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Soirée Balanchine : épsiode 2

Jeudi 11 octobre 2012. Soirée George Balanchine, par le Ballet de l’Opéra de Paris, au Palais Garnier. Sérénade : Ludmila Pagliero, Mélanie Hurel, Mathilde Froustey, Hervé Moreau et Pierre-Arthur Raveau ; Agon : Karl Paquette, Nolwenn Daniel et Muriel Zusperreguy (1er pas de trois), Myriam Ould-Braham, Christophe Duquenne et Stéphane Phavorin (2e pas de trois), Eve Grinsztajn et Stéphane Bullion (pas de deux) ; Le Fils prodigue : Jérémie Béilngard (le Fils) et Agnès Letestu (la Courtisane).

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Je suis toujours fasciné à quel point, une petite poussière ou une petite étincelle, peuvent littéralement transformer un ballet. Cette deuxième soirée Balanchine était ainsi bien différente de la première, en mieux ou non. Sérénade, par exemple. Le corps de ballet, rôdé, semblait enfin prendre un vrai plaisir à danser et à ne pas penser qu’aux lignes. Qui parait-il n’étaient pas parfaites, mais je n’étais pas placée à l’endroit idéal pour juger, je laisserais donc le bénéfice du doute. C’est tout à fait ce que j’aime chez Balanchine. Au début, c’est joli à l’œil, tous ces tutus vaporeux et ces belles danseuses. Puis petit à petit, la musique prend le pas, les gestes se font lyriques, ce ne sont plus uniquement que des jolis mouvements, mais de la danse, quelque chose qui va au-delà, même s’il n’y a pas d’histoire. Les danseuses avaient de plus une façon un peu distanciée de faire les choses, peut-être spécifique à la compagnie, mais qui allait plutôt bien à Sérénade.

Ludmila Pagliero, Mélanie Hurel et Mathilde Froustey formaient un beau trio de solistes. Ensemble et à l’unisson, elles étaient parfaites. Seules en scène, le résultat était plus mitigé. Ludmila Pagliero, d’une technicité irréprochable et d’un certain glamour, manquait un peu de surprise, et son duo avec Hervé Moreau m’a presque ennuyée. Si elle apportait toute son autorité à l’ensemble, Mathilde Froustey y amenait plus de reliefs avec ses sauts (il parait que son rôle est appelé la « jumping girl »), une joie de danser et un jeu de tempo irrésistibles.

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C’est en fait la seule danseuse qui semblait avoir une véritable caractérisation. Lors d’une séance de travail, javais été frappée par le fait que les trois solistes (Eléonora Abbagnato, Myriam Ould-Braham et justement Mathilde Froustey), jouaient chacune un personnage très particulier, au caractère défini et différent. Ici, les danseuses jouaient beaucoup plus sur l’uniformité. Mais le relief de ce ballet vient justement des différences, et Mathilde Froustey était un peu l’une des seules à en apporter.

Agon aussi fut vu différent, mais cette fois-ci dans le mauvais sens. La précision et les nuances de ce ballet ne s’accommodent pas d’une sous-distribution. Si chacun ce soir a fait ce qu’il fallait, force est de reconnaître qu’il manquait un certain panache, vécu pourtant avec bonheur lors de la première, mais qui avait eu droit à un tout autre casting. Les quatre mecs (Karl Paquette, Christophe Duquenne, Stéphane Phavorin et Stéphane Phavorin) assurent, mais il manque comme un leader, quelqu’un qui amène cette danse encore autre part.

Le premier pas de trois était ainsi un peu tristoune, et c’est là aussi que l’on se rend compte à quel point Mathieu Ganio peut illuminer n’importe quoi. Quant au duo, il souffrait surtout techniquement. Eve Grinsztajn était flamboyante, et formait, au niveau des personnalités, un beau duo avec la certaine réserve de Stéphane Bullion. Mais trop d’accros, d’imprécisions et de tensions empêchaient de se glisser dans ce pas de deux, qui ne demande que fluidité.

