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Kiss and Cry de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael – Danses avec les doigts !

Cinq ans après sa première visite parisienne, Kiss and Cry est revenu pour un nouveau tour de piste dans le Théâtre flambant neuf La Scala à Paris. La chorégraphe Michèle Anne de Mey et le metteur en scène Jaco Van Dormael ont parcouru bien du chemin depuis la création en 2011 : plus de 300 représentations en 9 langues dans une vingtaine de pays et 180.000 spectateurs et spectatrices au rendez-vous. Une performance rare dans le spectacle vivant à la mesure de l’originalité d’un projet artistique non identifié. Car c’est bien la première difficulté lorsque l’on tente un peu bêtement de vouloir ranger dans une case Kiss and Cry. Il est toujours réconfortant de savoir ce que l’on va voir sur scène : théâtre, danse, cinéma, performance. Mais Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael ont défié toute tentative de formatage en créant leur propre forme, nous invitant à “entrer dans le nanomonde, regarder la matière à très petite échelle, comparer l’exploration de l’infiniment petit à celle de l’infiniment grand… “. 

Kiss an Cry

Sur le plateau, un écran géant en fond se scène, un train électrique miniature à l’avant, des ordinateurs portables au milieu et de part et d’autre à jardin et cour, un fatras d’objets dont on ne discerne pas grand chose. Les acteurs du spectacle tout de noir vêtus sont déjà sur scène, devisent alors que la salle se remplit. La scénographie interroge mais ne donne pas vraiment de clefs pour anticiper ce qui va se passer. Puis tout s’agite et sur l’écran apparaît en grand format un monde miniature animé où les personnages sont les mains qui se déplacent, marchent, dansent, dorment parfois.

Ainsi cohabitent sur scène ces deux mondes. La force de Kiss and Cry, c’est précisément de ne rien cacher mais d’ajouter de la profondeur de champ en nous dévoilant tous les trucs et les ficelles. Au cinéma, ce serait catastrophique pour la crédibilité des acteurs et actrices. Mais quand ces derniers sont des index et des annulaires, il est à l’inverse indispensable de tout montrer : des doigts nus qui n’essaient qu’à peine de ressembler à des personnages peineraient à assurer seuls le show d’une heure et quart. Mais ces doigts qui dansent font constamment appel à notre imagination et à notre capacité de voir au delà du réel. Il y a un scénario dans Kiss And Cry  mais il est mince : où vont les gens quand ils disparaissent de notre vie et de notre mémoire, s’interroge une femme seule, petit objet miniature, assise sur un quai de gare et revivant les cinq amours de sa vie. Et c’est une voix-off masculine qui raconte l’histoire.

Kiss and Cry

La technique virtuose des interprètes, des cameramen, des techniciens de la lumière est finalement le clou du spectacle, ce voyage de va-et-vient auquel est invité le public perpétuellement déchiré entre regarder l’écran et scruter comment cette image est en train de se construire par cette équipe affairée en permanence et qui réalise à son corps défendant une autre chorégraphie, se déplaçant avec une précision confondante dans ce bric-à-brac qui encombre la scène. On scrute, on cogite pour reconstituer le puzzle proposé par la double focalisation.   

Riche idée du théâtre La Scala Paris de faire revenir Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael. Trois mois seulement après son inauguration, le lieu pâtit encore d’un manque de notoriété et ne fait pas tout à fait le plein, amenant la direction à réduire quelque peu la voilure. Le spectacle en solo de Michèle Anne de Mey Amor a ainsi été reporté à la saison prochaine. Mais Cold Blood qui reprend cet univers filmé de la nanodanse sera à l’affiche en janvier.

Chronique écrite avec la participation de Sophie Rincheval.

Kiss and Cry

 

Kiss and Cry de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael au Théâtre La Scala Paris. Interprété et réalisé par Jaco Van Dormael, Harry Cleven, Michèle Anne De Mey, Frauke Mariën, Grégory Grosjean, Denis Robert, Julien Lambert, Philippe Guilbert, Aurélie Leporcq, Juliette Van Dormael, Nicolas Olivier, Thomas Dobruszkès, Stéfano Serra, Ivan Fox, Gabriella Lacono, Florencia Demestri, Boris Cekevda et Benjamin Dandoy. Jeudi 20 décembre 2018. À voir jusqu’au 31 décembre. Le spectacle Cold Blood à voir du 10 au 26 janvier.

 

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