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Tout doit disparaître – La folie Philippe Decouflé envahit le Théâtre de Chaillot

Philippe Decouflé et sa troupe ont investi – et on devrait plutôt dire envahi ! – le Théâtre de Chaillot tout entier avec un show titanesque, qui a pris pour nom la devise d’une grande braderie : Tout doit disparaître. C’est à la fois un florilège des spectacles du chorégraphe français depuis 35 ans et un carnaval géant, où les créatures de Philippe Decouflé prennent le public littéralement par le bras pour le guider dans ce dédale festif. Un show immersif qui dure de 4 à 5 heures, durant lesquelles explose la créativité infinie de Philippe Decouflé.

Tout doit disparaître de Philippe Decouflé

Le nom du spectacle est trompeur. L’on pourrait croire à une sorte de grande braderie quand Philipe Decouflé ouvre plutôt une malle aux trésors qui vous happe dès l’entrée en haut du grand escalier de Chaillot. Car rien n’a échappé à la compagnie, pas le moindre recoin du théâtre. Le spectacle est partout : au grand Foyer, dans les couloirs et les escaliers, dans le vieil escalator même – le plus beau de Paris – dans les studios de répétitions et bien sûr dans les deux salles de théâtre. Du coup, un vertige vous saisit ! Où aller ? Que voir et comment ne rien rater ? On vous propose bien si vous les souhaitez une visite guidée. Mais si vous n’avez pas l’instinct grégaire, il suffit alors de se laisser aller et de déambuler au gré de votre humeur. On croise forcément des machines improbables qui déforment, étirent, renversent le corps ou le visage, une radio éphémère pour donner des nouvelles ou revenir sur l’aventure de Philippe Decouflé, des films aussi pour revivre d’anciens spectacles.

Le Studio Béjart est aussi un parfait point d’entrée. Dans ce lieu intime où des chaises ont été installées, artistes, danseurs et danseuses, acrobates se succèdent pour livrer de petits clips piochés au hasard dans les spectacles de la compagnie. Dans la Salle Gémier, les spectacles se succèdent non-stop, re-visitant la fibre circassienne de Philippe Decouflé. Il fut en effet l’un des tout premiers a inclure dans ses spectacles des acrobates, des funambules et de drôles de clowns. Et dans la grande salle Jean Vilar, pas moins de deux spectacles d’une heure sont proposés au public. L’un est un condensé de Shazam créé en 1998 et qui constitue un pivot dans l’oeuvre de Philippe Decouflé. Le second se décline comme un pot-pourri qui explore tout le répertoire depuis les origines. Il commence par Tranche de Cake, bricolé en 1984 avec des bouts de ficelles et beaucoup d’imagination. De ce spectacle ne subsiste aucune vidéo, à peine quelques vieilles photos. Mais il est ancré dans le corps de celles et ceux qui l’ont créé. Dominique Boivin, Pascale Henrot, Sylvie Giron et Benjamin Lamarche ont ainsi reconstitué cette ligue dissoute pour se souvenir de ce moment-là, avant la gloire, quand il fallait récupérer du matériel pour créer les costumes comme ces gélules et suppositoire géants, conçus pour des pubs de pharmacie et re-découpés pour habiller la troupe. Toute la créativité de Philippe Decouflé est là, un sens fabuleux de l’artisanat et du détournement

Tout doit disparaître de Philippe Decouflé

Vient évidemment février 1992 et les Jeux Olympiques d’hiver d’Albertville. Philippe Decouflé y avait signé la mise en scène et les chorégraphies des cérémonies d’ouverture et de fermeture. Finies les parades d’inspiration soviétique et les défilés ennuyeux. Il avait dynamité le genre  en mondiovision et obtenu instantanément une reconnaissance internationale, qui lui permettra de poursuivre son parcours sur une autre échelle. Sur cette route émerge une esthétique singulière mêlant danse contemporaine, arts du cirque et une utilisation virtuose de l’image et de la vidéo dont il fut un pionnier, une recherche de spectacle total où la musique en direct est toujours là. Certains spectacles phares jalonnent ce long parcours : Triton en 1990 qui fait la part belle au cirque, Decodex en 1995, Octopus en 2010 qui restent dans nos mémoires.

Chez tout autre que Philippe Découflé, un tel projet qui a sollicité plus d’une centaine de personnes, artistes et techniciens, aurait paru mégalomaniaque. Il n’en est rien. Avec Tout doit disparaitre, le chorégraphe semble plutôt faire un sort à la notion de répertoire et revenir  sur son oeuvre  comme un mouvement perpétuel. Cette plongée s’accompagne évidemment d’une forme de nostalgie. L’art de Philippe Decouflé prend racine dans les années 1980 et distille une forme de légèreté pop et acidulée, débordante d’inventivité et infiniment poétique. Cette loufoquerie de génie transcende le temps et reste d’actualité. Tout doit continuer !

DALP profite de cette chronique pour remercier chaleureusement Catherine Papeguay, attachée de presse en or du Théâtre de Chaillot, partie à la retraite à l’issue de ce spectacle. Elle fut l’une des premières à faire confiance à DALP, dès 2011 et alors que nous n’étions qu’un petit blog, en nous accréditant et en nous ouvrant les portes du Théâtre. Un grand merci à elle pour son soutien et sa gentillesse ! 

Tout doit disparaître de Philippe Decouflé

 

Tout doit disparaitre de Philippe Decouflé par Compagnie DCA au Théâtre de Chaillot. Avec Alexandra Naudet, Alice Roland, Aurélien Oudot, Benjamin Lamarche, Clémence Galliard, Christine Bombal, Christophe Waksmann, Coralie Corredor, Daphné Waksmann-Mauger, David Defever, Didier André, Dominique Boivin, Eric Houzelot, Eric Martin, Flavien Bernezet, Herman Diephuis, Julien Ferranti, Lisa Robert, Ludovic Gauthier, Manon Andersen, Matthieu Penchinat, Maxime Rigobert, Meritxell Checa Esteban, Michèle Prélonge, Muriel Corbel, Nancy Rusek, Nathalie Hauwelle, Olivier Simola, Pascale Henrot, Pascale Houbin, Philippe Decouflé, Rosalba Torres, Sean Patrick Mombruno, Sophie Cornille, Stéphane Chivot, Stéphanie Petit, Suzanne Soler, Sylvie Giron, Véronique Defranoux. Vendredi 27 septembre 2019. À voir jusqu’au 6 octobre.




 

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