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D’Isadora Duncan aux chants médiévaux : François Chaignaud, artiste polymorphe sur tous les fronts

Artiste singulier, François Chaignaud sait tout faire ou presque et très bien : danseur hors-pair, chorégraphe mais aussi chanteur couvrant plusieurs  tessitures. Il présente ainsi avec Marie-Pierre Brébant les chants d’Hildegarde de Bingen, compositrice et personnalité mystique du XIIe siècle, intitulés Symphonia Harmoniæ Cælestium Revelationum, expérience immersive dans un univers artistique médiéval. Il poursuit en même temps la tournée en province et à l’étranger  de  son sublime opéra-ballet Romances Inciertos qui repassera notamment par Paris au 104 en avril. Et il parvint à glisser dans son agenda surchargé une reprise bienvenue de son solo consacré à Isadora Duncan, dans le cadre du programme Danser dans les Nymphéas au Musée de l’Orangerie, moment d’intense émotion. 

François Chaignaud et Marie-Pierre Brébant – Symphoniae Harmoniae

L’appétit de François Chaignaud est insatiable. Il ne saurait se contenter d’être seulement danseur et chorégraphe, ce qui serait déjà fort bien. Il est passionné par l’histoire de la danse dans tous ses aspects et par le chant, toujours présent dans ses spectacles. Mais l‘expérience qu’il mène avec Marie-Pierre Brébant est unique et relève de la performance. Les deux artistes se sont plongés dans les chants d’Hildegarde de Bingen, personnalité étonnante et détonnante, à la fois religieuse, botaniste, médecin et musicienne exceptionnelle. Elle composa au XIIe siècle, vers 1150, cette Symphoniæ, chants liturgiques qui parlent davantage de la nature, d’émotions amoureuses ou d’énergie vitale que de principes religieux.

Marie-Pierre Brébant et François Chaignaud se sont lancés à aux-mêmes un défi titanesque : interpréter la totalité de ces chants, soit 2h30 de musique par coeur et sans l’aide d’une partition, pour créer un spectacle inouï qui ne ressemble à rien de connu. Il chante, elle l’accompagne à la bandura, un luth d’origine ukrainienne. Dans l’espace de la salle Christian Bourgeois de la MC93, ils nous attendent, assis serrés l’un contre l’autre comme deux jumeaux. Au centre, un curieux objet, massif, avec des voutes comme une évocation médiévale sur lequel ils prennent place. Tout autour, des sièges bas inclinés pour se lover durant 2h30, se laisser pénétrer petit à petit par cette musique qui évoque par moment le chant grégorien. Il faut accepter de se laisser porter par ces mélodies avec la voix de François Chaignaud et le luth de Marie-Pierre Brébant, ne pas hésiter parfois à se plonger dans une écoute flottante propre à la méditation. Il y a une récompense émotionnelle unique au bout du parcours.

François Chaignaud – Danse  dans les Nymphéas

Si la chant est au centre de ce spectacle, la danse reprend tous ses droits dans le récital chorégraphique de François Chaignaud au Musée de l’Orangerie. Isabelle Danto, qui dirige ce superbe programme Danse dans les Nymphéas, a eu la belle idée de le réinviter alors que l’an dernier, les représentations avaient été perturbées par une alarme incendie intempestive. Et ce court programme de 30 minutes est un trésor. François Chaignaud a conçu un solo bâti autour des chorégraphies d’Isadora Duncan qui lui ont été transmises par la danseuse Elisabeth Schwartz. Il surgit dans la seconde salle avec un panneau des Nymphéas comme rideau de scène éphémère, ne portant qu’un cache-sexe pour une Danse des Furies sur la musique de Gluck. Cheveux longs et défaits, il  lance une prière aux cieux où le geste se fait incantatoire.

Accompagné au piano par Adriano Spampanato, François Chaignaud  revient en tunique transparente pour la suite de ce récital dominé par la musique romantique de Chopin et Brahms. Il semble tout à coup faire revivre devant nous Isadora Duncan dans une danse expressionniste qui sied si bien au Nymphéas de Monet ! Le geste est libre,  composé mais précis, le corps comme délivré de ses contraintes, alternant longues spirales et courses effrénées dans une  musicalité sans failles comme l’exige ce répertoire de la pionnière de la danse moderne. Il clôt son récital avec Narcisse sur une valse de Chopin. C’est un moment suspendu, enivrant, indispensable.

 

Symphonia Harmoniaæ d’Hildegarde de Bingen avec Marie-Pierre Brébant et François Chaignaud à la MC93. Samedi 16 novembre 2019. À voir en tournée en France jusqu’en mars 2020.

Danse dans les Nymphéas : récital chorégraphique de François Chaignaud et Adriano Spampanato (piano) Musée de l’Orangerie. Lundi 25 novembre 2019. La saison Danse dans les Nymphéas continue jusq’au 22 juin 2020 avec Carolyn Carlson, Emanuel Gat ou Christian Rizzo.




 

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