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Aliénor, Variation sur l’amour courtois – Agnès Letestu en majesté

Agnès Letestu retrouve une scène parisienne en dansant dans Aliénor, Variation sur l’amour courtois, création d’Alain Marty. Avec comme partenaires l’ancien Premier danseur de l’Opéra de Paris Vincent Chaillet et le comédien Harold Crouzet, l’Étoile incarne avec l’élégance qu’on lui connaît le personnage d’Aliénor d’Aquitaine. Dans un décor sobre, la pièce met en scène un triangulation amoureuse obéissant aux règles de l’amour courtois né au Moyen Âge. Menant la danse, Agnès Letestu campe une souveraine séductrice, sûre d’elle et palpitante. Un vrai plaisir de la retrouver dans ce rôle de femme puissante s’émancipant par la culture et échappant à la soumission domestique.

Aliénor, Variation sur l’amour courtois – Agnès Letestu, Vincent Chaillet et Harold Crouzet.

Sur le plateau dépouillé, un lit pour seul élément de décor. Un lit comme élément central de ce qui va se jouer pendant toute la pièce entre les trois protagonistes de ce triangle amoureux. Agnès Letestu apparaît, altière dans un costume d’amazone. Elle attend le retour de la chasse de son époux, le roi Henri II. Sur pointes, elle martèle les pas comme pour signifier son impatience. Dès le début, la viole de gambe et la voix d’Albertin Ventadour nous transportent dans une époque lointaine. Danse, chant, musique et poèmes en langue d’oc se mêleront tout au long de la pièce pour offrir un spectacle aux couleurs médiévales. Comme le précise Alain Marty, “Rapprocher gestes et mots a toujours été le fil rouge de mes créations. Je l’incarne ici, dans ce triangle amoureux : le roi, la dame et le troubadour.

Entre les trois personnages, les rapports de force s’instaurent. Ils se lancent dans un jeu teinté de séduction, de désir et de jalousie. Cela donne matière à de beaux duos où la chorégraphie exprime toutes les subtilités de ce trio amoureux. La pièce montre bien le roi observateur de la relation ambiguë qui se noue entre Aliénor et son troubadour.

Point culminant des manœuvres courtisanes du troubadour : le fameux Jazer. Il s’agit de l’ultime épreuve que fait passer la dame au troubadour qui la chante depuis des années. Lui, par ses vers et sa musique la met sur un piédestal. En retour, elle l’encourage par des compliments sur la qualité de son courtisement. Au final, Aliénor permettra-t-elle au troubadour d’accéder à sa couche ? Suspense… Agnès Letestu joue très bien ce marivaudage moyenâgeux. Elle passe par différents états amoureux, plus légère ou plus grave, plus mutine ou plus déterminée. Si elle apprécie la compagnie du jeune troubadour incarné par Harold Crouzet, on sent qu’elle cherche aussi la relation passionnelle qui la lie au roi. Malgré tout, sa brutalité la froisse. Ces errements sont soulignés par des passages contrastés entre abandon et rébellion.

Aliénor, Variation sur l’amour courtois – Agnès Letestu et Vincent Chaillet.

On connaît les talents de costumière d’Agnès Letestu. L’Étoile en fait une nouvelle fois la démonstration. Chaque costume souligne les états d’âme du personnage. Éclatante drapée dans une lourde cape de velours écarlate jusqu’à presque nue en tunique chair dans les moments plus intimes. Rien n’est laissé au hasard. Jusqu’au port des chaussons… Sur pointes face au roi, elle se présente en revanche sans en présence du troubadour. Une Reine aux pieds nus. La sensualité avec laquelle elle délasse ses chaussons donne à ce geste des airs de préliminaire qui sied parfaitement à la tonalité générale de la pièce.

Toutefois, le risque était que du trio on ne retienne qu’Aliénor. Si c’est un peu le cas, cela n’est que justice. Agnès Letestu se glisse avec beaucoup d’implication dans ce rôle de souveraine. Malgré tout ces deux partenaires tirent leur épingle du jeu. Vincent Chaillet, notamment, en impose dans son personnage de roi tiraillé entre ses pulsions violentes et ses envies de céder à l’art d’aimer. Il sait donner du relief à cette personnalité empêtrée dans ses contradictions. Les passages qu’ils dansent ensemble révèlent une belle complicité. Saluons le choix d’Alain Marty d’avoir réuni ces deux interprètes.

 

Aliénor, Variation sur l’amour courtois d’Alain Marty au Théâtre du Gymnase. Avec Agnès Letestu, Vincent Chaillet, Harold Crouzet et Albertin Ventadour. Dimanche 3 octobre. Tous les lundis d’octobre à 20h30.

 

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