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Wahada d’Abou Lagraa – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Pour son premier spectacle de la saison “à la maison”, le Ballet du Grand Théâtre de Genève a fait appel à Abou Lagraa pour une création. Un choix dans la continuité de la ligne artistique de la compagnie, qui aime que ses 22 danseurs et danseuses se frottent à des styles et des façons de danser différentes. D’autant plus qu’Abou Lagraa a été l’élève de Philippe Cohen, le directeur de la troupe suisse, quand ce dernier dirigeait les classes de danse du CNSMDSL. Pour cette première création pour le Ballet de Genève, Abou Lagraa a eu droit à la sublime Messe en ut mineur de Mozart. Sachant ne pas se faire écraser par la musique, le chorégraphe a proposé une belle partition chorégraphiques à ses interprètes, sachant utiliser leur virtuosité comme leur singularité – la troupe est d’ailleurs plus un groupe de solistes qu’un corps de ballet. L’oeuvre reste toutefois déséquilibrée, avec une deuxième partie sur l’eau qui a du mal à trouver un sens en scène.

Wahada d’Abou Lagraa – Ballet du Grand Théâtre de Genève

Toute sa vie, Mozart a composé sur commande. Seule exception : sa Messe en ut mineur, née d’une promesse faite à Dieu de composer une grande oeuvre si sa future femme Constance retrouvait la santé. Ce fut chose faite et la partition resta inachevée, même si elle reste un monument de la musique. Abou Lagraa s’est inspirée de l’histoire de la partition pour son titre, Wahada, qui signifie la Promesse. Mais il n’est cependant pas tombé dans un procédé narratif. Son idée restait ce qui est la base de la danse : s‘inspirer de la musique pour mettre des corps en mouvement. “Je voulais comme injecter la musique dans le corps des danseurs et danseuses“, explique ainsi le chorégraphe. “Je ne voulais pas être à contre-temps de la partition, à côté, mais me servir de la musique“.

De fait, celle-ci pourrait être écrasante. Abou Lagraa a évité ce piège en proposant une chorégraphie efficace, dans un format qui n’a rien de neuf – mélange de moments de groupe, solos, duos et trios – mais intelligemment mené et sachant avec justesse mettre la belle qualité des interprètes en avant. “Ce sont des interprètes tellement différents, mais aussi tellement ensemble“, raconte le chorégraphe. C’est une belle façon de décrire le Ballet du Grand Théâtre de Genève, composé de 22 interprètes venus d’une formation académique mais habitués à toucher à beaucoup de choses dans la danse. La chorégraphie se sert de leur malléabilité en allant du contemporain à quelque chose de plus néo-classique dans les pas de deux, tout en proposant quelques touches venues du hip hop dans des mouvements plus saccadés. Si les duos sont un peu trop gymniques – difficile aussi de ne pas résister à la virtuosité des danseurs et danseuses – les moments de groupe se mêlent avec justesse à la musique, sachant se servir de la force de la partition tout en ne rendant pas la danse simplement figurative,  en sachant la faire exister pour elle-même et la charger d’intentions.

Wahada d’Abou Lagraa – Ballet du Grand Théâtre de Genève

La deuxième partie part dans une autre direction sans retrouver cette osmose entre le geste et la musique. Le décor – composé d’un mur comme une virgule, cachait en fait un bassin d’eau, où les danseurs et danseuses passent et repassent entre deux passages plus chorégraphiques. L’idée était de les faire sortir de leur zone de confort. “J’aime me servir du langage des interprètes“, raconte Abou Lagraa. “Ceux du Ballet de Genève ont cette tenue classique d’un corps dans l’élévation. Mais je voulais plus de lâcher-prise et travailler sur leur fragilité“. D’où est venue l’idée de l’eau : “quand on est sur l’eau, en tant que danseur, on est obligé de lâcher prise, parce qu’on glisse et qu’on ne peut plus tenir au sol. Et puis cette eau, c’est un peu un accouchement“. Le travail de création pour cette partie a aussi été différent, avec des propositions des danseurs et danseuses mises dans une situation d’acteur. Mais le résultat en scène désappointe. L’on y cherche un sens qui apparaît bien obscur, les mouvements sont encore trop hésitants. On sent qu’en effet les interprètes ne sont pas dans leur zone de confort, mais cela perturbe plus qu’autre chose leurs intentions. Et le lien avec la musique, si joliment présent dans la première partie, est perdu. Un spectacle qui a donc du mal, sans sa globalité, à trouver un équilibre, mais qui marque plutôt une belle rencontre entre Abou Lagraa et la compagnie suisse. Le chorégraphe en a d’ailleurs gagné l’envie de se confronter un peu plus à ces grandes partitions, tout comme le désir de travailler à l’année avec un ballet. Affaire à suivre. 

Wahada d’Abou Lagraa – Ballet du Grand Théâtre de Genève

 

Wahada d’Abou Lagraa par le Ballet du Grand Théâtre de Genève à l’Opéra des Nations. Mardi 27 novembre 2018. À voir jusqu’au 2 décembre

 

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