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Installation de Thierry Malandain à l’Académie des beaux-arts

Plus de 200 ans après sa création, l’Académie des beaux-arts a enfin reconnu la Danse comme un “des arts majeurs et immémorial, en créant une nouvelle section dédiée à la chorégraphie. Et qui installer au rang des Immortels ? Le nom de Thierry Malandain, chorégraphe directeur du Malandain Ballet Biarritz, qui fait tellement pour la place de la danse, et surtout de la danse classique, en France, tombait sous le sens. Covid oblige, sa cérémonie d’installation au fauteuil numéro 1 s’est fait attendre. Elle a finalement eu lieu le 6 avril dernier. Une cérémonie à la fois solennelle et très personnelle, ressemblant bien au chorégraphe. Qui s’est conclu par l’Aurresku, la danse d’honneur du Pays basque.

Séance d’installation de Thierry Malandain à l’Académie des beaux-arts

La Danse est trop souvent l’oubliée des arts en France. Alors la voir reconnue et célébrée comme il se doit, sous les ors de la République, cela se fête. L’Institut de France, qui prend sa place sous la superbe coupole du Quai de Conti à Paris, est composé de cinq académies : l’Académie française, l’Académie des Sciences, l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, l’Académie des Sciences morales et politiques et l’Académie des beaux-arts, appelée ainsi depuis 1816. Il y a deux ans, cette dernière a enfin créé une section chorégraphique. Et le fauteuil numéro 1 est revenu à Thierry Malandain, chorégraphe, directeur du CCN Malandain Ballet Biarritz, avec lequel il tourne partout en France et dans le monde depuis 1998.

C’est le 6 avril que le chorégraphe a été officiellement installé – c’est le terme officiel – à l’Académie des beaux-arts. Une cérémonie perturbée, là encore, par le Covid. Blanca Li, qui occupe le fauteuil numéro 2, a ainsi été intronisée en premier. Carolyn Carlson suivra cet été, suivie d’Angelin Preljocaj cet automne. Mais en ce mercredi de début de printemps, place à Thierry Malandain. Et c’est le monde de la danse française qui s’est pressée sous la majestueuse coupole. Le Malandain Ballet Biarritz était là bien sûr au grand complet, et beaucoup de fierté se lisaient sur les visages des danseurs, danseuses ou du personnel. Étaient aussi présents Pierre Lacotte, Brigitte Lefèvre, Jean-Guillaume Bart, Bruno Bouché, beaucoup d’amis, les journalistes spécialisés. L’Opéra de Paris n’était par contre pas représenté, seul Hugo Marchand fit une apparition furtive entre deux répétitions.

Séance d’installation de Thierry Malandain à l’Académie des beaux-arts – Thierry Malandain et Laurent Petitgirard

La solennité de la cérémonie, quand la musique de la Garde républicaine retentit sous les ors de la coupole, impose le silence lors de l’entrée du nouvel académicien. Mais le reste ne fut en rien compassé. Au contraire, les discours tout comme les moments dansés furent personnels et bien à l’image du chorégraphe : érudit, porté par la musique, la connaissance de la danse et la passion de cet art, dans son geste actuel comme dans son histoire. Le compositeur Laurent Petitgirard, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Beaux-Arts, assure même avec quelques touches d’humour son discours, présentant le parcours riche de Thierry Malandain. Et de se souvenir qu’il eut comme partenaire de cours de danse Isabelle Guérin, à l’école de danse de Rambouillet de Monique Le Dily. Qu’il prît les cours de Daniel Franck, Raymond Franchetti ou Gilbert Mayer avant de danser à l’Opéra de Paris, remarqué par Violette Verdy. Qu’il dansa au Ballet du Rhin et remporta le Concours chorégraphique Volinine du Vésinet, qui lança sa carrière de chorégraphe. Qu’il a tenté d’aller danser chez Jiří Kylián, chorégraphe qu’il admirait, mais qu’il ne fut pas retenu à l’issue de l’audition, et que c’est suite à ce refus qu’il fonda sa première compagnie, la Compagnie Temps Présent, dans les années 1980.

