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[Suresnes Cités danse 2019 ] Rencontres hip hop – Anthony Égéa / Junior Bosila / Mickaël Le Mer

Parmi les rendez-vous enthousiasmants de la 27e éditon de Suresnes Cités Danse qui s’est achevée le 3 février, cette programmation Rencontres hip hop a rassemblé un trio de chorégraphes, Anthony Égéa, Junior Bosila et Mickaël le Mer, tous trois habitués du festival. Une manière de mettre en lumière un travail exigeant qui questionne trois formes chorégraphiques : le solo, le duo et la pièce pour plusieurs interprètes. Trois expressions d’un hip hop entreprenant les femmes tirent leurs épingles du jeu autant que les hommes !

Soli2 – Anthony Égéa (photo de répétitions)

En plus de présenter sa dernière création Muses, Anthony Égéa a été convié par Olivier Meyer, directeur artistique du festival, à reprendre sa pièce emblématique Soli2, créée en 2005 par la danseuse Émilie Sudre. Pour cette reprise, le chorégraphe a choisi de donner les clefs à Émilie Schram, autre interprète avec laquelle il chemine depuis quelque temps. Rude mission que de se glisser dans les traces de la première Émilie dont l’interprétation audacieuse a imprégné les mémoires. Il est vrai qu’il y a quatorze ans, cette irruption de la féminité sur une scène hip hop très masculine ne s’était pas faite sans fracas.

Ce solo n’a rien perdu de sa force, bien au contraire. Après avoir tourné autour d’un rectangle, évoquant un tatami, avec une démarche aussi empreinte d’arrogance qu’un toréador dans l’arène, la danseuse plonge au sol. Et enchaîne des figures de hip hop avec une technique éblouissante. Pas de démonstration, plutôt une épure toute féline. Cinglant l’air de ses pieds chaussés de hauts talons, elle transforme cette gestuelle, lui donne une élégance inédite. Sa robe moulante qui découvre ses cuisses n’est pas un obstacle à ses déplacements. Elle est le symbole de son émancipation, surtout quand à force de mouvements, elle recouvre soudain son corps comme un voile. Rien n’est gagné, semble-t-elle nous hurler, dans cette lutte contre les préjugés.

Mais cette guerrière a plus de cordes à son arc. La voilà, de dos, à moitié nue qui continue de danser avec une pudeur captivante. Pour tout ce qu’il véhicule, ce solo est un formidable hymne à la liberté. Emilie Schram s’en empare avec la même fougue que sa prédécesseuse. Qu’elle soit remerciée de faire vivre cette pièce dont plein de jeunes danseuses devraient s’emparer.

Addiction – Junior Bosila

Honneur aux femmes avec la présence dans la deuxième pièce de la soirée, de la danseuse grecque Kalliopi Tarasidou. Avec elle, Junior Bosila a assurément trouvé une interprète à sa mesure. Première création personnelle du B-Boy, Addiction parle de pertes de contrôle et de volonté de repousser les limites de la performance à laquelle tous deux sont accros. En effet, les deux interprètes se rejoignent dans un hip hop nourri d’une profonde virtuosité : lui dans des figures de breakdance incroyables dont il a le secret, elle dans cette précision incroyable du mouvement. Le duo fonctionne à merveille sur une musique assez intrigante. A mi-chemin entre la compétition et la complicité créatrice, leurs capacités physiques conjuguées leur permettent d’écrire une partition périlleuse.

Pour clore ces Rencontres hip hop, Crossover est une pièce pour huit danseurs qui remonte à 2017. Mickaël Le Mer rassemble tout le monde sur le plateau conçu comme un terrain d’expérimentation. Objectif : prendre appui sur les techniques de danse hip hop en multipliant les interactions. Tous traversent la scène, se mêlent aux autres, se croisent pour créer de l’inédit. On se frôle en marchant à côté de l’autre. On ralentit le pas pour regarder l’autre dans les yeux, pour engager le dialogue. Chaque interprète déploie sa propre appropriation du mouvement, ce qui aboutit à une galerie de portraits assez singulière.

Mickaël Le Mer n’a pas seulement ôté leurs baskets à ses danseurs de hip hop. Il les a débarrassés de cette quête de performance à tout prix. Au profit de l’émergence d’une sensibilité, d’une poésie. Dépasser le spectaculaire pour aboutir à une intériorité plus féconde et peut-être plus touchante.

Crossover – Mickaël Le Mer

 

Rencontres hip hop au Théâtre de Suresnes Jean Vilar dans le cadre de Suresnes Cités Danse. Soli 2 d’Anthony Égéa avec Émilie Schram. Addiction de Junior Bosila avec Kalliopi Tarasidou. Crossover de Mickaël Le Mer avec Thomas Badreau, Brandon Petersen, Dylan Gangnant, Maxime Cozic, Dara You, Wilfried Ebongue, Rémi Autechaud et Giovanni Léocadie. Dimanche 27 janvier 2019. 

 

Commentaires (1)

  • Merci pour ce très bel article !

    Madi, Administratrice – Compagnie S’Poart

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