Soirée Jeunes danseurs et danseuses
Le programme de la soirée Jeunes danseurs et danseuses du Ballet de l’Opéra de Paris avait laissé dubitatif. Pas de miracle, la soirée le fut aussi. Non pas dans la qualité intrinsèque des pièces, encore moins dans l’investissement (énorme) des jeunes artistes. Plutôt dans un déséquilibre profond du programme (beaucoup de pièces se ressemblaient), qui ne mettait pas vraiment les talents en avant. Au final, tout semblait un peu se ressembler et peu de personnalités ont émergé, ce qui est pourtant le but de ce genre de soirée.
Quelques jolis moments émaillèrent toutefois la soirée, notamment lors de la première partie. Mathieu Contat et Hannah O’Neill ont brillé dans le pas de deux Robert Macaire des Enfants du Paradis, pourtant pas remanié de la meilleure des façons. Tout commence sans musique, une suite de poses en pas de deux. Les deux danseur-se-s ont des lignes superbes, mais ça ne suffit pas pour tenir en haleine durant cinq minutes. L’adage fut propre et bien dansé, la coda joyeuse et enlevée, mais pas de variation, ce fut un peu frustrant. Mathieu Contat a montré un joli ballon et de la présence, il mériterait sa chance dans des petits rôles. Hannah O’Neill, qui n’est déjà plus une découverte, s’est particulièrement démarquée avec sa technique sûre et brillante (rien ne semble lui résister), sa jolie présence et un vrai aplomb en scène.
Deux pas de trois, très différents, ont également permis à des personnalités de se démarquer. Tout d’abord un extrait de La Source de Jean-Guillaume Bart, seul extrait véritablement classique de ce programme. Ce trio, légèrement remanié, permet de mettre en valeur aussi bien les qualités d’interprètes (il faut jouer les personnages) que techniques (chacun a une variation brillante) des interprètes. Pour le premier aspect, chacun s’en est bien sorti. Pour le deuxième, ce fut un peu plus inégal. Bien qu’un peu scolaire, Alice Catonnet a séduit en Naïla. Il y avait chez elle un raffinement, une musicalité dans le haut du corps qui évoque si bien la Ballerine. Une danseuse à suivre décidément. Antoine Kirscher s’est plutôt bien sorti de la variation bondissante de Zaël, construite sur-mesure pour Mathias Heymann. Florent Melac en Djémil se montra malheureusement bien plus en difficulté, malgré un joli personnage dessiné.
Le deuxième pas de trois fut, et plutôt par surprise, un extrait de Caligula de Nicolas Le Riche. Le ballet n’est pas vraiment un chef-d’oeuvre et ennuie vite, mais il faut bien dire que ce trio remanié fonctionne très bien, qui plus est pour ce genre de soirée. Comme pour La Source, il permet de mettre trois interprètes en valeur, sur le plan technique comme artistique. Alexandre Gasse a joué un Caligula loin des clichés d’une grande intelligence. Letizia Galloni fut une Lune mystérieuse tout en légèreté et en sensibilité (et qui mériterait aussi des rôles dans les ballets classiques). Germain Louvet arriva en Incitatus tout fougueux et bondissant, avec toujours une grande noblesse dans sa danse. Le tout se termina par une coda efficace où chacun trouva sa place.
Le reste de la soirée fut donc plus monotone. Laura Bachman et Takeru Coste étaient très investis dans Wutherring Heights, mais avaient trop peu de choses à danser pour vraiment montrer ce qu’ils savaient faire. Jennifer Visocchi, Cyril Chokroun et Antonio Conforti formèrent un sympathique trio avec Réversibilité de Michel Kelemenis, notamment ces messieurs, mais la chorégraphie est trop vite oubliée. Charlotte Ranson fut esthétiquement superbe dans Le Parc. Mais ce pas de deux s’appelle “L’Abandaon“, et d’abandon, il n’y en a pas eu une seconde, encore moins de complicité avec son partenaire Yvon Demol (l’overdose du Parc a officiellement été atteinte pour cette saison).
