Grease au théâtre Mogador
Un an après l’incendie qui a causé de lourds dommages à l’édifice, le théâtre Mogador totalement rénové a rouvert ses portes avec le cultissime Grease. Il fallait bien un poids lourd des musicals pour digérer la déception d’avoir été privé.es du Fantôme de l’Opéra. C’est peu dire que l’attente était forte autour de cette nouvelle production. “Une comédie musicale positive et pleine d’énergie pour tourner une page dramatique“, selon les mots de Laurent Bentata, directeur général de Stage Entertainment France. Connu pour présenter des shows de qualité (Cats, La Belle et la Bête, Le bal des vampires, Cabaret…), le producteur gagne haut la main son pari avec un show enlevé, aux tableaux très soignés, porté par une troupe de jeunes artistes talentueux et convaincants.
Dès le hall d’entrée, le flash back dans la fin des années 1950 avec ouvreuses en robes rose acidulé et ouvreurs en perfectos en cuir crée la surprise. Une manière de se (re)plonger en douceur dans l’ambiance de la Rydell High School de la banlieue de Chicago. On se surprend déjà à fredonner “You’re the one That I want, Ooh ooh ooh, honey” avant même de pénétrer dans la salle. Un bref coup d’œil pour se rendre compte que les rénovations ont redonné du lustre à cette salle. Et déjà le noir se fait. En médaillon, apparaît le couple glamour de Grease, Sandy et Danny, comme un pré-générique. C’est la fin de l’été. Il est temps de refermer la page des amours de vacances.
Place véritablement au show. Grease is the word ouvre avec beaucoup d’allant le spectacle. Porté par les huit musiciens qui jouent en live en fond de scène, ce premier tableau contient tous les ingrédients qui concourent à la qualité de cette nouvelle production : des chorégraphies bien réglées pour lesquelles chaque artiste alterne les passages où il se fond dans les mouvements d’ensemble et ceux où il.elle est mis.e en avant. Le décor est planté, tous les protagonistes sont là. Ne manquent que les deux tourtereaux qui feront bientôt leur apparition.
Si l’on prend rapidement conscience de la qualité de l’adaptation, c’est aussi par le choix – osé pour un spectacle français – de ne pas avoir passé tous les tubes à la moulinette de la traduction. Un habile compromis que celui d’avoir gardé quelques-unes des chansons hyper connues en anglais. Les autres ont été adaptées en français. Et franchement, Hopelessly devoted to you qui devient Je ne peux me passer de nous suffit à faire oublier pas mal de traductions hasardeuses entendues ça et là depuis quelques années. Excepté quelques jeux de mots graveleux, fidèles toutefois à la puérilité et aux obsessions de ces adolescent.e.s post-pubères, l’adaptation de Nicolas Engel est remarquable.
Le casting est aussi une des clefs de cette réussite. Tous ces jeunes artistes ont déjà, pour la plupart, une expérience un peu étoffée de la comédie musicale. Ils.elles prouvent que l’interprète qui chante, danse et joue la comédie n’est pas un mouton à cinq pattes impossible à dénicher sur le sol français. Alexis Loizon (Dany) et Alizée Lalande (Sandy) s’emparent avec beaucoup de fraîcheur et de justesse de ce duo mythique. Certes, le jeune artiste ne parvient pas tout à fait à reproduire la félinité sauvage d’un John Travolta. Mais il se glisse avec beaucoup d’aisance et de fougue dans le jean et le perfecto du chef de la bande des T-Bird. Son couple avec Alizée Lalande est complice et crédible. Celle-ci incarne avec conviction la demoiselle fleur bleue prisonnière d’une éducation stricte. Sa métamorphose en jeune femme sûre de ses choix aboutit au final enlevé tant attendu.
Il y a beaucoup de rythme dans ce spectacle à la mise en scène soignée et aux costumes magnifiques. Le couple phare n’éclipse pas les personnages secondaires de l’histoire (mention spéciale à Yanis Si Ah qui campe un Kenickie survolté au déhanché ravageur, et à Emmanuelle N’Zuzi, qui éclaire avec beaucoup de sensibilité les différentes facettes du personnage Rizzo, la meneuse des Pink Ladies). Le nombre d’artistes permet des tableaux étoffés où la dimension chorégraphique n’est pas qu’un prétexte. En cela, Greased Lightning et Born to hand jive (le célèbre concours de danse du bal du lycée avec l’irruption de la célèbre Cha Cha) sont impeccablement réglés. Ce Grease sacre incontestablement la renaissance du théâtre Mogador. A toute chose malheur est bon.
Grease de Jim Jacobs et Warren Casey au théâtre Mogador. Scénographie de Eric Van Der Palen. Direction musicale : Dominique Trottein. Adaptation française : Nicolas Engel. Mise en scène et chorégraphie de Martin Michel. Costumes de Arno Bremers. Avec Alexis Loizon (Dany Zuko), Alizée Lalande (Sandy Dumbrowski), Emmanuelle N’Zuzi (Betty Rizzo). Yanis Si Ah (Kenickie), Doryan Ben (Doody), Alexandre Faitrouni (Eugene), David Sollazzo (Sonny), Jérémy Petit (Roger), Luna Chiquerille (Cha-Cha), Véronique Hatat (Patty), Florie Sourice (Frenchy), Sébastien Lemoine (Vince Fontaine/Teen Angel) et Céline Groussard (Miss Lynch). Vendredi 6 octobre 2017. A voir actuellement au théâtre Mogador.