Nouvelles pièces courtes – Philippe Decouflé
Après des expériences à Broadway ou au Cirque du Soleil, Philippe Decouflé a comme semblé vouloir revenir à une certaine simplicité. Preuve en est avec sa nouvelle création, Nouvelles pièces courtes, plutôt simple (en apparence) en terme d’effets visuels et de costumes incroyables. Voilà cinq histoires courtes, comme un recueil de nouvelles dansées, qui n’ont (toujours en apparence) aucun lien entre elles. L’on retrouve sur scène la patte Decouflé, comme une certaine nostalgie d’une danse presque d’une autre époque. Mais le ton joliment décalé et les personnages mi-burlesques mi-attendrissants donnent à l’ensemble une ambiance séduisante et indéniablement attachante.
Il y a un défaut en général énervant dans la danse : un.e chorégraphe qui pousse son idée à l’heure de spectacle, envers et contre tout, juste pour pouvoir afficher une pièce dépassant les 60 minutes, alors que l’idée en soi s’essouffle en 20. Nouvelles pièces courtes est l’exemple-même du comment éviter ce défaut. Il y a des inspirations, des moments, des histoires qui se bouclent en 15 ou 30 minutes. Philippe Decouflé en a étudié cinq, et les a assemblées dans un même spectacle : Duo, Le Trou, Vivaldi, Évolution et Voyage au Japon. Le chorégraphe prend l’inspiration des pièces courtes aussi bien chez George Balanchine, Alwin Nikolaïs que dans les morceaux de rock’n roll, comme il l’explique dans sa note d’intention : “Ce format court correspond bien à la danse, où l’écriture est souvent plus poétique que narrative“. De fait, chacune des cinq pièces dévoilent un univers bien à elle. Voilà une ambiance cabaret, puis un duo qui s’envole, qui enchaîne avec une variation burlesque autour de la barre, avant de partir au Japon pour un Lost in Translation savoureux d’humour, de piquant et de fêlure. Le lien entre toutes ces ambiances : les sept artistes qui les interprètes, qui mettent tous et toutes un peu d’eux-elles mêmes dans chaque personnage, et ce souci de s’arrêter au moment juste, avant que cela ne commence à tourner en rond.
Chez Philippe Decouflé, les genres se mélangent. Deux danseurs et danseuses deviennent chanteur.se.s autour d’un piano déglingué. Le cirque apparaît par petite touche, mêlant joliment acrobatie et danse. Un pas de deux s’envole ainsi dans les airs avec un magnifique effet visuel, ou une étude autour de la barre (la barre, décidément, on y revient toujours) qui commence presque comme un numéro de funambule. Le chorégraphe rend aussi hommage à sa mère par la musique de Vivaldi qu’elle affectionnait, dans une danse où l’on retrouve les costumes difformes et bigarrés. Même si l’espace scénique paraît simple, Nouvelles pièces courtes reprend ainsi ce qui est cher au chorégraphe, comme l’appui de la vidéo se mêlant à la scène pour créer comme des univers parallèles. Ce qui donne à l’ensemble comme un parfum de nostalgie. Après un échec cuisant à Broadway, Philippe Decouflé a comme voulu revenir à ses bases, faisant repenser à ses grandes pièces des années 1990, comme revenir à une danse d’avant. Un peu dépassé, Nouvelles pièces courtes ? Pas forcément. Car les coups d’humour et de tendresse de ces cinq nouvelles, leur ambiance aussi séduisante que surprenante, leurs petites blagues grinçantes, vous cueillent au coeur d’une pirouette. Et laisse dans l’air un parfum bien particulier, à l’image de ce voyage au Japon qui termine la soirée sur une note douce-amère.
Nouvelles pièces courtes de Philippe Decouflé à la Maison de la Danse, avec Flavien Bernezet, Meritxell Checa Esteban, Julien Ferranti, Aurélien Oudot, Alice Roland, Suzanne Soler et Violette Wanty. Vendredi 22 septembre 2017. À voir jusqu’au 29 septembre puis en tournée.