Alvin Ailey American Dance Theater aux Étés de la Danse – Programme Jones / Battle / Harris / Naharin
Pour ce nouveau, et dernier en ce qui me concerne, programme de l’Alvin Ailey American Dance Theater au Théâtre du Châtelet, le menu est alléchant. Bill T. Jones, Robert Battle (le directeur artistique de la compagnie), Rennie Harris et Ohad Naharin sont en effet les chorégraphes qui se partagent l’affiche. Et si les danseurs et danseuses se coulent dans les divers vocabulaires avec plus ou moins de facilité et de bonheur, le spectacle tient globalement sa promesse et s’achève avec brio.
La soirée s’ouvre avec le très beau D-Man in the Waters de l’engagé et talentueux Bill T. Jones. Créée en 1989, alors que l’épidémie de sida fait rage et que son compagnon et partenaire, Arnie Zane, en est mort l’année précédente, cette pièce sonne comme une ode à la vie, à l’entraide, au combat dans l’adversité. Vêtus de treillis, neuf danseurs et danseuses forment une chaîne humaine tournoyante, comme ballotée par un vent automnal. Ils nagent ou plongent en solo, tombent, se relèvent, sur une partition de Felix Mendelssohn. Si quelques problèmes techniques comme d’ensemble pointent ça et là, la joie, la vitalité et la sincérité avec laquelle les artistes de l’Alvin Ailey American Dance Theater s’emparent du vocabulaire presque classique et du propos de cette œuvre, suffisent à convaincre.
Après Takademe, un très bref solo inspiré à Robert Battle par la danse indienne Kathak, et interprété avec brio par Kirven Douthit-Boyd, vient Exodus. Avec cette création très récente, Rennie Harris, pape de la Street Dance afro-américaine, interroge les thèmes de l’exode et du chemin vers la spiritualité. Tout commence par un amas de corps semblant peupler un navire négrier. Danseurs et danseuses peu à peu se relèvent, comme happés par la douche de lumière qui les surplombe, invités par une figure aux allures messianiques. Plus tard, alors que tous, américains et américaines d’aujourd’hui, se meuvent sur des rythmes house, l’un d’entre eux montre à nouveau le chemin, la musique prenant des accents gospel et les costumes se parant de blanc. Alors que les interprètes de l’Alvin Ailey American Dance Theater plongent avec talent dans le vocabulaire hip-hop de Rennie Harris, les coups de feu qui émaillent ça et là la bande son glacent le sang. C’est qu’ils font un écho tragique aux trop nombreux fait-divers où des afro-américains sont victimes de brutalités policières.
Puis, après un second entracte, point de Revelations cette fois mais le Minus 16 du doué chorégraphe israélien Ohad Naharin. Dans le premier mouvement, garçons et filles vêtus de noirs costumes évoquant des religieux hassidiques, exécutent sur des chaises disposées en demi-cercle une danse violente, répétitive et hypnotique. Les interprètes de l’Alvin Ailey American Theater brillent moins, malgré leur belle énergie, que les artistes de la Batsheva. Mais ils sont aussi élégants que touchants dans l’émouvant pas de deux, chorégraphié sur le Nisi Dominus de Vivaldi, qui suit. Enfin, ils excellent à se déhancher sur des rythmes mambo, techno, ou issus du folklore israélien, avant d’entrainer sur la scène des membres du public, pour un final réjouissant en forme d’apothéose.
Est-ce dû au fait que certains d’entre eux, rejoignant le plateau, aient fait partie du spectacle ? Il me semble que le triomphe réservé par les spectateurs-trices du Châtelet aux artistes de l’Alvin Ailey American Dance Theater, est encore plus vibrant, plus retentissant ce soir-là, le nombre de rappels plus élevé que pour les autres programmes. Quoi qu’il en soit, quelle belle façon de dire au revoir à cette réjouissante compagnie !
L’Alvin Ailey American Dance Theater au Théâtre du Châtelet, dans le cadre des Étés de la Danse.
D-Man in the Waters (Part 1) de Bill T. Jones, avec Michael Francis McBride, Glenn Allen Sims, Jamar Roberts, Antonio Douthit-Boyd, Vernard J. Gilmore, Jacqueline Green, Demetia Hopkins-Greene, Rachael McLaren et Belen Pereyra.
Takademe de Robert Battle, avec Kirven Douthit-Boyd.
Exodus de Rennie Harris, avec Michael Jackson, Jr., Kirven Douthit-Boyd, Michael Francis McBride, Sean Aaron Carmon, Collin Heyward, Samuel Lee Roberts, Marcus Jarrell Willis, Jeroboam Bozeman, Antonio Douthit-Boyd, Rachael McLaren, Jacquelin Harris, Demetia Hopkins-Greene, Fana Tesfiagiorgis, Samantha Figgins, Ghrai DeVore et Danica Paulos.
Minus 16 d’Ohad Naharin, avec Marcus Jarrell Willis, Demetia Hopkins-Greene, Fana Tesfiagiorgis, Jeroboam Bozeman, Danica Paulos, Ghrai DeVore, Kanji Segawa, Collin Heyward, Antonio Douthit-Boyd, Samantha Figgins, Samuel Lee Roberts, Michael Jackson, Jr., Elisa Clark, Belen Pereyra, Renaldo Maurice, Michael Francis McBride, Jacquelin Harris, Rachael McLaren, Jacqueline Green et Sean Aaron Carmon.
Mardi 28 juillet 2015.