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The Great Tamer – Le choc esthétique de Dimitris Papaioannou

En juillet 2107, Dimitris Papaioannou enflammait le Festival d’Avignon avec The Great Tamer, spectacle d’une beauté fracassante créé quelques semaines auparavant à Athènes et qui poursuit depuis une vaste tournée internationale. Partout, le travail du chorégraphe grec rencontre un succès immense à la mesure des qualités artistiques d’une œuvre singulière. Dimitris Papaioannou met à nu littéralement le corps des danseuses et des artistes pour un voyage à travers les mythes de l’humanité confrontée à des émotions multiples et contraires. Spectacle métaphysique et choc esthétique qui saisit littéralement par sa singularité et son ambition et qui se déploie telle une longue métaphore du temps et de la mort.

The Great Tamer – Dimitris Papaioannou

Étudiant à l’école des Beaux-Arts d’Athènes, auteur de bandes dessinées, Dimitris Papaioannou a transféré son univers sur la scène en s’initiant très tôt à la danse contemporaine. Il créé son premier spectacle en 1986 et n’a cessé depuis de proposer des formes originales faisant surgir des images sophistiquées. The Great Tamer – que l’on pourrait traduire par “Le Grand Dompteur” – embarque le public dans un voyage onirique et loufoque. Sur scène, le plateau en plan incliné est composé de plaques couleur ardoise étalées et superposées sur toute la surface. Un homme en costume noir de profil regarde vers la salle. Cette entrée en matière induit d’emblée une forme d’étrangeté qui ne cesse de se déployer tout au long du spectacle, qui débute sur une représentation de la mort éternelle ou de l’éternelle résurrection. Ces plaques, les danseuses et les danseurs les manipulent, les déplacent, les cassent au besoin pour avoir accès à des trappes qui s’ouvrent à un monde souterrain. De ces entrailles de la terre peuvent surgir des têtes, un bras, une tête, tout un univers corporel désarticulé qui nourrit le travail de Dimitris Papaioannou. Trois corps ainsi n’en font plus qu’un et se déplacent comme un seul tel un animal mythologique. Ou un cosmonaute entre subitement, marchant en apesanteur sur la musique ralentie à l’extrême de la valse viennoise Le Beau Danube Bleu de Johann Strauss.

Tout est référence chez Dimitris Papaioannou sans qu’il soit nécessaire pourtant de les deviner ou de se les remémorer pour goûter les métaphores. On repère là un clin d’œil au film de Stanley Kubrick 2001, L’Odyssée de l’Espace. Les corps sont en permanence exposés, nus ou torturés. Là, on reconnait La Naissance de Vénus de Botticelli détournée où Vénus est un homme, plus tard de La Leçon d’Anatomie de Rembrandt qui se terminera dans un Bacchanale anthropophage. Plus tard, des dizaines de flèches lancées sur le plateau deviennent un champ de blé à labourer.

The Great Tamer – Dimitris Papaioannou

Dimitris Papaioannou exige beaucoup des dix danseuses et danseurs de The Great Tamer qui démontrent une virtuosité de mouvement phénoménale et ne nous laissent jamais reprendre souffle. Aucun temps mort, aucun ventre mou dans ce spectacle tout à la fois énigmatique, ésotérique parfois et pourtant lumineux. Chaque tableau offre de quoi projeter nos souvenirs et nos angoisses.

Il aura fallut du temps pour découvrir enfin l’art majuscule de Dimitris Papaioannou : le Théâtre de la Ville le faisait venir pour la première fois en France en 2015 avec Still Life. Il faisait une entrée en majesté au Festival d’Avignon en 2017. Il est aujourd’hui le premier chorégraphe invité par le Tanztheater Wuppertal, la compagnie de Pina Bausch. Et il y a comme une évidence de filiation plus que d’influence dans le travail de Dimitris Papaioannou qui est aujourd’hui la figure majeure de l’art de la danse-théâtre. Il en propose une déclinaison très métaphysique et existentielle. Mais on n’est pas Grec pour rien !   

The Great Tamer – Dimitris Papaioannou

 

The Great Tamer de Dimitris Papaioannou au Théâtre des Louvrais de Pontoise. Avec Pavlina Andriopoulou, Costas Chrysafidis, Dimitris Kitsos, Ioannis Michos, Evangelia Randou, Kalliopi Simou, Drossos Skotis, Christos Strinopoulos, Yorgos Tsiantoulas et Alex Vangelis. Samedi 23 février 2019. 

 

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