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Ballerina : dans les coulisses du Mariinski

Les films sur la Danse sont rares. Les films bien faits sur la Danse le sont encore plus. Aussi quand Ballerina (de Bertrand Normand) est sorti dans quelques salles parisiennes durant l’été, je me suis précipitée dessus.

Et je n’ai pas été déçue. Ballerina a tout pour devenir une valeur sûre auprès des amateurs de Danse.

Ballerina est un documentaire qui suit durant deux ans cinq danseuses du célèbre Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg.
D’un point de vue cinématographique, la forme n’est pas vraiment novatrice : il s’agit ici d’un pur documentaire qui pourra être un peu difficile d’accès pour les plus jeunes ou les moins passionnés.

Le fond, par contre, est une vraie réussite. Il aurait été facile de faire un film sur les archétypes de la danse classique : le sourire des danseuses, les tutus romantiques, les étoiles pleins les yeux. Au lieu de cela, Ballerina nous montre vraiment ce qu’est la Danse : un art difficile fait de travail, de souffrance, de blessures, d’abnégation, de rivalités difficilement supportables. Mais un art où l’émotion peut surgir d’un simple port de bras ou d’un pied qui se tend, où les moments de grâce nous font oublier le quotidien. Un art magique où la douleur s’oublie une fois le rideau levé pour ne penser qu’à son personnage.

Ballerina revient tout d’abord sur ce que représente la danse classique en Russie. Un art majeur et totalement incontournable. Les Etoiles ici sont de véritables stars, et même les débutantes ont très tôt leurs fans qui viennent les attendre à la sortie d’un spectacle. Vu de la France, pays qui a inventé la danse classique mais qui l’a depuis pas mal oubliée, cela fait rêver.

La caméra suit donc cinq ballerines à des stades différents de leur carrière.
Il y a d’abord Alina Somova. Elève à l’Ecole de Danse, elle vient d’intégrer le corps de ballet, et essaye de se faire une place. Sérieuse et très douée, elle commence à gravir les échelons jusqu’à danser à 18 ans son premier Lac des cygnes.
Autre débutante, Evgenia Obraztsova. Voila déjà un ou deux ans qu’elle danse dans la compagnie. Vive, joyeuse, moins réservée qu’Alina, elle ne vit pas que pour la Danse et s’essaye à d’autres arts. La jeune danseuse du film Les poupées russes, c’est elle ! Elle aussi est un des espoirs de la compagnie, et se voit confier de plus en plus de rôles.

Les autres portraits se penchent sur trois Etoiles du Mariinski. Trois Etoiles très différentes.
Svetlana Zakharova, la star. La danseuse mondialement connue qui enchaîne les tours du monde. Ce qui est frappant, c’est le contraste entre la Zakharova sur scène et la Zakharova à la ville. Sur scène, la jeune femme est d’une autorité extraordinaire. Elle s’impose, elle est là, elle irradie jusqu’au dernier balcon. A la ville, c’est à peine si on la reconnaît. Pas forcément très belle, elle semble être à peine sortie de l’adolescence. Peu souriante, elle reste sur la réserve.

Diana Vishneva
est peut-être la moins connue internationalement, mais son portrait reste très intéressant. Parce qu’il est justement aux antipodes de l’images que l’on peut avoir de la danseuse. Fashion addict, glamour, c’est une fille moderne bien dans ses pompes. Et qui le dit sans complexe : oui elle a des doutes perpétuels, oui elle a déjà songé à arrêter, même une fois devenue Etoile. Toute cette souffrance, touts ces sacrifices valent-ils vraiment le coup ?..

Enfin vient le portrait le plus émouvant, celui d’Uliana Lopatkina. Danseuse Etoile très connue, elle a du tout arrêter pour cause de blessure. Après deux ans sans danser, elle décide de revenir sur scène. Son visage est marqué, il n’y a plus de sourire dessus lorsqu’elle est à la barre. Il y a juste la concentration, les muscles qui s’étirent après tant d’arrêt, l’écoute de son corps, la crainte de le voir à nouveau lâcher prise sans crier garde. Un mélange de contrôle et de peur. Moins d’enthousiasme peut-être que chez ses jeunes consœurs. Mais plus d’émotions, de recherche du personnage. Et tout de suite. Comme lors de son improvisation sur La mort du cygne, sans musique, et qui va terminer cet article.

RV à 0h33m. Quand je vous disais un peu plus haut que l’émotion et la grâce pouvaient naître d’un simple port de bras.

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