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Le Royal Ballet à Monaco avec L’Histoire de Manon

Chronique réalisée par Impressions Danse.

Le Royal Ballet démarrait cette année sa tournée d’été par une étape à Monaco, avant de s’envoler vers Tokyo. La compagnie londonienne apportait à la cité monégasque une œuvre phare de son répertoire, L’Histoire de Manon du chorégraphe Kenneth MacMillan, pour quatre soirées aux distributions prestigieuses. Toutes les stars de la compagnie avaient fait le déplacement : ce samedi 29 juin, les Étoiles Steven McRae et Roberta Marquez assuraient ainsi la matinée, tandis qu’Edward Watson et Mara Galeazzi – qui faisait ses adieux à la compagnie – clôturaient la série le soir.

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Edward Watson et Mara Galeazzi – L’Histoire de Manon

Bonne surprise, nous sommes replacées d’office dans les premiers rangs de l’orchestre, le balcon où nous avions pris nos places ayant été fermé, faute de spectateurs. Les amis anglais que nous retrouvons sont étonnés du faible taux de remplissage : nous leur expliquons que le ballet est sans doute moins populaire en France qu’il ne l’est à Londres, où on ne peut faire un pas dans le métro sans tomber sur des affiches de danse. “Mais Carlos Acosta est célèbre !” Pas assez apparemment ; à moins que ce ne soient les tarifs trop onéreux qui aient découragé les touristes (pourtant fortunés, à en juger par les robes scintillantes et les escarpins vertigineux).

 L’Histoire de Manon fait partie de ces ballets qui requièrent autant de technique que de sens dramatique, ce à quoi les étoiles de la compagnie anglaise excellent. Flamboyant et virevoltant, l’australien Steven McRae donne en matinée une interprétation sensible du personnage de Des Grieux. Amoureux désespéré, il est bien mal récompensé par sa bien-aimée, la brésilienne Roberta Marquez, à la danse toute en rondeur au point qu’elle semble roucouler des épaules, heureuse de se sentir admirée de tous. Elle n’hésite pas une seconde à l’abandonner lorsque M. de G.M. lui offre des bijoux pour acheter ses grâces ; opportuniste comme pas une, c’est avec réticence qu’elle se laisse rattraper par son regard noir dans le salon de Madame, ne consentant à s’enfuir avec lui qu’après avoir soutiré suffisamment d’argent au vieux libidineux.

Steven McRae - L'Histoire de Manon

Steven McRae – L’Histoire de Manon

Changement de taille pour la représentation du soir. Difficile d’imaginer sans jamais l’avoir vu en classique le longiligne Edward Watson dans le rôle du héros de l’Abbé Prévost ; mais Des Grieux n’est pas un rôle classique et pourrait avoir été taillé sur mesure pour ses longues jambes et son visage émacié. Romantique en diable, il semble caresser Manon à chaque fois qu’il développe un bras pour l’approcher : il tend la main, la ramène à son cœur avec pudeur, se détourne, hésite, avant de devenir de plus en plus assuré à mesure qu’il lui conte sans amour. Touchant de maladresse au milieu des prostituées, il retrouve la pleine maîtrise de ses lignes interminables pour lui exprimer son désespoir, étirant chaque arabesque à l’infini. Elle le lui rend bien : Mara Galeazzi, jeune maman de 40 ans, est une femme amoureuse : douce et attentionnée auprès du chevalier, elle teste plutôt qu’elle n’assume son pouvoir de séduction dans le salon, ne suivant G. M. qu’à regret.

Une Manon vénale et indéchiffrable en matinée, aimante et timide le soir : deux interprétations à l’opposée qui témoignent autant des multiples facettes des personnages que de la capacité des Étoiles à s’approprier leurs rôles – sans éclipser toutefois le travail des demi-solistes et du corps de ballet. Chaque personnage, du héros au simple figurant de la cour d’auberge, est incarné avec un investissement total. Les jeux des prostituées dans le salon parviendraient à détourner l’attention de l’action tant l’ensemble des danseuses semble s’amuser en scène ; la grâce et la vivacité des femmes à l’acte III, ou encore les envolées souples et puissantes de leurs compagnons, suffisent à vous transporter dans ce Nouveau Monde. On décèle déjà dans le groupe les futures stars de la compagnie.

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Edward Watson et Mara Galeazzi – L’Histoire de Manon

Habitué du rôle de Lescaut, Ricardo Cervera a considérablement affûté sa technique depuis la dernière reprise. Il se montre aussi manipulateur avec G.M – un Bennet Gartside patient et mesuré, loin de la perversion de Gary Avis le soir – que cruel avec sa maîtresse. Insouciante et débonnaire, Laura Morera, parfaitement musicale, ne se laisse pas atteindre. La faculté des danseurs à aller jusqu’au bout du rôle, sans avoir peur de froisser le public, n’est jamais aussi présente qu’avec le personnage du Geôlier : Thomas Whitehead s’y montre particulièrement glaçant. Chez MacMillan, un pas n’existe pas sans être porté par une émotion particulière : c’est cette intime compréhension de la chorégraphie, associée à l’engagement du haut du corps qui donne sa souplesse au mouvement, qui rend la compagnie si attachante. Des Grieux furieux tourbillonne, entoure Manon blessée d’un bras protecteur, et le couple nous emporte dans une scène finale à couper le souffle.

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Edward Watson et Mara Galeazzi – L’Histoire de Manon


L’Histoire de Manon
de Kenneth MacMillan par le Royal Ballet de Londres, au Grimaldi Forum de Monte-Carlo. Avec en matinée : Roberta Marquez (Manon), Steven McRae (Des Grieux), Ricardo Cervera (Lescaut), Bennet Gartside (Monsieur G.M.) et Laura Morera (la maîtresse de Lescaut). Avec en soirée : Mara Galeazzi (Manon), Edward Watson (Des Grieux), Brain Maloney (Lescaut), Gary Avis (Monsieur G.M.) et Helen Crawford (la maîtresse de Lescaut). Samedi 29 juin 2013. 

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