Valser de Catherine Berbessou – Ballet du Capitole
Si, sur Danses avec la plume, l’on remarque régulièrement le travail du Ballet du Capitole sur le ballet classique, la compagnie explore aussi d’autres territoires chorégraphiques. Et, d’une façon plutôt intelligente, des territoires peu vus en France. Preuve ainsi avec Valser de Catherine Berbessou, pièce pour quatre couples les pieds dans la terre et les chaussures de tango (car comme son nom ne l’indique pas, il s’agit de tango et non de valse). Derrière cette danse latine mélangée ici à la danse contemporaine, il y a de multiples histoires d’amour et de couple, des je t’aime moi non plus, quelques pleurs et beaucoup de bonheur. Des moments de vies qui tanguent et font valser les coeurs (le titre n’a vraiment pas été choisi au hasard) portés par huit interprètes formidables. Dommage cependant que la pièce ne fait qu’effleurer la question des genres et reste encore bien sage – et bien cliché parfois – sur ce sujet.
Sur le plateau de la Maison de la Danse de Lyon, de la terre, accrocheuse, la terre d’Argentine. Sur les côtés, de longs pans de bois qui bougent et tanguent selon les danseurs et danseuses. Et au milieu, huit personnalités. Ils peuvent être joueur.se.s, craintif.ve.s, joyeux.se.s, un peu fou.folles, rempli.e.s de désir. Tour à tour, ils se regardent, joignent leurs mains et partent dans une danse débridée. Le cadre du tango est là, avec son couple, sa posture, son cadre du haut du corps, ses jambes qui tricotent. Mais il se mélange merveilleusement à la danse contemporaine, par un porté, un lâcher prise, une façon de continuer le mouvement qui surprend. La terre gicle, les pans de bois tanguent sous l’impulsion des couples. Car le tango est la danse de l’amour. Ça se désire sur scène, ça se chauffe, ça rue dans les brancards, ça se drague sans prendre de gant, ça s’embrasse, ça s’enlace. Et ça finit par joyeusement s’envoyer en l’air, lâchant les robes et les chemises dans la terre.
Sur scène, les huit interprètes s’en donnent à coeur joie. Chacun change de facette, devient celui ou celle qui prend les devants, guide le couple et les ensembles. Leur danse est fluide, comme si le tango avait toujours été leur seconde langue, leur technique ayant assez à faire pour s’exprimer et se libérer. Demian Vargas propose notamment une gestuelle animale qui fait mouche, sa fougue de la jeunesse rend Valser spécialement séduisante. C’est là l’une des forces du Ballet du Capitole, une multitude de personnalités qui prend la scène sans complexe, et qui sait le faire aussi bien dans Giselle que dans des pièces plus contemporaines.
“J’ai voulu créer une pièce sur les rapports entre l’homme et la femme pour sortir des stéréotypes“, explique Catherine Berbessou dans le programme. Mais c’est pourtant là que le bât blesse. Le tango est profondément une danse genrée, où la technique du suiveur (aka de l’homme) est vraiment différente de celle de la suiveuse (aka la femme), à tel point qu’il faudrait changer de chaussures pour inverser les rôles (les appuis ne sont pas les mêmes). Et qui dit technique genrée dit aussi posture genrée. De ce point de vue, Catherine Berbessou reste dans sa chorégraphie dans un parfait conformisme, alors que l’utilisation de la danse contemporaine pourrait justement l’aider à s’en sortir. Bien sûr, dans Valser, les femmes ne sont pas (toujours) les suiveuses. Elles sont là en tant que personnes bien distinctes. Mais techniquement, ce ne sont jamais vraiment les danseuses qui initient le mouvement, qui guident le couple. Et forcément, cela se ressent aussi dans le sentiment de la danse. Ainsi, les duos, à de nombreuses reprises, se ruent sur les pans de bois, pris par leur passion, de façon parfois violente. Les femmes y sont consentantes, mais ce ne sont jamais elles qui poussent leur compagnon sur ces murs, ce sont toujours elles qui s’y font pousser.
Valser sort du cliché de genre à un seul moment, lors d’un beau duo masculin. La danse est rude, comme deux taureaux s’affrontant dans l’arène. Mais il flotte dans l’air comme un parfum de désir, avec le sous-entendu de l’envie homosexuelle. Le rapport homme-femme n’est pas contre pas perturbé. Les femmes y sont fortes (et heureusement, nous sommes en 2017 et l’idée de la femme uniquement petit être fragile est dépassée depuis longtemps), mais elles ne guident pas le couple, restent dans la position de suiveuse. À plusieurs moments, Valser effleure le problème, avant de revenir bien sagement dans une certaine norme. Dommage, car la pièce est séduisante, parfois bouleversante ou drôle ; la danse a une âpreté, quelque chose de brut, qui emporte. Il lui manque l’audace.
Valser de Catherine Berbessou par le Ballet du Capitole à la Maison de la Danse de Lyon. Avec Eukene Sagüés Abad, Demian Vargas, Juliette Thélin, Jérémy Leydir, Julie Loria, Nicolas Rombaut, Julie Charlet et Ramiro Gómez Samón. Jeudi 12 janvier 2017.
ALberto
Bonjour,
peut-on trouver ce spectacle en dvd ?
merci.