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Lied Ballet – Thomas Lebrun affirme son style

Lied et Ballet. C’est parce que tous deux sont ancrés dans l’époque romantique que Thomas Lebrun, directeur du CCN de Tours depuis 2012, a souhaité les explorer ensemble. Si une sélection de lieder constitue la bande originale de ce spectacle, leurs poèmes ont servi de livret à l’écriture chorégraphique. Quant au ballet, le chorégraphe en a gardé la forme, la structure plus que le vocabulaire. C’est donc en trois actes que se dessine son Lied Ballet, pièce largement saluée à sa création au festival d’Avignon et aujourd’hui présentée au Théâtre de Chaillot, qui revisite les thèmes chers aux romantiques : mort, solitude, amour, errance.

Lied Ballet de Thomas Lebrun

Lied Ballet de Thomas Lebrun

Le premier acte, très pictural, oscille entre pantomime et danse-théâtre. Sur une musique pour cordes de Giacinto Scelsi, les huit interprètes, fort élégamment vêtu-e-s de noirs, forment un groupe en marche, qui se disloque, se recompose, prend la pause. Ils construisent une série d’images, torturées, grimaçantes, parfois mouvantes. Leurs gestes sont vifs, précis. Certains tombent, sont pris de spasmes, se relèvent, avancent à nouveau. Le décor est alors planté, quelque part entre Théodore Géricault et l’expressionnisme allemand. Cette élégante société souffre, pleure, se déglingue et la mort rode.

Au deuxième acte, les danseuses et danseurs sont rejoints par le chanteur lyrique Benjamin Alunni et le pianiste Thomas Bernard. Sur des lieder d’Alban Berg, Gustav Mahler ou Arnold Schönberg, se déploient pas de deux, de trois et variations, qui mettent en valeur la personnalité des interprètes, tous excellents. La chorégraphie et la gestuelle ciselée semblent répondre point par point à la musique qui prend vie sur scène. L’atmosphère est plus légère, à l’image des costumes qui ont acquis quelques notes de blancs. Mais si le ton est plus enjoué qu’au premier acte, le romantisme et ses noirceurs rôdent toujours. La plus frappante image en est le superbe Matthieu Patarozzi, qui déambule solitaire, corps dangereusement incliné vers l’arrière, tête incroyablement basse, ne parvenant jamais à enlacer celle qui aurait pu être sa partenaire. Là encore, malgré quelques pas de deux amoureux, peine, errance et solitude ne sont jamais bien loin.

Lied Ballet de Thomas Lebrun

Lied Ballet de Thomas Lebrun

Puis vient le temps d’un troisième et dernier acte « chorus », très différent des précédents. Le rythme s’accélère sur une partition de David François Moreau, créée pour l’occasion. Les interprètes, tous vêtus de justaucorps / maillots bleu électrique, forment un corps de ballet compact, aux morphologies contrastées. Ils réalisent une envoûtante chorégraphie de bras, tout à la fois changeante et répétitive, se déplaçant par vagues successives. Difficile alors de ne pas penser à Lucinda Childs et au minimalisme de sa danse post-moderne jubilatoire.

À travers Lied Ballet, c’est donc finalement une histoire de la danse qu’offre Thomas Lebrun à son public, y conviant pantomime, ballet romantique, danse-théâtre ou minimalisme. Pourtant, nul besoin de références pour apprécier cette pièce réjouissante où danseuses et danseurs servent avec élan et brio une écriture chorégraphique ciselée et un vocabulaire à l’identité forte.

Lied Ballet de Thomas Lebrun

Lied Ballet de Thomas Lebrun

 

Lied Ballet de Thomas Lebrun au Théâtre National de Chaillot. Chorégraphie de Thomas Lebrun. Lieder d’Alban Berg, Gustav Mahler, Giacinto Scelsi, Arnold Shönberg. Création musicale de David François Moreau. Lumières de Jean-Marc Serre. Costumes de Jeanne Guellaff, Sylvie Ryser. Son de Mélodie Souquet. Avec Maxime Camo, Anthony Cazaux, Raphaël Cottin, Anne-Emmanuelle Deroo, Tatiana Julien, Anne-Sophie Lancelin, Matthieu Patarozzi et Léa Scher. Mercredi 1er avril 2015.

Lied Ballet sera en tournée en France et en Asie jusqu’en juillet 2015.

 

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