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Le L.A. Project Dance – Programme “All Millepied”

Le L.A. Dance Project, la compagnie dirigée par Benjamin Millepied, est de retour comme il est désormais de tradition chaque saison au Théâtre des Champs Elysées, pour quatre soirées dans le cadre de la saison Transcendanses. Changement de cap pour ce millésime 2019 avec un programme entièrement réalisé par le chorégraphe français et éphémère Directeur de la Danse de l’Opéra de Paris. Trois pièces se partagent l’affiche. D’abord Homeward et Orpheus Highway, dont les partitions sont exécutées par  un quatuor à cordes avec un travail plastique superbe. En seconde partie, Benjamin Millepied présente en première mondiale Bach Studies (Part2) qui prolonge le travail que l’on avait pu voir l’an dernier. Le chorégraphe va là sur des terrains qu’il n’avait pas encore explorés. Mais cette prise de risque n’est pas toujours récompensée.

Orpheus Highway de  Benjamin Millepied – David Adrian Freeland Jr.

Il y a un vrai phénomène Millepied. Encore inconnu il y a dix ans hors d’une petite sphère de balletomanes, il est aujourd’hui l’un des rares chorégraphes français bankable et connu du grand public. Le film Black Swan dont il a dirigé la chorégraphie et épousé la vedette Natalie Portman, son passage éclair mais remarqué à l’Opéra de Paris, les invitations répétées de Brigitte Lefèvre à chorégraphier pour la compagnie ont fait de l’ancien Principal du New York City Ballet une figure populaire. Il y a tout lieu de s’en réjouir : peu de chorégraphes ont en effet les faveurs des grands médias audiovisuels. Benjamin Millepied est de ceux là et il parvient ainsi a remplir quatre soirées de suite le Théâtre des Champs-Élysées quand d’autres programmes passionnants doivent se contenter de jauges plus modestes. Aujourd’hui libéré de ses rêves de grandes compagnies – il vient d’annoncer qu’il ne serait pas candidat au poste de directeur artistique du NYCB, toujours en période intérimaire – il a trouvé un fonctionnement qui lui va parfaitement. Entre Los Angeles et le mécénat dont il est le récipiendaire à Arles,  Benjamin Millepied se concentre aujourd’hui sur ses désir créatifs qui vont bien au-delà  du ballet et de la danse. Musicien averti, amateur d’art éclairé, il sait concevoir des pièces où dialoguent plusieurs expressions.

Et c’est ce qui lie Homeward et Orpheus Highway, les premières oeuvres du programme :  l’appel à des plasticiens ou des vidéastes afin de créer des œuvres originales et de très belle facture. C’est James Buckouse, artiste en résidence au L.A. Dance Project qui a étroitement collaboré pour cette première pièce en noir et blanc. Trois couples sur scène, un quatuor à cordes dans la fosse surélevée interprétant la partition de Bryce Dessner et sur grand écran des tableaux abstraits en noir et blanc qui font écho aux costumes réalisés par James Buckhouse. Voilà une pièce courte, enlevée et qui fait encore appel à la fibre néo-classique dont Benjamin Millepied est aussi l’héritier : tours, sauts, arabesques, rondes. Le vocabulaire n’a pas de quoi surprendre mais l’effet est splendide. La vidéo n’écrase pas les danseuses et les danseurs mais les sert durant ces dix minutes.

Orpheus Highway de Benjamin Millepiec – David Adrian Freeland Jr et Rachelle Rafailedes

Après un intermède purement musical avec le somptueux John’s Book of Alleged Dances de John Adams, retour gagnant de la danse pour la pièce la plus enthousiasmante du programme. Orpheus Highway sur la partition de Steve Reich, est une vision urbaine revisitée du mythe d’Orphée et Eurydice. Là encore, Benjamin Millepied fait appel à la vidéo qu’il a lui-même dirigée et qui cette fois conduit un propos narratif : une route, un couple, des courses à travers des friches urbaines alors que les neuf danseuses et danseurs apparaissent en ombre chinoise. C’est un quart d’heure virevoltant durant lequel en permanence, l’histoire s’écrit sur scène et sur l’écran. Parfois synchrone, parfois en décalage, toujours avec une grande justesse de rythme. David Adrian Freeland Jr. incarne Orphée avec un charisme qui envahit la scène, danseur majuscule et partenaire attentif pour Rafaelle Rafaitedes. On sait l’admiration que voue Benjamin Millepied à Jerome Robbins avec lequel il a beaucoup travaillé et Orpheus Highway, sans jamais le citer, est un Glass Pieces Reloaded où Los Angeles se serait substitué à New York.

Après l’entracte, on change de registre avec la création Bach Studies (Part2) qui reprend le dispositif inauguré dans sa première partie : un violoniste sur scène, Eric Crambes, pour interpréter la Partita pour violon N°2 et la Chaconne de Bach. Pas de scénographie mais un plateau à nu avec douze chaises pour les danseuses et les danseurs de la compagnie, en rond, alignées ou face-à-face pour une série de solos, de duos et d’ensembles. Benjamin Millepied a mis de côté son savoir-faire en matière de ballet pour se lancer dans un geste chorégraphique contemporain. Le résultat est problématique. Il y a des moments réussis, en particulier les duos femme-femme ou homme-homme portés par des artistes de grand talent qui déploient sur scène une belle énergie. Mais on assiste davantage à un travail de recherche qu’à une pièce totalement aboutie. Il y a ainsi en particulier un pas de quatre entre danseurs qui s’annonce prometteur, mais qui est trop vite abandonné. Survient ensuite une rupture stylistique où la compagnie revient en robes ou chasubles noir et blanc  sur la musique enregistrée de David Lang, entamant une sorte de danse macabre assez détonante. 54 minutes, c’est long et il manque  un peu de matériau chorégraphique  pour faire de Bach Studies une pièce convaincante. Mais elle signe l’intégrité artistique de Benjamin Millepied, toujours en recherche, toujours de l’avant pour trouver du nouveau. 

Bach Studies (Part 2) de Benjamin Millepied

       

Programme Benjamin Millepied par le L.A. Dance Project au Théâtre des Champs-Élysées. Homeward, Orpheus Highway et Bach Studies (Part 2), avec Doug Baum, Anthony Bryant, Mario Gonzalez, Madison Hicks, Daisy Jacobson, Patricia Zhou, Rachelle Rafaitedes, David Adrian Freeland Jr, Aaron Caar, Nathan Makolandra, Gianna Reisen et Janie Taylor. Mardi 29 janvier 2019. À voir jusqu’au 1er février. 

 

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