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Festival Montepllier Danse 40bis – Raimund Hoghe et Michèle Murray, entre nostalgie et création

Après l’ouverture événement avec la reprise de So Schnell de Dominique Bagouet, l’édition 2020 de Montpellier Danse poursuit sa trace entre création et nostalgie. La chorégraphe franco-américaine Michèle Murray présentait ainsi au Studio Cunningham Wilder Shoes, une pièce inspirée de l’oeuvre The Wilder Shores of Love (“Les rives plus sauvages de l’amour“) du peintre Cy Twombly. Une pièce abstraite sur une création sonore de Gérome Nox, conçue pour sept danseurs et danseuses dans un geste de danse pure. À l’inverse, Raimund Hoghe, artiste minimaliste, propose une version raccourcie mais tout aussi percutante de Young People, qui avait électrisé le festival de Montpellier lors de sa création en 2004. Rebaptisée Moments of Young People et offerte à une nouvelles distribution de jeunes interprètes français et portugais, la pièce du dramaturge et performer allemand est un ovni chorégraphique d’une éternelle poésie.

Moments of Young People de Raimund Hoghe

Il serait périlleux de faire entrer Raimund Hoghe dans une catégorie, un genre ou un courant. Son art n’appartient qu’à lui. Certes, il fut le dramaturge de Pina Bausch durant de longues années et peut-être peut-on discerner ici et là un goût commun pour la fantaisie et l’humour, ce même talent pour conjuguer merveilleusement le drame et les joies du quotidien. Mais les similitudes s’arrêtent là. L’univers de Raimund Hoghe prend avant tout racine dans sa propre personne et son physique atypique : petit, contrefait, bossu. Il dégage sur scène un charisme phénoménal qui s’exprime d’entrée lorsque, sur le plateau presque nu où n’a pris place qu’une plante verte, il appelle un à une les douze très jeunes artistes qu’il a lui-même choisis pour cette reprise. Ils s’alignent à l’avant-scène, entourant Raimund Hoghe qui entame un rituel de lavage des mains, où l’immense cuillère en bois d’où l’eau s’écoule passe lentement de l’un à l’autre.

La lenteur et le temps qui passe sont l’alpha et l’oméga de Moments of Young People, dans une succession de vignettes articulées sur des standards de la chanson française et du jazz. C’est avec le chef-d’oeuvre de Léo Ferré Avec le Temps que débute de manière bien sombre ce voyage, qui sera pourtant ludique au fil des minutes. Tout au long du chemin, ces douze jeunes gens et jeunes fille jouent aux billes, s’amusent à pencher la tête en imitant leur voisin et voisine ou dansent un cha-cha-cha endiablé. Pendant tout ce temps, Raimund Hoghe rôde un peu partout sur la scène. C’est un artiste du presque rien et de l’étrangeté, capable d’insuffler un souffle épique à une simple marche depuis le fond de la scène. Il y a quelque chose d’enfantin dans cette manière d’aborder la scène comme un terrain de jeux pour y bâtir un rite. Un rite dont on n’en perçoit pas toujours le sens, mais qui est constamment empreint d’une poésie magnifique, et qui se referme sur la même  chanson de Léo Ferré Avec le Temps mais dans la version bouleversante de Dalida. On comprend que Jean-Paul Montanari ait voulu reprendre ce spectacle pour cette édition anniversaire. Il y avait le risque qu’il ne trouve plus son public aujourd’hui. Il n’en est rien. 

Moments of Young People de Raimund Hoghe

Michèle Murray est en quelque sorte la régionale de l’étape dans ce festival. Accueillie en résidence à l’Agora, Cité internationale de la Danse, la chorégraphe est allée puiser ses ressources chez le peintre américain Cy Twombly, plasticien des couleurs et de leur explosion sur la toile. Le tableau sur lequel Michèle Murray prend appui, Wilder Shores of Love, est lui-même inspiré par un livre de Lesley Blanch racontant le voyage au XIXe siècle de quatre jeunes femmes en Afrique du Nord. Cette mise en abyme de la transmission créatrice aboutit à une pièce hantée par l’héritage de Merce Cunningham, ce désir de laisser le corps au centre du débat. Les sept danseuses et danseurs entrent un à un, tout de noir vêtus pour évoluer sur un plateau blanc qui sertit les corps dans leurs mouvements. Michèle Murray construit une sorte de mouvement perpétuel où les artistes tournent en solo comme des toupies jusqu’a l’ivresse. La géométrie est impeccable, parfaitement contrôlée et aboutit à une épure chorégraphique où l’on entend l’écho de ses maitres américains. Après une courte pause, le mouvement s’assagit en une série de duos lascifs qui sont presque comme des pas de deux sur lesquels se posent les sons imaginés par Gerome Nox.

Pari tenu pour Montpellier Danse dans ce format imposé par la pandémie. Cette entrée en fanfare entre hommages nécessaires et créations attendues donne le coup d’envoi d’une série de spectacles qui s’égrèneront tout au long de l’automne et s’achèvera avec la reprise de Folia de Mourad Merzouki pour Noël. Entre temps, il y aura eu le retour de Robyn Orlin, d’Anne Teresa de Keersmaeker qui poursuit son exploration de Bach. Et Emanuel Gat pour la première de LOVETRAIN2020. Tant de belles choses…

Wilder Shores de Michèle Murray

Moments of Young People de Raimund Hoghe au Kiasma dans le cadre de Montpellier Danse. Avec Raimund Hoghe et André Fonseca, Ana Ester Ribeiro, António Pacheco, Beatriz Valentim, Célia Farenc ou Pauline Drecq-Colson (en alternance), Daniela Costa, Fabrice Mpisangu Engempasa, Grégoire Manhes, Hugo Cabral Mendes, Léa Delaporte, Miariana Magalhaes et Pedro Azevedo. Lundi 21 Septembre 2020.

Wilder Shores de Michèle Murray au Studio Cunningham de l’Agora dans le cadre de Montpellier Danse. Avec Alexandre Bachelard, Elodie Fuster Puig, Rebecca Journo, Marie Leca, Félix Maurin, Baptiste Ménard et Deborah Pairetti. Lundi 21 Septembre 2020.

Montpellier Danse 40 Bis continue jusqu’au 28 décembre.

 




 

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