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[Festival de Marseille 2021] Fabrizio Cassol, Granvat, Éric Minh Cuong Castaing

La 26e édition du Festival de Marseille bat son plein jusqu’au 11 juillet et débordera sur le mois d’août pour s’inscrire dans la programmation de L’été marseillais, lancé l’année dernière par la ville. Dernière édition dirigée par Jan Goossens (on devrait connaître le nom de la personne qui lui succèdera d’ici l’automne), elle cultive plus que jamais son identité de “fenêtre ouverte sur le monde” en mêlant danse, théâtre, musique et arts plastiques. Parmi les propositions de cette année, DALP a pu découvrir I Silenti de Fabrizio Cassol, Come on feet du collectif Granvat et Forme(s) de vies du chorégraphe Eric Minh Cuong Castaing.

I silenti – Fabrizio Cassol

Le compositeur Fabrizio Cassol est un peu un habitué du Festival de Marseille. Avec I silenti, il propose une pièce débordante d’humanité. Portée par des extraits de madrigaux de Monteverdi et les chants du grand interprète de musique manouche Tcha Limberger, elle déroule une polyphonie empreinte de nostalgie où il est question d’amour, de guerre, d’exil, de déracinement… Hommage à la culture rom et aux minorités culturelles, cette évocation des peuples réduits au silence touche par sa sobriété et sa beauté. On se laisse porter par ce voyage jalonné de visuels en noir et blanc projetés, visages souriants ou hagards des victimes de cet “Holocauste oublié”.

Tcha porte indéniablement une vérité, une pureté expressive qui bouleverse et transcende, comme s’il touchait les émotions les plus secrètes de l’auditeur“, explique Fabrizio Cassol. Incontestablement, l’artiste aveugle a le pouvoir de nous embarquer très loin et de faire remonter à la surface toute cette mémoire orale endormie. Il ne manque qu’une chose pour donner un supplément d’âme à une pièce qui en déborde déjà : la présence de la danseuse Shantala Shivalingappa. En raison du contexte sanitaire, notamment à la situation très préoccupante en Inde, la spécialiste du kuchipudi et inoubliable interprète de Bartabas et de Pina Bausch n’a pas pu être là pour la création. C’est le seul regret de cette touchante proposition.

Come on feet – Granvat

La Place d’armes du Fort Saint Jean est un bel endroit pour y installer une scène. Avant que ne commence le spectacle, on peut à loisir laisser trainer le regard entre la mer à perte de vue et la beauté du ciel nocturne. Et goûter le moment présent tout en écoutant les deux musiciens, les frères Bert et Stijn Cools, fondateurs de Granvat, déjà installés à la batterie et aux claviers, qui instaurent une ambiance clubbing avec leurs notes électro. Mais c’est sans compter sur l’énergie communicative des six danseur.euse.s dont certains sont issus des Ballets C de la B prompts à vous tirer de votre contemplation. Entrant un à un en scène, ces six-là démontrent très vite qu’ils en ont sous le pied. Ils se lancent dans une partition débridée, chacun.e avec un style agrégeant mouvements de clubbing, krump et hip hop. La breakeuse Samantha Mavinga fascine par sa rapidité d’exécution et sa rage contenue. On est happé par ce tourbillon dansant. Jusqu’à ce que Boule Mpanya passe du côté des musiciens et se lance dans un chant au pouvoir envoûtant. La pièce prend une dimension toute autre. Temps de pause (qui casse légèrement le rythme) et les danseur.euse.s délesté.e.s de leurs baskets parachèvent Come on feet par une composition de groupe où chacun.e semble trouver sa juste place.

Régulièrement invité du festival de Marseille, Éric Minh Cuong Castaing questionne la question du handicap depuis 2016 où il a développé des ateliers de pratique artistique à destination de danseurs et amateurs en situation de handicap. Dans Forme(s) de vie qui relève plus de la performance, il met en lumière le travail initié avec Kamal, un ancien boxeur et Élise, une ancienne danseuse, tous deux en perte de mobilité en raison d’une maladie chronique. Accompagnés, soutenus, prolongés par trois jeunes danseurs, ils renouent avec le mouvement. Des images d’ateliers avec des résidents du centre de soins palliatifs La Maison, à Gardanne, près de Marseille sont projetées. On y perçoit, même de manière infinitésimale, tout le bénéfice que ces malades en fin de vie tirent de l’accompagnement des danseurs. On repense alors à Anne-Dauphine Julliand citant le professeur Jean Bernard. “Il faut ajouter de la vie aux jours, lorsqu’on ne peut plus ajouter de jours à la vie”. C’est peut-être aussi cela la mission d’un artiste.

I silenti – Fabrizio Cassol

I silenti de Fabrizio Cassol, Tcha Limberger et Lisaboa Houbrechts au théâtre de la Criée. Avec Claron McFadden, Nicola Wemyss, Jonathan Alvarado (voix), Tcha Limberger (voix et violon), Philippe Thuriot (accordéon), Vilmos Csikos (contrebasse), Simon Leleux (percussions), Georgi Dobrev (kaval). Come on feet de Granvat à la Place d’armes du Fort Saint Jean. Chorégraphie Quan Bui Ngoc. Avec Samantha Mavinga, Boule Mpanya, David Kinkela, Joffrey Anane, Hendrick Ntela, Raquel Suarez Duenas. Musique Bert Cools & Stijn Cools. Chant Boule Mpanya. Forme(s) de vie de Éric Minh Cuong Castaing au Ballet national de Marseille. Dramaturgie, aide à la conception et à la réalisation Marine Relinger. Avec Yumiko Funaya, Aloun Marchal, Éric Minh Cuong Castaing, Nans Pierson, Kamel Messelleka, Elise Argaud.  Samedi 19 et dimanche 20 juin 2021. Le festival de Marseille continue jusqu’au 11 juillet et reprend du 24 au 29 août.

 



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