Les Italiens de l’Opéra de Paris au Théâtre de Suresnes
C’est une aventure qui a commencé en novembre 2016 lorsqu’Alessio Carbone fut sollicité pour présenter un gala à Venise. Le Premier Danseur a alors imaginé réunir les danseur.se.s d’origine italienne de l’Opéra de Paris. Ils sont très précisément 11 dans une troupe qui n’est pas réputée pour ouvrir grandes les portes de l’institution à celles et ceux venus d’ailleurs. C’est en fait le plus gros contingent et ce groupe éphémère fut ainsi créé pour célébrer leur succès et le faire partager au public. Cette petite troupe a donné ses premières dates en France au Théâtre de Suresnes.
Le résultat est enthousiasmant. Tout d’abord parce que l’on sort des sentiers battus qui souvent engendrent l’ennui lors de ces galas. Tout le monde se connaît parfaitement au sein des “Italiens de l’Opéra de Paris”. Ils ont grandi ensemble et partagé le même répertoire. Et l’idée est précisément de s’en emparer et de distribuer dans ces rôles des danseur.se.s qui ne le danserait pas forcément eu égard à leur rang hiérarchique. Tout aussi réjouissant est le refus de se limiter à de la musique enregistrée. Sur les sept pièces du programme, quatre sont interprétées par des musiciens sur scène, un luxe au regard de l’ordinaire de ce genre de spectacles. Enfin, pour les fans du Ballet de l’Opéra de Paris, c’est une occasion unique de découvrir de nouvelles facettes de ces danseur.se.s.
Alessio Carbone ouvre le bal avec Letizia Galloni et Prélude chorégraphié par l’ancien danseur du Royal Ballet Ben Stevenson, sur la musique de Rachmaninov interprétée sur scène et au piano par Andrea Turra. C’est un pas de deux qui se joue autour, et de part et d’autre, de la barre comme un exercice de style, ou comment faire ses gammes et déborder de l’espace réduit de la classe. Comme un rêve d’un couple composé d’un danseur et d’une ballerine. Entrée en matière tout en délicatesse d’Alessio Carbone et Letizia Galloni qui montrent là leur savoir-faire technique.
Grand Pas Classique de Victor Gsovsky sur la musique d’Auber est dans le même type de registre mais cette pièce est d’une autre trempe : elle condense en quelques minutes les plus grandes difficultés du ballet classique. Arabesques, tours, manèges, fouettés, batterie, tout y est dans une sorte de feu d’artifice bien connu des balletomanes. Il faut une bonne dose de courage et d’inconscience pour se lancer dans cette aventure de Grand Pas Classique comme le font Ambre Chiarcosso et Giorgio Fourès, Quadrilles du corps de ballet. Certes, ils ne maitrisent pas encore la technique nécessaire pour venir à bout de ce monument de la danse académique mais il s’y jettent avec énergie, ce qui fait largement oublier les scories.
Même constat pour le mythique Pas de deux de In The Middle Somewhat Elevated, la pièce de William Forsythe qui fait partie de l’ADN du répertoire de l’Opéra de Paris. Bien qu’il soit souvent donné en gala, il reste très compliqué de l’interpréter hors du contexte de l’œuvre. Le pas de deux est en effet le final de l’œuvre, son climax porté par l’incroyable puissance du ballet. Et il est toujours difficile de la danser avec justesse et précision lorsqu’il est présenté comme pièce de gala. La prestation des Quadrilles Sofia Rosolini et Antonio Conforti est loin d’être indigne mais elle manque un peu d’envergure.
Alessio Carbone et Letizia Galloni – sans pointes cette fois – reviennent sur scène avec Together Alone, pas de deux écrit en 2015 par Benjamin Millepied sur le Prélude N.20 de Philip Glass magnifiquement interprété au piano par Andrea Turra. C’est une pièce sur un tempo lent, peu spectaculaire et à vrai dire assez fade dont on ne retient pas grand chose. Il y avait sans doute d’autres choix à faire dans les œuvres que l’ancien directeur de la danse a écrites pour l’Opéra de Paris.
