En répétition – Un avant-goût du Lac des Cygnes
Le Lac des Cygnes, dans sa version de Rudolf Noureev, fait son retour à l’Opéra de Paris dès le 11 mars, à l’Opéra Bastille. Cette série sera l’occasion de plusieurs prises de rôles, notamment pour de jeunes solistes dont Sae Eun Park. Une répétition publique a eu lieu le 28 février avec justement cette Sujet prometteuse dans le rôle d’Odette/Odile. Elle était accompagnée par Yannick Bittencourt (Siegfried) et Jérémy-Loup Quer (Rothbart), pour l’instant remplaçants. Cette séance de travail a été menée par Benjamin Millepied et Élisabeth Maurin, avec Michel Dietlin en chef de chant.
C’est le Directeur de la Danse qui introduit cette répétition publique, jean-basket-cool attitude. Mais au lieu de laisser son micro et de s’assoir en haut des gradins, Benjamin Millepied participe à la répétition. Et il ne s’économise pas : il court, il saute, il porte la danseuse, il montre avec une énergie qui semble infatigable. Il appuie particulièrement sur des détails techniques, notamment pour les adages, et s’adresse surtout aux garçons. À l’inverse, Élisabeth Maurin (qui lutte un peu pour prendre la parole au début) insiste surtout sur les détails stylistiques de la chorégraphie et les spécificités du ballet revu par Rudolf Noureev. Deux points de vue qui doivent s’entendre et se cognent parfois, donnant quelques dialogues assez savoureux comme : “Voilà, c’était très bien, beaucoup mieux“, “Oui Benjamin, sauf que ce n’était pas du tout en place“.
Ces deux approches de travail sont tout aussi passionnantes à observer et très complémentaires en soi. C’est avec ce mélange que les interprètes parviennent à maîtriser leurs personnages, aussi bien techniquement que stylistiquement. Même si, en tant que public (et pour les artistes aussi ?), le mélange peut être parfois un peu difficile à suivre. De temps en temps, ainsi, Elisabeth Maurin ne s’adressait qu’à Sae Eun Park pour travailler ses bras, tandis que Benjamin Millepied se concentrait sur les danseurs et leur technique d’adage.
D’adage, il en a d’ailleurs été beaucoup question lors de cette répétition, axée en grande partie sur le trio du troisième acte (sans les variations pour cause de sol un peu trop dur). Sae Eun Park montre d’emblée qu’elle a déjà une grande maîtrise du rôle. Son Cygne noir se cherche encore dans l’expression, la danseuse semble plus mignonne que vénéneuse. Élisabeth Maurin insiste beaucoup sur ce point à l’aide de détails : un bras qui s’échappe, un regard particulier, une intention sur tel geste… D’autant plus que Sae Eun Park a déjà dansé ce rôle dans une autre compagnie, avec des détails dans les bras différents.
“Au début, Odile arrive en terrain conquis. Elle ne doit pas être trop démonstrative sinon il y aurait un doute“, explique Élisabeth Maurin. Aucun détail n’est là pour faire joli : “Ce mouvement, ce n’est pas juste un port de bras, tu invites Siegfried à danser“. Sans jamais oublier les intentions de Rudolf Noureev. “Dans ce ballet, tout est une question de direction, pas de forme“. Et au bout d’une 1/2 heure, déjà, le personnage d’Odile de Sae Eun Park se dessine un peu mieux.
Jérémy-Loup Quer semble pour sa part plutôt à l’aise dans ce personnage de Rothbart, maniant déjà la cape avec une certaine dextérité… même si l’accessoire plutôt imposant pose quelques problèmes, notamment lorsque les trois artistes se tournent autour. “Ce n’est pas un pas de trois, mais un pas de quatre“, s’amuse ainsi Élisabeth Maurin, “Vous allez paniquer lorsque vous verrez ce passage en scène“, s’amuse Benjamin Millepied en s’adressant au public.
Le Directeur de la danse donne des conseils techniques très précis pour améliorer l’adage, comme la façon de tenir la main de la fille, la tenir par les hanches, la garder sur son axe… “Il faut toujours se mettre à la place de la fille“, insiste-t-il. Il appuie aussi beaucoup sur le travail du regard dans ce pas de trois. Globalement, Benjamin Millepied a le souci que le ballet reste d’une grande visibilité pour le public, que la chorégraphie fasse son effet, qu’elle soit claire. Yannick Bittencourt se montre toujours très attentif à sa partenaire, soucieux de mettre en pratique immédiatement les corrections.
Place ensuite à l’acte II et l’entrée d’Odette. Le Cygne blanc de Sae Eun Park semble beaucoup plus dessiné que son Cygne noir. Au-delà de la technique maîtrisée, il y a déjà chez elle une poésie, une fragilité, un très beau travail des bras. L’accent est mis ici sur la pantomime. Benjamin Millepied insiste là encore sur la lisibilité de l’histoire. “Il y a trop de ports de bras, tout se ressemble un peu“, indique-t-il aux deux interprètes, “C’est une chose à la fois. Et c’est toujours l’intention qui compte“. Et Élisabeth Maurin de compléter. “La version de Rudolf Noureev va au-delà du conte. Le Cygne est aussi une projection du Prince, comme un miroir“. Cette pantomime n’est pas à interpréter au premier degré, toute la difficulté du personnage.
La répétition se termine par un éclat de rire (Jérémy-Loup Quer captivé par ce qui se passe oublie de rentrer en scène) et de chaleureux applaudissements. Le travail de Sae Eun Park (la seule titulaire du trio) est apparu comme vraiment prometteur. Sachant qu’il lui reste plus d’un mois de travail, le résultat devrait être passionnant en scène. Jérémy-Loup Quer et Yannick Bittencourt seront à suivre aussi s’ils ont la chance d’avoir une date.
lalo
Bonjour,
Quelle est la démarche à suivre pour assister à une répétition publique à l’Opéra ? Est-ce ouvert à tout le monde ?
LucyOnTheMoon
Oui et c’est gratuit mais sur réservation (internet téléphone ou guichet), ou sinon venir à l’avance pour récupérer une place en dernière minute… Vous les trouverez ici : https://www.operadeparis.fr/saison-2014-2015/convergences . Espérons qu’en dépit des rumeurs ces répétitions publiques seront maintenues la prochaine saison !!!
petit voile
SE.Park pas prometteuse du tout vous voulez dire! C’est un rôle qu’elle a pourtant déjà dansé et il n’y a pas moyen, elle nous sort sa fée dragée partout même dans du Neumeier…
Himalaya
Ca donne vraiment envie de voir Sae Eun Park sur scène. Je cherche désespérément une place pour le Lac, idéalement pour le 9 avril (ben oui…) ou pour une date avec Heloise Bourdon ou Aurélie Dupont. Merci beaucoup pour votre aide !
Amélie Bertrand
@ Himalaya : Danses avec la plume ne fait pas d’échange de place. Vous pouvez tenter sur le sire Bourse Opéra, ou le jour-même au guichet.