013 je ne raterais pas le coche.
Charlotte
Il me semble que c’était Masako Shimura la pianiste. Elle accompagne aussi les élèves de l’école de danse.
Merci pour ce billet, ça permet de garder des souvenirs bien frais de cette super après-midi!
On se dit rebelote l’année prochaine! Je te le rappellerai 😉
Pink Lady
L’orthographe de la dernière phrase est pour moi. Sinon je ne sais pas comment vous avez fait pour suivre son cours, moi je serais restée 😯 ( :-)(-: )
LucyOnTheMoon
“il faut tout de même avoir une bonne base de classique pour vraiment apprécier ce cours.”
ça je vous crois et d’ailleurs heureusement que vous étiez bien dans mon champ de vision et que vous aviez l’air de vous y retrouver, ça m’a permis de copier sur vous à la barre 😉
Pour ce qui est du contenu du cours, il est certain que l’envie de partager et l’enthousiasme y étaient, mais peut-être un peu trop. Je crois qu’il a voulu nous montrer trop de choses, et du coup, comme il a enchaîné les exercices beaucoup trop vite, je n’ai eu le temps de me sentir à l’aise dans aucun d’eux ou presque – et j’ai bien vu que j’étais loin d’être la seule. Alors c’était bien joli de nous dire “si vous faites l’effort de retenir l’exercice du premier coup vous allez le retenir”, mais si ça marchait comme ça, ça se saurait 😉 Peut-être que ça fonctionne effectivement comme ça pour les petits élèves de Nanterre, ça permet peut-être même de faire un peu de tri entre ceux qui passeront en deuxième année et les autres… Je pourrais faire la comparaison avec le “cours” de Nicolas Le Riche au CND il y a trois ans, qui nous avait fait travailler moins d’exercices mais en les approfondissant un peu plus, et qui avait consacré vingt bonnes minutes à nous enseigner un adage très court… surprise, c’était une variation du Lac des cygnes ! Pas moins compliqué donc, mais comme il avait pris plus de temps pour nous l’expliquer, beaucoup plus d’élèves avaient pu se “l’approprier”, au moins en partie…
Reste que je suis très reconnaissante à Jérémie Bélingard de l’investissement qu’il y a mis, de la très grande qualité de son “échauffement”, d’avoir su trouver une solution de remplacement pour la soirée où il aurait du normalement danser – mais blessé au pied, il y a renoncé…
Je suis déjà impatiente d’être l’année prochaine et curieuse de voir à quelle sauce le prochain invité de l’Opéra va nous manger 😆
Amélie
@ Charlotte : Mais je compte sur toi 😉
@ Pink Lady : Mais pas du tout, j’ai laissé volontairement le conditionnel au cas où (bon, après, il y a un peut-être un petit problème de concordance en me relisant). Pour le cours, j’avais en effet un peu peur du 😯 Et puis finalement, c’est un cours, les réflexes sont là : se concentrer sur ce que l’on fait, sur la musique, sur les conseils donnés. On a bien bossé.
@ LucyOnTheMoon : Tiens donc, mais où étiez-vous ? 😉 Pour ma part, je n’ai pas été spécialement frustrée car j’ai pris ça comme un cours normal, limite on se revoit la semaine prochaine 🙂 J’aurais bien sûr aimé refaire les exercices, mais c’est vrai que j’arrivais à avoir assez de mémoire pour les avoir rapidement, et me concentrer sur les pas dès le premier passage. J’ai bien aimé justement la variété des exercices, et les sauts de la fin. Le coup du “”si vous faites l’effort de retenir l’exercice du premier coup vous allez le retenir”, ça a plutôt bien marché pour moi, et j’ai trouvé ça stimulant. Après, je suis d’accord, cela faisait un peu zapette, et il fallait vraiment avoir un certain niveau. J’ai eu l’impression d’ailleurs qu’il a simplifié le cours au fur et à mesure (j’ai trouvé la barre plus dure que le milieu). Je pense que le choix de Le Riche est moins frustant pour l’élève, qui doit avoir vraiment l’impression “d’apprendre” quelque chose, de se l’approprier comme vous dîtes.
Quand au prof de l’année prochaine, nous avons voté dans le vestiaire, et c’est Isabelle Ciaravola arrive en tête 😉
MissPurple
La pianiste de Jérémie Bélingard lors du week-end Danses Partagées au CND est Naruko Tsuji.
A l’année prochaine !