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[Biennale de la Danse] 31 rue Vandenbranden de Peeping Tom – Ballet de l’Opéra de Lyon

La 18e Biennale de la Danse de Lyon a démarré avec la compagnie “maison”, le Ballet de l’Opéra de Lyon, qui proposait pour l’occasion une première surprenante : l’entrée au répertoire de 32 rue Vandenbranden de Peeping Tom – rebaptisée pour l’occasion 31 rue Vandenbranden. C’est la première fois que la troupe collaborait avec le duo Gabriela Carrizo et Franck Chartier et leur théâtre dansé où la chorégraphie prend parfois des allures d’acrobatie. Pour les chorégraphes, c’était l’occasion de donner une deuxième vie à une oeuvre qui, créée il y a dix ans, s’apprête à faire ses adieux à la scène en 2019 avec leur propre compagnie. La puissance théâtrale de Peeping Tom – aux personnages sur la fêlure en permanence, fait merveille dans 31 rue Vandenbranden. Et le Ballet de l’Opéra de Lyon bluffe une nouvelle fois en s’appropriant à pleine main un nouveau langage. 

Nous ne savons pas bien où nous sommes dans 31 rue Vandenbranden. Seule certitude : ce village au sommet d’une montagne, aux nuages gris et noirs, aux baraquements qui semblent peu de choses face au vent, semble bien isolé. 31 rue Vandenbranden s’inspire de plusieurs éléments, dont le film japonais La Ballade de Narayama de Shohei Imamura, qui raconte l’histoire d’un fils portant sa mère de 70 ans au sommet d’une montagne pour qu’elle puisse y mourir. La pièce de Peeping Tom ne reprend pas la trame en soi, mais utilise l’idée d’un espace-temps imaginaire, en dehors du monde, peut-être une sorte de purgatoire. Ici, six personnes vivent dans deux baraquements qui se font face au sommet de cette montagne, jusqu’à l’arrivée de deux inconnus. Comment ceux-ci vont-ils (ou non) s’intégrer à ce petit monde ? Comment ce petit monde va-t-il (ou non) les accepter ? 

Trame de base, mais qui finalement n’est pas le plus important. Le coeur de 31 rue Vandenbranden, ce sont ces personnages, leurs émois, leurs peurs, leurs rires pendant une bataille de boules de neige, leur interaction, leur tromperie, leur immense solitude. Cette galerie d’hommes et de femmes, aussi attachantes que remplies de défauts, peuplent et font vivre ce village imaginaire. On ne sait pas bien où l’on est, on ne sait pas bien où l’on va, mais l’esprit à aucun moment ne s’évade de ces deux caravanes au sommet de la montagne, fasciné par ces vagues à l’âme tourmentée par la neige. C’est l’histoire de la solitude humaine, mais aussi de la façon dont on peut parfois se reconnaître, se sourire, s’amuser. C’est ce qui fait que, malgré son décor désolé, 31 rue Vandenbranden n’est pas une pièce écrasante – pas légère non plus bien sûr – mais plutôt fascinante. La quinzaine de personnages – accompagné par la superbe mezzo-soprane Eurudike De Beul, qui intervient un peu comme une narratrice – vivent leur vie sur le plateau, s’apercevant de temps en temps de la présence de gens en face d’eux, les regardant le temps de brièvement casser le quatrième mur, avant de repartir sur leur chemin. 

Les artistes du Ballet de l’Opéra de Lyon s’emparent avec justesse, profondeur, et parfois une certaine malice, de cette galerie de personnages. Les chorégraphes se sont amusés avec leur technique, leur proposant des duos virtuoses où l’on n’est pas loin de l’acrobatie. Les scènes d’ensemble – notamment dans la neige – aiment puiser dans le cirque pour leur façon de savoir si bien sauter si haut sans peur de retomber. Mais seul.e.s, les interprètes sont avant tout dans le théâtre, souvent sans aucune parole. Juste un regard, une gestuelle, un pas, un jeu de décor. Et c’est là leur réussite de savoir s’en emparer. Est-ce que hasard des personnages ? Les danseurs avaient parfois une petite tendance à tomber dans l’outrance, tandis que les danseuses restaient dans la perpétuelle justesse. Tous et toutes, en tout cas, proposaient des personnages aux multiples facettes. À l’origine, la création 32 rue Vandenbranden a duré cinq mois, faite de centaines d’improvisations. Seules quelques-unes ont été gardées pour le spectacle, mais comme l’expliquent les chorégraphes, toutes celles qui n’ont pas été gardées ont servi à enrichir les personnages. En quelques semaines de transmission, les artistes de la troupe lyonnaise ont su s’emparer de cette profondeur, pour un spectacle unique en son genre. Un bien beau début de Biennale. 

 

31 rue Vandenbranden de Peeping Tom par le Ballet de l’Opéra de Lyon, à l’Opéra de Lyon dans le cadre de la Biennale de la Danse. Avec Aurélie Gaillard, Julia Weiss, Giacomo Luci, Marco Merenda, Albert Nikolli, Roylan Ramos, Jacqueline Bâby, Kristina Bentz, Sam Colbey, Adrien Delépine, Caelyn Knight, Lore Pryszo, Paul Vezin, Alvaro Dule, Leoannis Pupo-Guillen et  Eurudike De Beul. Mardi 11 septembre 2018. À voir jusqu’au 15 septembre. La Biennale de la Danse de Lyon continue jusqu’au 30 septembre

 

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