Biennale de la Danse de Lyon – Escales marocaines
Danses avec la plume poursuit son périple lyonnais pour la 17ème Biennale de la Danse. Au menu cette fois, une mise à l’honneur de la création marocaine avec le festif Halka du Groupe Acrobatique de Tanger et l’envoûtant Corbeaux de Bouchra Ouizguen.
Halka du Groupe Acrobatique de Tanger
Depuis l’élaboration de leur première pièce, Taoub, par Aurélien Bory en 2004, le succès du Groupe Acrobatique de Tanger ne faiblit pas. La Fondation BNP Paribas qui a su repérer leur talent, accompagne cette troupe de douze artistes (dix hommes et deux femmes) depuis près 10 ans, aidant à la création et à la diffusion de Chouf Ouchouf écrit par Zimmermann et de Perrot ou d’Azimut, inventé pour Marseille 2013. Collaborer avec des auteurs du nouveau cirque européen a profondément renouvelé l’acrobatie ancestrale des ces circassiens marocains. S’ils vivent ce métissage comme une chance, ils ont néanmoins souhaité pour leur nouvel opus replonger dans leurs racines orientales, et trouver leur propre écriture.
Halka (cercle formé par la foule sur une place publique autour des artistes forains, des prédicateurs et des charlatans), dont la première a lieu dans les ors du Théâtre des Célestins, est donc une création collective du Groupe Acrobatique de Tanger, aidé dans son entreprise par Abdeliazide Senhadji de la Compagnie XY. Loin des scénographies imposantes de leurs deux précédentes pièces, ils ont souhaité un plateau nu, des costumes simples, afin de favoriser une plus grande proximité avec le public, de mieux laisser voir toute l’énergie qui fonde leur discipline. S’inspirant de leur quotidien, ils ont mis en scène une succession de tableaux, souvent festifs, qui magnifient leur technique virtuose, qu’il s’agisse d’immenses pyramides humaines ou de ces roues infinies que l’on appelle tinzga.
On croise dans Halka les ceintures qui servent à guider et protéger les circassiens dans l’apprentissage de nouvelles figures, des objets usuels tels les jefnas, des bassines en métal, détournées en agrées ou en percussions, et bien sûr le sable de Tanger, symbole de la plage aujourd’hui détruite qui servit de lieu d’entrainement et de ralliement à des générations d’acrobates. Les artistes de la troupe chantent et jouent aussi bien qu’ils voltigent, et chaque scène semble dire à quel point l’entraide, la transmission, sont choses primordiales. Alors bien sûr, l’ensemble manque un peu de maturité, parait parfois brouillon. Mais l’énergie qui s’en dégage est si vivifiante, et les membres du Groupe si attachants, que ces quelques maladresses dans leurs premiers pas d’auteurs sont aisément pardonnées.
Corbeaux de Bouchra Ouizguen
Elles sont une vingtaine de femmes, âgées de 20 à 65 ans, vêtues de tee-shirts et pantalons noirs, fichus blancs noués sur les cheveux, à investir le parvis du Musée des confluences. Dix d’entre elles sont marocaines et travaillent avec Bouchra Ouizguen depuis huit ans. Les autres, françaises, ont participé aux ateliers de la chorégraphe plusieurs mois en amont des représentations. Toutes prennent place, se répartissant uniformément dans l’espace, et ne bougeront plus de la quarantaine de minutes que dure la performance.
Cette pièce de Bouchra Ouizguen, comme sa dernière création Ha !, est issue de séjours dans des villages aux alentours de Marrakech, où les confréries Issawas pratiquent divers rituels de transes. L’artiste l’a imaginée comme “une véritable épreuve, physique et mentale“, mais aussi comme l’écho d’une certaine urgence, “celle d’être rassemblés, d’être ensemble autour d’un projet constructeur”. Elle s’écrit de la démultiplication d’un geste : basculement de la tête d’avant en arrière, de la démultiplication d’un cri. Ce geste et ce cri mille fois répétés, créent chez ses participantes comme dans le public, une sorte d’envoutement, tandis que les voix montent comme émanant de nuées d’oiseaux.
À regarder les danseuses, on comprend que ce qui intéresse la chorégraphe, est non seulement l’effet de groupe, de masse, mais aussi les individualités. Car chaque interprète, avec beaucoup de naturel, réalise geste et cri à sa manière. Quand l’une ne meut que sa tête, l’autre projette tout son corps en avant dans l’élan de sa voix, tandis que les flexions de jambes d’une autre encore rythme ses mouvements. Le message se difracte alors en de multiples significations qui viennent raisonner selon l’état d’esprit, le vécu de chaque spectateur.trice. À l’issue de la représentation point de saluts, mais une liesse libératrice qui vient célébrer le bonheur d’être ensemble.
Halka du Groupe Acrobatique de Tanger aux Célestins, Théâtre de Lyon, avec Najwa Aarras, Mohamed Takel, Amal Hammich, Mohammed Hammich, Mustapha Ait Ouarakmane, Adel Châaban, Mohammed Achraf Châaban, Mhand Hamdan, Abdelaziz El Haddad, Samir Lâaroussi, Younes Yemlahi, Ouahib Hammich, Hamza Naceri et Hamid Benjkiri. Mercredi 21 septembre 2016. À voir en tournée du 28 septembre au 16 octobre à La Villette et dans toute la France en 2016 et 2017.
Corbeaux du Bouchra Ouizguen sur le parvis du musée des confluences, avec Kabboura Ait Hmad, Fatéma El Hanna, Halima Sahmoud, Fatna Ibn El Khatyb, Khadija Amrhar, Zahra Bensalem, Malika Soukri, Hasnae El Ouarga, Mariam Faquir et Milouda El Maataoui. Jeudi 22 septembre 2016. À voir en tournée en région parisienne au mois d’octobre dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.
La Biennale de la Danse de Lyon se poursuit jusqu’au 30 septembre.