Celui qui tombe, renversante pièce de Yoann Bourgeois
Après y avoir présenté L’Art de la fugue et MINUIT, Tentatives d’approches d’un point de suspension, Yoann Bourgeois revient au Théâtre de la Ville avec Celui qui tombe, créé en 2014 à la Biennale de la Danse de Lyon. Avec ce spectacle inclassable, celui qui passa par le Centre National des Arts du Cirque et le CNDC d’Angers avant d’être un des danseurs de Maguy Marin, poursuit le travail entamé pour sa propre compagnie il y a cinq ans. Accompagné de sa complice Marie Fonte, il continue d’émanciper l’écriture circassienne “de la tyrannie toute puissante du spectaculaire” et réussit la prouesse d’unir, dans une pièce aussi sensible que captivante, délicate poésie et performance.
Naufragés du Radeau de la Méduse magnifiés par les lumières d’Adèle Grépinet, colons en partance pour le Nouveau Monde ou simples occupants de la Terre ? Ils sont six, trois femmes et trois hommes. Une petite humanité comme aime à le dire Yoann Bourgeois. Six êtres subordonnés aux incessants caprices de leur embarcation. Qu’on l’imagine planète soumise aux vents et séismes qui parfois tourne trop vite, ou navire craquant bruyamment tant il est rudoyé par les flots, ils subissent ses perturbations mais font face. Groupe uni aux personnalités singulières, chacun apporte son aide à l’autre.
Pour ce spectacle, l’acrobate-jongleur-chorégraphe Yoann Bourgeois a imaginé un dispositif impressionnant, dont il sonde tous les possibles. Il fait évoluer ses interprètes sur un plateau en bois de six mètres carrés, qui tour à tour descend des cintres, s’incline dangereusement, tourbillonne sur lui-même ou oscille tel une balançoire géante. Bousculés, ballotés, ceux-ci ne cessent de résister, que ce soit à la gravité ou à la force du vent, puis de trouver des équilibres, instables.
Le risque, la performance sont présents à chaque instant, que Marie Fonte enjambe à toute allure les corps tombés de ses comparses, que l’un d’eux se suspende à six mètre du sol ou que le plateau se balançant menace de les percuter tous. Ils forcent l’admiration. Ce n’est toutefois pas l’aspect le plus prégnant dans Celui qui tombe. Ce qui séduit avant tout est cette humanité vivante, malmenée mais curieuse, qui court, s’arrête, aime, glisse, tombe, se relève, avec une attention constante à l’autre dans l’adversité. Et les moments de grâce et de légèreté qui adviennent ça et là, dans la promesse d’une rencontre ou une sublime étreinte.
Puisque celui qui tombe finalement est le public, sous le charme fou de cette immanquable pièce, il est important de noter que le Théâtre de la Ville a l’excellente idée de le reprogrammer la saison prochaine pour pas moins de 21 représentations. D’ici là, celles et ceux qui le veulent pourront se familiariser avec le travail de Yoann Bourgeois au mois de juin, puisque Leaving room et Cavale sont à l’affiche du réjouissant Paris Quartier d’été.
Celui qui tombe de Yoann Bourgeois au Théâtre de la Ville. Conception, mise en scène et scénographie de Yoann Bourgeois assisté de Marie Fonte. Lumières d’Adèle Grépinet. Son d’Antoine Garry. Costumes de Ginette. Réalisation de la scénographie : Nicolas Picot, Pierre Robelin et Cénic Constructions. Avec Mathieu Bleton, Julien Cramillet, Marie Fonte, Dimitri Jourde, Élise Legros et Vania Vaneau. Samedi 6 juin 2015.
Laetitia
Merci beaucoup Delphine pour cet article 🙂 Quelle bonne nouvelle que cette reprogrammation, et que ce festival !
Laetitia
Et ça me fait un peu penser à ce spectacle monté par le Collectif Bonheur Intérieur Brut au festival d’Aurillac il y a deux ans :
http://collectifbib.org/2014/04/22/la-montagne/
Collectif que je te recommande si tu as l’occasion et si tu ne connais pas déjà !
Delphine Baffour
Merci Laetitia pour le lien ! Je ne connaissais pas le Collectif Bonheur Intérieur Brut et en effet les univers sont proches. Tu me donneras ton avis sur cette pièce lorsque tu l’auras vue, pour ma part je n’écouterai plus My Way sans y penser. Au plaisir de te croiser peut-être à Paris Quartier d’été.