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Ailey II – Circular/Breaking Point/Revelations

D’Alvin Ailey l’on connaît surtout en France l’Alvin Ailey American Dance Theater, la grande compagnie fondée par le chorégraphe en 1958 et qui vient régulièrement en France. Mais Alvin Ailey, c’est aussi une grande école de danse et une compagnie junior, l’Ailey II. Composée de 12 jeunes danseurs et danseuses d’une vingtaine d’années (dont un petit Français, Adrien Picaut), la troupe tourne autour du monde pour proposer à ces jeunes artistes une première expérience professionnelle, avec des chorégraphes d’aujourd’hui comme des pièces d’Alvin Ailey, une façon de se frotter pour la première au répertoire du chorégraphe. Le programme d’Ailey II, en tournée cet hiver en France, comprend d’ailleurs le tube du chorégraphe Revelations, et des pièces plus récentes et plus abordables pour de jeunes artistes. Même si ces apprenti.e.s ont la même énergie que leurs aîné.e.s, et la même façon d’aborder la scène avec générosité, l’une des marques de fabrique des danseurs et danseuses made in Ailey. 

 Circular de Jae Man Joo – Ailey II

Circular de Jae Man Joo qui débute le programme vu à la Maison de la Danse de Lyon n’est pas forcément la plus facile à aborder, avec une musique assez austère de premier abord. Le chorégraphe ne cherche d’ailleurs pas à faire de l’effet : sa pièce repose sur le mouvement (une danse néo-classique moderne, assez proche d’Alvin Ailey dans son fondement), et comment le mouvement circule entre danseurs et danseuses sur scène. Pas de folie expressive, pas de narration à trouver : l’équilibre de la pièce repose sur le geste. Et la façon dont les interprètes s’en saisissent, toujours avec intensité et précision. Circular permet ainsi de mettre en avant chacun des interprètes d’Ailey II. Car très vite, le groupe en scène se disloque pour plusieurs séquences en petits groupes ou solo. À chacun.e de mettre dans ce mouvement qui circule, très terrien, un sentiment, une intention, pour le faire vivre à sa manière. À ce jeu, Tara Bellardini et sa magnifique crinière rousse domine la scène, avec une présence qui s’impose en scène avec naturel. L’énergie est toutefois présente chez tout le monde, une énergie qui fait d’emblée penser à celle de l’Alvin Ailey American Dance Theater : quelque chose de profondément sincère – et communicatif – avec un souci de faire le spectacle et d’emplir le plateau.

Cette façon de danser se retrouve dans Breaking Point de Renee I.McDonald, créé l’année dernière, même si la pièce est totalement différente. Si Circular se voulait sobre, Breaking Point veut en mettre plein la vue techniquement, énergiquement et dramatiquement. Place à ce “point de rupture” (traduction du titre de la pièce) qui traduit le conflit présent en chacun.e de nous. Une musique dramatique qui ne fait pas dans la dentelle, faisant penser à la partition d’un film d’action, porte le tout. Ici, ça danse fort, ça danse haut, ça se cogne aux autres avec des effets de lumière sans chercher à reprendre son souffle pendant la vingtaine de minutes que dure le ballet. Ça en fait trop dans la chorégraphie, à coup sûr, et ça n’a pas peur des clichés non plus. Mais les jeunes danseurs et danseuses d’Ailey II assument, cela correspond bien aussi à leur âge.  Et Renee I.McDonald sait maîtriser ses effets pour proposer au final une pièce efficace, qui fonctionne formidablement bien sur le public, notamment ado. 

 Breaking Point de Renee I.McDonald

Revelations d’Alvin Ailey qui termine la soirée est forcément d’une autre dimension chorégraphique. Place au testament d’Alvin Ailey, à sa pièce signature, qui résume sa pensée comme sa danse. Et que l’on peut voir encore et encore, et avoir la surprise de se laisser emporter une fois de plus par les gospels, la danse en prière suppliantes, ces images venues du sud américain mêlant humilité face à dieux que grands moments de fête. Il ne faut pas demander aux interprètes de la compagnie junior d’avoir l’expérience de leurs aîné.e.s dans cette pièce, qu’ils dansent parfois pendant dix ans. L’interprétation y est forcément plus timide, plus mesuré. Les jeunes artistes se cherchent encore. Mais il est étonnant de voir que Revelations fait déjà intimement partie de leur corps de danseurs, qu’ils en maîtrisent déjà la physicalité, les plus petites nuances. Les élèves de l’école d’Alvin Ailey doivent apprendre Revelations dès leurs premiers pas dans les studios new-yorkais, comme les élèves de Vaganova apprennent les bras du cygne dès le premier plié à la barre. Il y a ainsi cette forte impression que ces jeunes danseurs et danseuses appartiennent au groupe Alvin Ailey, qu’ils se sentent déjà responsables de la transmission de ce répertoire, et qu’ils se retrouvent en scène avec cette énergie. Et Revelations de fonctionner comme avec la compagnie-mère : le public finit inexorablement debout en une longue ovation. 

Revelations d’Alvin Ailey

 

Ailey II à la Maison de la Danse de Lyon. Circular de Jae Man Joo, Breaking Point de Renee I.McDonald et Revelations d’Alvin Ailey, avec Tara Bellardini, Antuan Byers, Khalia Campbell, Yazzmeen Laidler, Kyle H. Martin, Corrin Rachelle Mitchell, Adrien Picaut, Jessica Amber Pinkett, Martell Ruffin, Arianna Salerno, Marcus Williams et Christopher R. Wilson. Mercredi 17 janvier 2018. À voir jusqu’au 21 janvier puis en tournée en France jusqu’au 30 janvier.

 

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