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Myriam Ould-Braham
fut l’exception qui confirme la règle. D’emblée, elle est apparue comme la cheffe du groupe, et jouant plutôt la carte de la complicité avec Eve Grinsztajn, alors que l’on sentait plus la rivalité face à Aurélie Dupont. Sa variation était toujours aussi régalante de précision et de style, ajouté à cela un certain glamour et un petit jeu de séduction. Myriam Ould-Braham commencerait-elle à jouer la star ? Elle en aurait bien le droit.

Quant au Fils prodigue, si j’ai toujours un peu de mal à crier au chef-d’œuvre, il gagne à être revu une seconde fois. Peut-être est-ce l’œil et l’oreille qui doivent se réhabituer au style Ballet Russe, mais l’ensemble paraissait moins muséal qu’à la première. Agnès Letestu y était sûrement pour beaucoup. D’emblée, elle apparait, aux yeux du Fils comme à celui du public, comme un personnage surnaturel. Sorcière envoûtante, elle installe véritablement l’histoire dans une veine mythologique (quoi que l’on est censé être dans la Bible, mais elle m’a fait penser à toutes ces tentatrices que croise Ulysse sur son chemin initiatique). Et cette finesse associée à la fougue un peu brute de décoffrage de Jérémie Bélingard formait un très intéressant duo, vivant, rempli de contradictions.

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Le chemin de la rédemption reste par contre toujours aussi long. On a envie d’aller nous-même toquer à la porte du père pour qu’il abrège les souffrances de son rejeton (et les notre par la même occasion).  J’ai néanmoins profité de ces dix minutes pour me poser une question hautement existentielle : les perruques afros des deux amis sont-elles là pour ressembler aux boucles de Jérémie Bélingard ou sont-elles les mêmes quel que soit le soliste ? François Alu aurait-il gardé sa blondeur s’il avait dansé ce rôle ? Suspens insoutenable et non résolu puisque c’est Alessio Carbone, bouclé brun de son état, qui dansera lundi prochain à la place du jeune soliste.

Photo 3 : Rêves impromptus

Soirée Balanchine jusqu’au 18 octobre au Palais Garnier.

Commentaires (4)

  • dora

    les perruques des deux garçons affublent indifféremment les blonds comme les bruns, je pense qu’alessio carbone y aura droit aussi!
    quant à Agon, j’ai trouvé le pas de deux d’une intensité remarquable, et d’ailleurs le pblic ne s’y est pas trompé, au vu du silence absolu qui régnait dans la salle à ce moment précis et de l’ovation réservée à Grinzstajn et Bullion. j’entendais dire que cette danseuse ce soir là était brulante de fièvre, aussi je pense qu’on peut lui pardonner quelques tensions. bravo à tous ces artistes qui tels des artisans remettent chaque jour leur ouvrage sur le métier.

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  • @dora: A vrai dire, je ne sais pas si ce qui m’a gêné était dû à la fièvre (indevinable dans la salle, bravo l’artiste). C’était pour moi un manque de fluidité dans le pas de deux, des à-coups dans les pas… Mais la danse reste subjectif, et si je n’ai pas été touchée par ce passage, le public a en effet montré un grand enthousiaste sur ce duo dans les applaudissements.

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  • Joelle

    C’est pour ce soir ! =D> Alors si j’ai bien compris on aura droit à un beau brun bouclé (Alessio Carbone) avec peut-être une perruque blonde ? 😉 Je me prépare mentalement… ](*,)

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  • alpha

    Quelques mots de remerciements…aux photographes. Un vrai talent pour nous faire partager, en quelques « instants décisifs » l’émotion de la scène. Pas si facile pourtant car les écrans d’ordinateurs sont des machines bien désincarnées pour faire partager des émotions, mais tout de même… La fluidité de « Sérénade », le pas de deux magiques de « Agon »… Merci en particulier à S Mathé fidèle de ce blog et talentueux photographe.

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