Le temps d’aimer 2017 – Spectre de la Rose et Nuits barbares
Dernier week-end pour la 27e édition du Temps d’aimer la danse qui s’est tenue du 8 au 17 septembre. Depuis vingt-sept ans, Biarritz ouvre le bal de la saison chorégraphique avec un festival qui panache intelligemment tous les styles pour “explorer une vision polyphonique de la danse”. Pendant une décade, tous les lieux emblématiques de la ville deviennent des écrins pour la danse. Las, le temps très perturbé de ces derniers jours alternant prometteuses éclaircies et grains intempestifs, a privé le public de ces rendez-vous en plein air. Point de répétition publique au Jardin public de la ville, ni performances sur le parvis du casino ou l’esplanade du Phare en ce dernier samedi… Chacun.e croise alors les doigts pour la Gigabarre du lendemain et attend la fin de la journée pour assouvir sa soif de danse.
Direction le Colisée pour Spectre(s) de Christine Hassid (ancienne soliste de la Batsheva Ensemble et assistante de Redha) qui a choisi de revisiter le célèbre Spectre de la Rose avec trois groupes de danseurs. Si de nombreux chorégraphes (Maurice Béjart, Angelin Preljocaj, Olivier Dubois, Benjamin Millepied et… Thierry Malandain) se sont déjà prêtés à une relecture, aucune femme ne s’était attaquée à ce ballet mythique de Michel Fokine datant de 1911. Habituée depuis quelques années du Temps d’aimer, celle qui a fondé sa compagnie Christine Hassid Project en 2012 juxtapose là trois pièces de durée et tonalité différentes.
La première relecture met en scène trois jeunes danseurs amateurs du collectif de danse basque Dantza Sarean. Coiffés de bonnets roses comme un clin d’œil au gracieux bonnet de bain à pétales roses immortalisé par Nijinski, ils croisent danse traditionnelle basque et danse contemporaine. Avec grâce, limite insouciance, ils partent à l’assaut de la musique de Carl Maria Von Weber, de cette histoire n’ayant eu que quelque jours pour cerner la portée de l’œuvre. Quand du bout des dents, ils pincent un ballon de baudruche rose, référence à la propre relecture du directeur du Malandain Ballet Biarritz de 2001, on se dit que la danse constitue souvent un étonnant passage de témoin.
Les deux autres relectures reviennent au duo du livret d’origine pour en bousculer les codes. L’une confronte une femme qui danse ici le rôle du Spectre et un homme qui joue l’endormi. Comme en écho à la jeune fille sombrant dans un profond sommeil et rêvant que la rose offerte par son cavalier de bal se transforme en spectre galant… Inversion des rôles, brouillage des pistes entre les gestuelles, ancrage dans un quotidien par une bande-son faite de bruits de rue, on est loin du poème de Théophile Gautier ayant inspiré le livret de Vaudoyer. On s’y perd un peu. Tout comme dans la dernière relecture pourtant servie par un duo d’interprètes magnifiques. L’idée de faire se rencontrer Aurélien Houette, sujet du Ballet de l’Opéra national de Paris, et Mohamed Toukabri, danseur dans la compagnie de Sidi Larbi Cherkaoui et NeedCompany de Jan Lauwers, est assurément pertinente. Le rythme mesuré du danseur classique contraste, tout en s’accordant, à la tension du danseur de hip-hop. Leur rencontre n’est pas dénuée de grâce, mais l’on ne saisit pas les correspondances avec l’œuvre de Fokine et le duo interprété par Tamara Karsavina et Vaslaw Nijinski.
La soirée se poursuit au Théâtre du casino. Lui aussi habitué du festival, Hervé Koubi y a présenté en 2013 Ce que le jour doit à la nuit. Toujours accompagné de ces danseurs venus “de l’autre côté de la Méditerranée”, le chorégraphe d’origine algérienne continue d’explorer ses racines dans cette nouvelle pièce intitulée Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde. Il questionne l’”histoire méditerranéenne dont nous sommes les héritiers“. Ces quatorze danseurs apparaissent d’abord dissimulés derrière des masques brillants surmontés de lames, puis se dévoilent progressivement. Mais sans émotion. S’en suit une heure de sauts, de saltos et de virtuosité hip hop dont on en vient à se demander assez vite où Hervé Koubi veut bien nous amener. Le propos de la pièce se dilue sous la répétition d’acrobaties. Les danseurs-athlètes restent impeccables de bout en bout – d’ailleurs une partie de la salle est debout lors des saluts – mais je reste, hélas, un peu sur ma faim d’une pièce chorégraphique réellement aboutie.
Le Temps d’Aimer la Danse à Biarritz. Spectre(s) de Christine Hassid, avec Josu Corbineau, Iban Garat et Aurélien Labenne du collectif Dantza Sarean (relecture #1), Andrea Loya et Agustin Martinez (relecture #2), Aurélien Houette et Mohamed Toukabri (relecture #3) ; Les nuits barbares ou les premiers matins du monde de Hervé Koubi, avec lazhar Berrouag, Adil Bousbara, Mohammed Elhilali, Abdelghani Ferradji, Zakaria Ghezal, Bendehiba Maamar, Giovanni Martinat, Nadjib Meherhera, Riad Mendjel, Mourad Messaoud, Houssni Mijem, Ismail Oubbajaddi, Issa Sanou et El Houssaini Zahid. Samedi 16 septembre 2017.