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Batsheva Young Ensemble – Décalé et Sadeh21 toujours Gaga

La folie Gaga s’est refermée provisoirement au Théâtre de Chaillot. Après la compagnie mère, c’est la Batsheva Young Ensemble, cette troupe de jeunes danseuses et danseurs voulue par Ohad Naharin qui a pris possession des scènes des salles Firmin Gémier et Jean Vilar. La troupe a proposé deux reprises explosives : Décalé, version light de Decadance et Sadeh21, l’une des grandes réussites du chorégraphe israélien créé en 2011. Deux moments tout aussi exceptionnels de ce programme Tous Gaga.

Décalé de Ohan Naharin – Young Ensemble

Il ne faudrait pas croire que le Young Ensemble ait quoi que ce soit à envier à la Batsheva. Cette troupe déborde d’énergie, et tous ses interprètes sont des techniciens hors pair, virtuoses du style Gaga avec la volonté farouche de démontrer sur scène leurs qualités artistiques. Et quoi de mieux que cette nouvelle variation de Decadance pour exprimer leur talent. Cette pièce, qui vient d’ouvrir la saison du Ballet de l’Opéra de Paris, est un habile florilège de l’œuvre d’Ohad Naharin qui compose un récit cohérent en puisant dans les pièces qu’il a composées. L’enjeu était ici d’adapter Decadance pour un jeune public en livrant une version plus resserrée qui pourtant ne perd rien de sa force de frappe. On y retrouve ainsi ces séquences phares extraites de son répertoire. Les scènes de groupe sont toujours aussi puissantes déployant une gestuelle qui syncrétise une palette stylistique contrastée. Ohad Naharin peut tout aussi bien emprunter au langage classique que se risquer du côté du clubbing. On repère dans cette version les “tubes” de Decadance, comme l’invitation sur scène de partenaires choisis dans le public pour un cha-cha-cha débridé. Ce n’est pas forcément le plus grand moment du spectacle mais cet intermède participatif est toujours un grand succès.

Décalé s’achève en revanche sur l’une des plus belles séquences chorégraphiques d’Ohad Naharin extraite de Seder (2007), le Echad Mi Yodea, cette comptine chantée lors de la Pâque juive. Les 18 danseuses et danseurs du Young Ensemble en costume noir et chemise blanche assis sur des chaises assemblées en arc de cercle entonnent ce chant d’espoir, s’arc-boutant un à un comme lors d’une holà avant de se rassoir. Sauf le dernier qui inéluctablement chute. Il y a là toute la force du groupe décuplée par la répétition du chant jusqu’à l’épuisement.

Sadeh21 de Ohan Naharin – Young Ensemble

C’est là une obsession d’Ohad Naharin qui traverse toutes ses créations : ce rapport entre le groupe et l’individu, la confrontation entre le collectif et le singulier. Ces préoccupations inondent Sadeh21, pièce de 2011 reprise par le Young Ensemble avec la collaboration des danseuses et des danseurs de la première qui avaient activement participé au processus de création. Dans un répertoire fort d’une trentaine de chorégraphies, Sadeh21 fait figure de chef-d’œuvre. Ohad Naharin y déploie toute la grammaire de son écriture depuis le mouvement le plus simple jusqu’aux combinaisons les plus complexes en alternant de long moments de lenteurs suivis de danse à très grande vitesse. C’est une des pièces les plus virtuoses d’Ohad Naharin qui débute par une série de solos où chaque danseuse et chaque danseur se met à nu, prend tous les risques pour une improvisation très contrôlée. Le chorégraphe imagine toutes sortes de compositions qui jouent avec nos émotions. L’une des scènes les plus fortes alignent huit danseurs dans une série de mouvements synchronisés alors qu’une danseuse allongée au sol s’enferme dans des tremblements épileptiques. Jusqu’au final où toute la troupe grimpe derrière le tableau de fond de scène pour inéluctablement chuter comme une métaphore de l’éternel retour alors que défile le générique du spectacle. Après cette ultime séquence, les artistes ne reviendront pas saluer malgré l’insistance du public dans une volonté du chorégraphe de nous laisser repartir dans cet état de tension extrême.

Sadeh21 de Ohan Naharin – Young Ensemble

 

Décalé et Sadeh21 de Ohad Naharin par la Batsheva Young Ensemble au Théâtre de Chaillot. Avec Chen Agron, Gil Amishai, César Brodermann, Ariel Gelbart, Londiwe Khoza, Béatrice Larrivée, Shir Levy, Federico Longo, Ohad Mazor, Robin Lesley Nimanong, Tom Nissim, Igor Ptashenchuk, Tamar Rosenzveig, Lihi Shochatovitch, Nicolas Ventura, Shaked Werner, Reches Itzhaki et Avigail Shafrir. Décalé, samedi 20 octobre 2018 ;  Sadeh21, jeudi 25 octobre 2018. Suite de la tournée en France avec Last Work par la Bathseva et Decadance à la Mac Créteil.

 

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