La deuxième partie fut particulièrement déséquilibrée, se finissant par trois pas de deux se ressemblant beaucoup : Fugitif de Sébastien Bertaud, Genius de Wayne McGregor et Amoveo de Benjamin Millepied. Ce fut celui du chorégraphe anglais qui se démarqua, avec une danse efficace et des interprètes affûtés (Juliette Hilaire et Hugo Marchand) qui avaient bien compris les accents de la pièce. Wayne McGregor se répète peut-être, mais il faut bien dire qu’il sait faire les choses. Ce duo sait mettre ses interprètes en valeur, fait son effet sur le public et ne tombe pas dans le bavardage : un extrait parfait pour ce genre de soirée.
Fugitif de Sébastien Bertaud passait très bien lors d’une soirée Danseur-se-/choréraphes. Au milieu de chorégraphies plus abouties, la pièce montre surtout qu’elle a besoin de mûrir et de se démarquer de ses inspirations, malgré l’engagement de ces interprètes Lucie Fenwick et Mickaël Lafon. Le pas de deux d’Amoveo de Benjamin Millepied n’est pas désagréable en soi, pas pénible, pas vraiment palpitant non plus. Léonore Baulac fut lumineuse et bien accompagnée de Jérémy-Loup Quer, sans suffire à captiver.
Le gros regret de cette soirée reste la pièce Quatre Figures dans une pièce de Nicolas Paul. Ballet d’une grande intelligence porté par une originale musique, c’est un travail sur la relation à l’espace. Les quatre interprètes ont chacun un carré de lumière pour exister, carré qu’ils remplissent d’écriture à la craie au fur et à mesure. L’espace rétrécit, mais le quatuor prend de plus en plus d’ampleur. Quatre Figures dans une pièce n’a rien à faire dans une soirée Jeunes danseurs et danseuses : la pièce demande des interprètes confirmés (ici Daniel Stokes, Julien Cozette, Maxime Thomas et Antonin Monié) et ne met pas forcément des personnalités en avant (c’est plus un travail de groupe). Elle arrivait ainsi dans ce programme comme un cheveu sur la soupe, alors qu’elle aurait été bien plus mise en valeur lors d’une soirée mixte contemporaine.
Soirée Jeunes Danseurs du Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Wutherring Heights de Kader Belarbi avec Laura Bachman (Catherine) et Takeru Coste (Heathcliff) ; Les Enfants du Paradis de José Martinez avec Hannah O’Neill (la ballerine) et Mathieu Contat (Frédérique Lemaître) ; La Source de Jean-Guillaume Bart avec Alice Catonnet (Naïla), Antoine Kirscher (Zaël) et Florent Melac (Djemil) ; Réversibilité – Pavane pour une infante défunte de Michel Kelemenis avec Jennifer Visocchi, Antonio Conforti et Cyril Chokroun ; Le Parc d’Angelin Preljocaj avec Charlotte Ranson et Yvon Demol ; Caligula de Nicolas Le Riche avec Alexandre Gasse (Caligula), Letizia Galloni (La Lune) et Germain Louvet (Incitatus) ; Quatre figures dans une pièce de Nicolas Paul avec Daniel Stokes, Julien Cozette, Maxime Thomas et Antonin Monié ; Fugitif de Sébastien Bertaud avec Lucie Fenwick et Mickaël Lafon ; Genius de Wayne McGregor avec Juliette Hilaire et Hugo Marchand ; Amoveo de Benjamin Millepied avec Léonore Baulac et Jérémy-Loup Quer. Vendredi 18 avril 2014.
alpha
Pas mal vu ces commentaires Amelie… suis assez d accord sur le déséquilibre excessif contemporain classique… a noter que ces petits jeunes se sont libérés au fil des représentations.