Spectacle 2014 de l’École de Danse de l’Opéra de Paris
Après un spectacle du Tricentenaire un peu crispé (l’enjeu et la captation ?), les Petits Rats sont revenus sur scène en pleine forme et épanouis en 2014. Entre un programme très justement choisi et beaucoup de personnalités qui émergeaient, le spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris a tenu toutes ses promesses.
Concerto en ré, signé de Claude Bessy, est la meilleure introduction possible à ce spectacle, et aurait sûrement été un meilleur choix que La nuit de Walpurgis pour le Tricentaire. En vingt minutes, voici résumé en scène ce qui fait un danseur et une danseuse de l’Opéra de Paris. La progression technique, mais aussi l’enfant qui devient petit à petit un-e adolescent-e, puis (presque) un adulte affirmé en scène. Chaque classe a sa partie. Les sixièmes divisions sont en arc de cercle pour des dégagés, puis les niveaux se succèdent, augmentant les difficultés. Une arabesque se fait sur pointe puis devient fouetté, un retiré devient simple pirouette, puis double, et plus. Les sauts s’élèvent de plus en plus au fur et à mesure que les enfants grandissent.
L’écriture chorégraphie est on ne peut plus académique et intrinsèquement sans grande imagination. Ce sont des pas d’école, sans recherche, une fois à droite et une fois à gauche. Mais tout est là, dans la grande tradition française. Pas de fioriture, mais une élégance et une tenue à chaque pas. Les élèves respirent ensemble dans la musique, formant le tout du corps de ballet, cette force du groupe qui s’élève, sans oublier de briller individuellement. Concerto en ré est ainsi non seulement un beau ballet, mais aussi quelque chose de profondément émouvant. Depuis les bouts de chou, déjà si assurés en scène, déjà si professionnels, c’est tout un mouvement qui se déploie, un chemin qui se fait, un parcours d’apprenti-e danseur-se en accéléré. Jusqu’à l’escargot final qui s’ouvre pour laisser place à des centaines de mains d’enfants, surmontées d’une toute petite fille bras en couronne, en clin d’oeil à la coupole du Palais Garnier.
Après cette si jolie entrée en matière, l’extrait de Napoli – solos, pas de deux et ensembles virtuoses et charmants – promettait une suite alléchante. Mais ce fut la déception de la soirée. Les difficultés techniques ne posèrent pas de problème aux élèves, ils ont simplement dansé cette chorégraphie ciselée de Bournonville comme s’ils dansaient Concerto en ré, sans ce piquant ni cette énergie si particulière. Et bien trop scolairement pour ne pas s’ennuyer. Problème de style, clairement, on ne leur a pas donné les clés pour interpréter comme il se doit cette Tarentelle.
Au fur et à mesure du ballet, toutefois, les élèves semblaient un peu plus à leur aise. Les filles de première division ont ainsi su tirer leur épingle du jeu lors des variations en solo : une belle musicalité pour Perle Vilette, de jolis équilibres pour Naïs Duboscq, et surtout Nine Seropian, qui a montré une intéressante personnalité, différente des autres. Du côté des garçons, Wan Huh, Chun Wing Lam ou Simon Catonnet ont montré une belle virtuosité de sauts.
Avec Scaramouche de José Martinez, place aux petites divisions. Le pitch ? Il est 13h25. Et en attendant leur professeur, les Petits Rats vont s’inventer un monde magique, celui où les rêves deviennent réalité, où l’on peut être l’Étoile, Giselle ou Le Cygne. Mené par Scaramouche (excellent Julien Guillemard, bon danseur et bon acteur), les élèves se transforment d’abord en personnages de la commedia dell’arte. Pas sûr qu’ils comprennent tous ces rôles, mais tant pis, l’important est là : celui de rentrer dans un personnage et de le faire vivre sur scène.
