Alice Renavand nommée Danseuse Étoile
Ecrit par : Amélie Bertrand
À l'issue d'une représentation du ballet Le Parc d'Angelin Preljocaj, le vendredi 20 décembre, Alice Renavand a été nommée Danseuse Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris.
La danseuse faisait sa prise de rôle dans ce ballet. Elle devait au départ danser avec Hervé Moreau. Mais ce dernier s'étant blessé il y a quelques jours, Alice Renavand a finalement dansé avec Stéphane Bullion.
Si cette nomination n'est pas vraiment une surprise (le bruit courait depuis quelques jours), elle n'en fut pas moins émouvante. Comme le veut la tradition, un micro a été installé sur scène après les premiers saluts. Murmures et déjà quelques bravos dans le public qui sait à quoi s'attendre. La Directrice de la Danse Brigitte Lefèvre entre en scène avec le directeur de l'Opéra, Nicolas Joël. Ce dernier prend le micro et commence par souhaiter de bonnes Fêtes de fin d'année au public (quel feinteur ce Nicolas).
Puis il passe aux choses sérieuses. "Je suis là aussi pour fêter auteur chose...". Le public se met à applaudir et Alice Renavand à essuyer une larme avant même l'annonce officielle. Puis cris de joie dans la salle et les coulisses. La danseuse se pend au cou de Brigitte Lefèvre, qui l'a toujours soutenue même quand il était moins facile de l'être. Stéphane Bullion la pousse sur le devant de la scène... Premier salut d'Étoile pour Alice Renavand.
Félicitation d'abord à la danseuse, qui se voit récompenser après une belle soirée. Alice Renavand fait partie de ces fortes personnalités artistiques qui marquent une représentation. Cette nomination salue aussi un parcours un peu différent des autres avec son lot de difficultés.
Née en 1980, Alice Renavand entre à l'École de Danse à l'âge de 10 ans. Très bonne élève, elle grimpe toutes les divisions sans difficulté et entre dans le corps de ballet en 1997. Mais alors qu'elle est promise à un bel avenir, les choses se gâtent. Sous la pression psychologique, la danseuse se met à prendre beaucoup de poids (problème qu'elle évoque sans détour dans des interviews). Elle passe même pas loin du renvoi, mais reste soutenue par Brigitte Lefèvre.
Il lui faut donc quelques années pour régler ses problèmes et enfin grimper les échelons. Elle devient Coryphée en 2004 puis Sujet en 2005. À partir de là, elle est de plus en plus distribuée dans les ballets contemporains et obtient régulièrement des premiers rôles. Elle est presque la "doublure" de Marie-Agnès Gillot (quand l'Étoile a la première, Alice Renavand a la seconde représentation). La Servante dans La Maison de Bernarda de Mats Ek, l’Elue du Sacre du printemps de Pina Bausch, la Mort dans Le Jeune homme et la mort de Roland Petit, la princesse dans Kaguyahime de Jiří Kylián, Orphée dans Orphée et Eurydice de Pina Bausch... Elle marque de plus en plus par sa force artistique et sa personnalité. Alice Renavand fait vite partie des danseuses dont on se souvient, qui laissent leurs empreintes sur un rôle.
Promue Première danseuse en 2012, elle se lance aussi dans quelques seconds rôles classiques : une irrésistible demi-soeur dans Cendrillon ou la Maîtresse de Lescaut dans L’Histoire de Manon de Kenneth MacMillan. Mais est-elle capable de danser un premier rôle dans un grand ballet ? Très souvent distribuée dans le répertoire contemporain, elle n'a pas forcément eu beaucoup de chance de montrer ce dont elle était capable. En décembre 2012, c'est l'épreuve du feu : Kitri dans Don Quichotte de Rudolf Noureev. Et c'est réussi pour Alice Renavand. Si elle n'apparaît pas comme la nouvelle bombe technique, elle marque par sa personnalité et son mordant, et reste sûrement la meilleure Kitri de la série (certes, il n'y avait pas forcément beaucoup de concurrence, mais tout de même).
Après cette belle prise de rôle, nul doute que le titre d'Étoile allait vite arriver. Lors de la reprise de Kaguyahime, des rumeurs commencent déjà à courir, Alice Renavand récoltant la première. Puis non. Dès que les distributions du Parc d'Angelin Preljocaj tombent, l'idée repart : elle est la seule Première danseuse distribuée, avec une Étoile. Le bruit court que ce sera le 24 décembre, puis finalement que cela aura lieu un peu plus tôt, pour sa prise de rôle. La nomination arrivera donc le 20 décembre 2013.
Alice Renavand est une artiste à part, elle a d'énormes qualités. Mais si je reste vraiment honnête, cette nomination me laisse indécise. Car je n'aurais pas non plus crié au scandale si la danseuse n'avait jamais été nommée Étoile. Oui, c'est une véritable artiste. Mais a-t-elle ce truc exceptionnel, ces facilités techniques hors pair ? Pour moi, non. Et, toujours selon mon regard, ce sont des qualités indispensables pour être Étoile. Alors peut-être ai-je une vision trop élitiste du titre. Peut-être aussi que la classe des Premières danseuses et Premiers danseurs, pas vraiment passionnante ces dernières années, a changé l'échelle de valeurs. Pour ma part, Alice Renavand était une très belle Première danseuse. Une Étoile, une danseuse vraiment exceptionnelle, pas forcément.
Il est néanmoins difficile, malgré ces réserves, de ne pas se réjouir face à cette nomination, qui récompense une artiste comme il y en a peu à l'Opéra en ce moment. Elle montre aussi que ceux et celles qui ont des parcours un peu différents, une maturation artistique plus lente, des embûches particulières à surmonter, ont aussi leurs chances. Alice Renavand a devant elle dix belles années pour briller et élargir son répertoire. Bravo à elle !
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