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Les Souliers rouges – Les Folies Bergère

À l’affiche en début d’année de la mythique salle parisienne Les Folies Bergère, le spectacle musical Les Souliers rouges, signé du tandem Marc Lavoine et Fabrice Aboulker, s’inspire du conte d’Andersen Les Chaussons rouges, mais aussi de la célèbre adaptation cinématographique éponyme de Michael Powell. Une histoire fascinante qui fait la part belle à la danse sur fond de malédiction et d’histoire d’amour sacrifiée. Casting réussi, scénographie élégante, chorégraphies réglées par Marie-Agnès Gillot et Tamara Fernando, et portées par des danseur.euse.s très investis, tout est réuni pour produire un spectacle soigné, mais auquel il manque un supplément d’âme et de folie pour emporter complètement l’adhésion.

Les souliers rouges

Belle gageure que d’adapter Les Chaussons rouges d’Andersen ! Marc Lavoine et Fabrice Aboulker en rêvaient depuis des années. Après la sortie d’une version album avec Arthur H et Cœur de Pirate il y a trois ans, les deux complices se sont attelés à une version scénique en s’adjoignant la collaboration du metteur en scène Jérémie Lippmann et de la Danseuse Étoile Marie-Agnès Gillot avec Tamara Fernando pour les chorégraphies. Les comédies musicales “à la française” privilégiant généralement la performance vocale, souvent au détriment de la dramaturgie, que pouvait-on attendre de celle-ci ? Beaucoup, tant l’histoire est empreinte de mystère et de passion.

Dans cette version où les chaussons sont devenus souliers, une jeune fille, Isabelle, rêve de devenir Danseuse Étoile. Victor, le chorégraphe lui propose d’incarner le rôle principal d’un ballet maudit, les fameux Chaussons rouges. Mais la contrepartie implique de renoncer à l’amour, sous peine d’une malédiction. Isabelle y consentira-t-elle pour aller au bout de son ambition ? L’arrivée d’un jeune journaliste, Ben, va remettre en question le pacte scellé entre la jeune ballerine et le tyrannique maître de ballet.

Une vingtaine de tableaux se succèdent pour donner corps et vie à cette histoire. La danse sert de trait d’union accompagnée d’effets visuels réussis. Les huit danseurs et danseuses (dont Loïc Consalvo vu dans Tutu des Chicos Mambo ou Matthew Totaro du Pokemon Crew) montrent de belles personnalités et se prêtent à toutes les fantaisies que Marie-Agnès Gillot et Tamara Fernando leur ont concoctées. Danse classique, hip hop et danse contemporaine s’entremêlent souvent avec bonheur. La scène du casting où elle récidive dans son envie de faire monter des garçons sur pointes (on se souvient de Vincent Chaillet dans sa création Sous apparence) se révèle, entre autres, assez jubilatoire.

Les souliers rouges

Le problème réside, il faut quand même l’avouer, dans l’héroïne principale jouée par la toute jeune Loryn Nounay, révélée par les réseaux sociaux. Si elle incarne son personnage avec fraîcheur et talent vocal, sa crédibilité en apprentie ballerine laisse quand même un peu sceptique. Rappelons que pour son film (culte pour nombre de balletomanes et de cinéphiles), Michael Powell avait exigé que le rôle principal soit interprété par une comédienne dotée du talent d’une danseuse exceptionnelle. Ce qu’il trouva dans la personnalité de l’Écossaise Moira Shearer, ancienne danseuse du Sadler’s Wells Theatre.

Bien sûr, quelques subterfuges de mise en scène sont là pour pallier le manque de technique classique de la chanteuse, notamment par l’utilisation d’une doublure. Mais on peut déplorer qu’on ne parvienne pas à caster aujourd’hui une jeune artiste à la fois bonne chanteuse et doté d’une solide bagage de danseuse. Ce dont on est en droit de douter… La plupart des spectateurs et spectatrices n’y trouveront peut-être pas à redire, mais c’est l’un des talons d’Achille de ce spectacle qui ne met, par ailleurs, pas assez en valeur la cruauté du conte originel. Peut-on vendre son âme au diable par amour de la danse ? Cette version un peu trop sage n’y répond que d’une manière édulcorée et transforme en bluette, certes tragique, une histoire qui parle du mystère de l’acte de création et du feu sacré.

Les souliers rouges

 

Les Souliers rouges, spectacle musical de Marc Lavoine et Fabrice Aboulker aux Folies Bergère. Mise en scène de Jérémie Lippmann (assisté par Alexandra Luciani). Chorégraphies de Marie-Agnès Gillot et Tamara Fernando. Avec Loryn Nounay, Benjamin Siksou et Guilhem Valayé et les danseur.euse.s Loïc Consalvo, Camille Freyssac, Lauranne Le Porchou, Andie Masazza, Geoffrey Ploquin, Pauline Richard, Emmanuelle Seguin-Hernandez et Matthew Totaro. Vendredi 7 février 2020.

 



 

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