L’ambiance et le rythme changent radicalement avec la reprise d’Aunis de Jacques Garnier, ancien danseur de l’Opéra de Paris qui créa cette pièce pour le Théâtre du Silence qu’il avait fondé avec Brigitte Lefèvre. C’est une pièce inclassable pour trois danseurs sur une musique écrite pour deux accordéons et jouée sur scène par Gérard Baraton et Christian Pacher. Mélange de pas classique et de danse folklorique sur un thème résolument joyeux, Aunis est trop rarement dansé et c’est fort plaisant de voir des danseurs s’en emparer. Simon Valastro, Francesco Mura et Andrea Sarri en livrent une version à cœur joie comme une bouffée d’air frais.
Simon Valastro, que l’on retrouve en deuxième partie dans la peau du chorégraphe cette fois, pour la première en France d’un pièce intitulée Mad Rush sur la musique de… Philip Glass. Quelle que soit l’estime que l’on ait pour cet immense compositeur, il y a une certaine facilité à aller trop souvent puiser dans son répertoire. Avouons malgré tout que Simon Valastro utilise assez bien cette partition pour façonner une pièce écrite pour 10 danseur.se.s. Solos, ensembles et pas de deux qui s’enchainent dans une tonalité sombre et où l’on sent les influences des maitres contemporains qui ont illuminé le Ballet de l’Opéra de Paris, Mats Ek et Jirí Kylián. On ne peut rêver meilleure filiation. Mais Simon Valastro ne compose pas une chorégraphie “à la manière de” : il imprime sa marque, son style que l’on souhaite voir se développer. Ce fut la grande découverte de cette soirée.
La palme de la perfection technique de la soirée revient sans conteste à Valentine Colasante qui impose magistralement son statut de Première Danseuse dans un solo extrait d’Alles Walzer de l’italien Renato Zanella sur la musique de Josef Strauss. Belle démonstration de virtuosité de Valentine Colasante sur pointes avec un look garçonne qui donne une touche d’humour supplémentaire. Grand jetés météoriques et équilibres qui défilent !
Ce sont Ambre Chiarcosso et Francesco Mura qui referment le programme avec Diane et Actéon dans la chorégraphie d’Agrippina Vaganova, comme pour montrer que l’on sait aussi à l’Opéra de Paris se frotter avec conviction à d’autres styles que celui de l’école française. Puis vint le Final où tous nos “italiens” reviennent sur la trop petite scène du théâtre Jean Vilar de Suresnes, garçons en collant et chemise blanche, filles en tutu, pour un salut dansé comme une sorte de mini-défilé. Il fut un temps pas si lointain où l’Opéra de Paris rechignait à laisser s’échapper ses danseur.se.s vers une autre scène de la région parisienne hors de l’antre de Garnier. Les temps ont changé et c’est tant mieux !
Les Italiens de l’Opéra de Paris au Théâtre de Suresnes Jean Vilar. Avec Alessio Carbone, Valentine Colasante, Simon Valastro, Letizia Galloni, Francesco Mura, Ambre Chiarcosso, Sofia Rosolini, Antonio Conforti, Andrea Sarri et Giorgio Fourès, Andrea Turra (piano) Christian Pacher et Gérard Baraton (accordéon). Samedi 14 octobre 2017.
LucyOnTheMoon
Ca donne envie ! D’autres dates sont-elles prévues ?
Jean-Frédéric Saumont
Je vous conseille d’aller voir la page FB des ItalIens de l’Opéra de Paris. Vous aurez les informations sur les prochaines dates.
Audrey
Super. Je me mets sur les rangs pour les prochaines dates!
elise
Valentine Colasante magnifique dans don quichotte au théâtre de Paris, j’ai moins aimé Aunis qui est davantage de l’expression corporelle que de la danse pure