Le discours de Laurent Petitgirard fut bien sûr l’occasion de parler des ballets de Thierry Malandain, toujours menés par l’importance de la musique. Le tout ponctué de vidéos d’extraits de ballets, l’occasion de revoir la récente et merveilleuse Pastorale, tout comme de se remémorer Magifique, qui a tellement tourné dans les années 2010 (et que l’on aimerait bien revoir !). Ce fut l’occasion aussi d’évoquer la certaine philosophie de travail de Thierry Malandain, porté notamment par la fidélité et le souci de ses interprètes. Sur les huit danseurs qui formèrent sa première compagnie en 1986, quatre sont encore autour de lui au Malandain Ballet Biarritz, dont le maître de ballet Richard Coudray. Cela se voit aussi par son effectif. En 1998, lors de la création de la compagnie à Biarritz, le groupe est de 12 interprètes, tous et toutes intermittentes. Aujourd’hui, iels sont 22, en CDI au CDD. Les ancien-ne-s ont été accompagnés dans leur reconversion, beaucoup d’entre eux et elles sont d’ailleurs depuis restées à Biarritz. Sans oublier le développement d’un service de prévention médicale des danseurs et danseuses – le Malandain Ballet Biarritz fut sur ce sujet précurseur en France.

Séance d’installation de Thierry Malandain à l’Académie des beaux-arts

À Thierry Malandain ensuite de prendre la parole. Son discours, là encore, fut à son image : érudit, politique, clamant son amour de la danse classique comme la forte inquiétude à la voir si peu considérée en France. Ce fut une petite leçon d’histoire de la danse, partant de l’institutionnalisation de la danse classique du temps de Louis XIV, et s’amusant de voir comment elle a traversé les époques, se mêlant aussi aux danses populaires. Ainsi la “gavotte de Vestris” réglée par Maximilien Gardel, maître de ballet et académicien, trouva toute sa place au Pays Basque, encore dansée aujourd’hui. Et dansée sous la coupole par Jon Olascuaga de la compagnie Maritzuli, accompagné au violon Xabi Etcheverry. Avec un travail de petite batterie magnifique, que n’aurait pas renié Gilbert Mayer.

Ce fut aussi pour Thierry Malandain l’occasion de rappeler la précarisation de la danse classique en France – “Un art aujourd’hui en voie de disparition, puisque soumis au montant des subventions“. Mais aussi l’immense force de la danse – “la Danse permet à l’âme humaine de fixer l’instant en mouvement et de célébrer par le geste les manifestations de l’existence“, et tout simplement l’amour profond de cet art. Thierry Malandain a ainsi fini son discours en citant Jean-Etienne Despréaux son “prédécesseur” à l’Académie royale de Danse (1748-1820) : “C’est peu d’être danseur, il faut être amoureux. Si vous n’aimez votre art d’un amour idolâtre, gardez-vous, croyez-moi, de paraître au théâtre“. Avant de terminer par de la danse, bien sûr. Et plus précisément l’Aurresku. Danse d’honneur du Pays Basque, elle est dansée lors d’enterrements, mais aussi pour souhaiter la bienvenue au Pays basque, ou pour rendre hommage. Maurice Béjart y avait ainsi eu droit, lors de sa venue dans la région. En ce jour particulier, c’est Arthur Barat (compagnie Bilaka), danseur d’une vingtaine d’années, qui l’interpréta avec beaucoup de solennité, face au chorégraphe, accompagné par Sébastien Paulini (tambourin et txistu). Et quelle émotion, sous cette coupole imposante, de voir vivre une danse multi-centenaire, par les pieds et l’esprit d’un jeune homme du XXIe siècle.


 

Après les discours, la Présidente du Malandain Ballet Biarritz Catherine Pégard remit à Thierry Malandain son épée d’Académicien. Ou plutôt son bâton, hommage à ceux des maîtres à danser, fabriqué bien sûr par une entreprise basque (Origine Ateliers). Le bâton est en bois de Néflier, dont on se sert aussi pour fabriquer le makila, bâton de marche doublé d’une arme venant de la tradition basque.

Le pommeau est en argent, orné d’une coquille d’escargot, symbolisant la renaissance et le retour de la Danse au sein du cortège des Arts. Il est gravé du nom de 13 chorégraphes, en référence aux 13 “académistes” nommés par Louis XIV lors de l’institution de l’Académie royale de Danse en 1661. Ces 13 chorégraphes, connus ou oubliés, ont marqué chacun à leur façon le parcours de Thierry Malandain : Jean-Baptiste Blache (1765-1834), Louis Henry (1784-1836), François Albert Decombe (1787 -1865), Jules Perrot (1810-1892), Henri Justamant (1815-1890), Marius Petipa (1818-1910), Hyppolite Montplaisir (1821-1877), Mariquita (1841-1922), Laure Fonta (1845-1915), Louise Stichel (1856-1942), Serge Lifar (1905-1986), Janine Charrat (1924-2017) et Joseph Lazzini (1926-2012).

Enfin le fourreau du bâton a été fabriqué par Karine Prins, régisseuse des costumes du Malandain Ballet Biarritz, et réalisé dans des chutes de tissus de quelques ballets du chorégraphe.

Le bâton d’académicien de Thierry Malandain

 

 



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