Puis Colombine se transforme en ballerine, pour le plus joli passage du ballet. Scaramouche lui donne des chaussons, lui enlève sa jupe pour un beau tutu : elle peut accomplir son rêve et devenir danseuse. Ses copines sont là, l’une aux bras de cygne, l’autre à la pose de Willis, chacune dans le rôle qu’elle souhaiterait de danser. Il y a même un mini-Albrecht, haut comme trois pommes, rejouant Giselle à l’envers. Puis place à la fête. Ballerines, élèves, personnages de la commedia dell’arte et même cinq véritables Petits Rats, tous se retrouvent pour une grande farandole sous une pluie de confettis et de cris de joie. De la danse, du swing, des blagues, le bonheur de la scène et ce qu’il faut de clin d’oeil au répertoire, Scaramouche est décidément le parfait ballet pour cette École de Danse.
Yondering de John Neumeier conclut très joliment la soirée. Place cette fois aux grands élèves, dans un ballet qui évoque la grande aventure de partir vers l’inconnu. Ce que feront ces jeunes gens dans quelques mois, en devenant professionnel-le-s, à Paris ou ailleurs. Porté par les mélancoliques et superbes chansons populaires américaines de Foster, les élèves enchaînent solos, duos, trios, et même Line dance (pas forcément dans l’énergie du New York City Ballet, mais on ne peut pas tout danser). L’essentiel est là : la profonde écoute des élèves entre eux, dansant ensemble, véritablement, même si tous se démarquent individuellement. Et chacun dansant en comprenant vraiment ce qu’il-elle fait.
Yondering est à la fois rempli d’allégresse et d’une grande émotion, une sorte de mélancolie qui étreint le coeur. Certain-e-s se connaissent depuis sept ans, et c’est la dernière fois qu’ils dansent tous ensemble. C’est une belle danse d’un groupe, mais où chacun est libre de s’exprimer. Tous les élèves mériteraient ainsi d’être cités, même si quelques-uns se démarquaient particulièrement : Margherita Venturi, lumineuse dans le duo des “petits”, Eugénie Drion évanescente dans son académique bleue, et surtout Isaac Lopes Gomes, qui porte le ballet du début à la fin avec une grande intelligence du geste.
Un cru 2014 réussi, donc, pour l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Car plus que des danseurs et danseuses maîtrisant une technique, le spectacle a montré des artistes en scène, des personnalités, qui ne sont pas là par hasard.
Spectacle de l’École de Danse de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Concerto en ré de Claude Bessy, avec les élèves de toutes les divisions ; Napoli d’August Bouronville, avec Coralie Grand et Wan Huh (La Fête des Fleurs à Genzano), Franceso Mura, Simon Catonnet, Thomas Docquir, Perle Vilette, Naïs Dubosq, Nine Seropian et Marion Gautier de Charnacé (pas de six), Anaïs Kovacsik et Chun Wing Lam (Tarentelle) ; Scaramouche de José Martinez, avec Julien Guillemard (Scaramouche), Apolline Anquetil (Colombine), Clara Vellard (la Ballerine), Paul Meneu (le Prince) et Samuel Bray (Mini Scaramouche) ; Yondering de John Neumeier, avec Isaac Lopes Gomes, Axel Magliano, Jérémie Neveu, Eugénie Drion, Margherita Venturi et Florimon Poisson. Mardi 8 avril 2014.
Joelle
Nous étions bien à la même représentation et j’ai repéré les même individualités. 🙂 Il y en a beaucoup de prometteurs ! Très chouette spectacle !
Misonne Alix
Bonsoir,
C’est un bel article mais vous avez fait une faute dans un prénom, c’est Thomas Docquir et pas Thomas dodquir 😉
Bien a vous,
aoudia
Superbe soirée que j’ai aimé, un spectacle à la hauteur de l’école!
Adèle
Bonjour, vous avez effectivement vu la deuxième distribution. Juste un petit regret concernant Scaramouche. Vous oubliez de préciser que la superbe musique de ce ballet a été composé par Darius MILHAUD, et que c’est un véritable petit bijou pour les pianistes (qui s’ en sont donnés à coeur joie d’ailleurs sur scène auprès des enfants).
Amélie
@ Joëlle et Aoudia : Très beau spectacle en effet :).
@ Alix : Corrigé 😉
@ Adèle : Mais oui, merci de la précision, les pianistes faisaient en effet partie intégrante du spectacle et semblaient beaucoup s’amuser !