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Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

Quelle belle idée qu’ont eu les Ballets de Monte-Carlo d’ouvrir l’année – et de refermer 2020 – avec la reprise de Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot ! À l’heure où se terminait une année compliquée, et où commence une nouvelle pour la moins incertaine, les ballets festifs sont d’autant plus appréciés. Et Casse-Noisette Cie fait pleinement partie de cette catégorie. Le chorégraphe a transposé l’histoire de Casse-Noisette dans un studio de danse : Clara est une jeune ballerine, le casse-noisette est un chorégraphe inventif et Drosselmeyer une Princesse-bonne Fée on ne peut plus glamour. L’ensemble se veut un véritable ballet narratif, bourré de drôleries et de surprises, et derrière les clins d’œil un véritable hommage à la Danse. Sur scène, la troupe brille comme jamais, emmenée par l’Étoile Lou Beyne éblouissante. Et le tout se termine comme au Réveillon, couvert de confettis. Mais que demander de plus pour démarrer 2022 ?

Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

À lire le synopsis de Casse-Noisette Cie, l’on pourrait penser que Jean-Christophe Maillot se livre d’abord à un bon petit coup d’ego. Car il se représente en scène en lieu et place de Casse-Noisette. Plus exactement, il est le chorégraphe inventif, offert en cadeau par la Bonne-fée Drosselmeyer à la jeune Clara, danseuse prometteuse mais qui s’ennuie dans sa compagnie de danse ronronnante, et qui rêve de nouveautés comme de tournées. Et le deuxième acte, en lieu et place des danses de caractère, est l’occasion de revisiter les grandes pièces de son répertoire. Pourtant non, ce Casse-Noisette Cie n’est en rien une ode prétentieuse. Le chorégraphe s’est effectivement inspiré de son histoire pour cette relecture, celle de son arrivée aux Ballets de Monte-Carlo alors un peu assoupi, et des possibilités de création qu’il a eues grâce à la Princesse Caroline de Monaco. Mais la star de ce ballet, c’est avant tout la Danse. Celle de Marius Petipa et de George Balanchine, celles des danseurs et danseuses d’aujourd’hui. Celles des ballets d’hier et des créations.

Le premier acte est ainsi une savoureuse histoire, où un studio de danse remplace le salon pétersbourgeois. Clara rêve d’être danseuse et imagine ses rêves dans un théâtre de bois reçu pour Noël. À la barre, la troupe de ses parents prend place pour le cours de danse du matin. Et c’est toute la petite comédie des compagnies de danse qui se joue. Une compagnie un peu à l’ancienne, avec son maître de ballet qui tire sur les jambes et menant les danseurs et danseuses à la baguette. Où les Étoiles jouent les stars, où le soliste veut chiper la place au premier rang. L’on n’est pourtant pas dans le discours simpliste du ballet classique dépoussiéré par la danse contemporaine, dans lequel certains reportages généralistes ont plongé les deux pieds. Il s’agit plutôt d’une troupe pleine de talents mais cherchant un nouvel élan, une nouvelle façon de diriger… comme pouvaient l’être les Ballets de Monte-Carlo quand Jean-Christophe Maillot en a pris les rênes. Et l’histoire qui s’y déroule – une jeune danseuse qui doit s’intégrer et comprendre les codes du groupe – est une magnifique occasion de rendre hommage au ballet, à travers de multiples clins d’œil aux chefs-d’œuvre du répertoire. En point d’orgue : la réjouissante revisite de Sérénade de George Balanchine par les élèves de l’Académie Princesse Grace, magistrale leçon de danse et de musicalité.

Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot – Les élèves de l’Académie Princesse Grace

Comme dans tout Casse-Noisette, le premier acte est l’occasion de moult rebondissements : une rébellion des artistes, une compagnie qui se scinde en deux, une bataille, un théâtre de bois qui grandit de quelques mètres en lieu et place du sapin géant, et bien sûr le coup de feu. Mais la Bonne-Fée Drossselmeyer est toujours là pour réparer le tout. Soutenant la jeune Clara telle une tante bienveillante, elle lui offre ce dont elle rêve : un chorégraphe inventif et dynamique. Et ressoude la troupe prête à partir vers de nouveaux horizons, sans jamais oublier son chic et ses deux gardes du corps. La véritable star de ce ballet, ne nous y trompons pas, c’est bien elle ! Un hommage aussi sincère que touchant à la Princesse Caroline, omniprésente dans ce ballet, jusqu’à son portrait, enfant à la barre, qui trône dans le mur du studio.

Ce premier acte truculent, drôle, virtuose et débordant d’idées et de références – il faudrait le voir plusieurs fois pour toutes les percevoir – laisse presque à bout de souffle et étourdie. Le deuxième acte prend une ligne un peu plus sobre, aux premiers abords. La troupe est repartie sur de bonnes bases. Le chorégraphe, débordant de projets, multiplie les créations en piochant des idées et des ballets dans ses nombreuses valises. C’est ainsi l’occasion pour Jean-Christophe Maillot de ressortir quelques-uns de ses ballets, sur la partition de Tchaïkovski. Ce qui donne des rencontres parfois étonnantes. La scène de La Belle au bois dormant sur la Valse des fleurs me laisse hésitante et musicalement sur le bord du chemin. Le Songe ou l’extrait de Roméo et Juliette prennent au contraire une saveur nouvelle. D’une musicalité sans faille, Jean-Christophe Maillot s’appuie avec merveille sur cette sublime partition, l’une des plus belles des musiques de ballet – à tel point que l’on est un peu frustré qu’il n’ait pas utilisé la magnifique Valse des Flocons, seul grand moment musicale de Casse-Noisette manquant à cette relecture.

Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

Et comme dans le ballet original, tout se termine par un magnifique Grand pas, celui de l’éveil à l’Amour de Roméo et Juliette. La musique de ce pas de deux est un monument, et peu de chorégraphes ont su se montrer vraiment à la hauteur. C’est ici le cas, avec un adage virtuose, profondément sensible, immensément musical – on y revient sans cesse. Et qui emporte tout sur son passage. L’Étoile Lou Beyne y brille de mille feux, épanouie et étincelante, semblant s’envoler dans les bras de Jérôme Tisserand. Iels représentent le renouveau de la compagnie dans son recrutement. Elle est arrivée il y a tout juste trois saisons, mais a déjà pleinement pris sa place dans le groupe en devenant l’une des nouvelles grandes interprètes de Jean-Christophe Maillot. Lui a été Principal pendant 15 ans au Pacific Northwest Ballet, arrivé en septembre en principauté. S’il était très à l’aise dans le jeu lors du premier acte, on l’a senti encore dans l’apprentissage au second, quand il s’agit de se glisser pleinement dans la gestuelle de Jean-Christophe Maillot. Mais l’on sent tout ce que l’expérience de Jérôme Tisserand peut amener à la troupe, par l’habitude des grands rôles comme ses magnifiques qualités de partenaires.

Le décor est revenu à sa simple expression pendant ce deuxième acte, presque austère après les débordements du premier acte. Mais toute la troupe revient en scène pour le final, le retour à la réalité pour la jeune Clara. Et la dernière danse, est comme une joyeuse fête, avec lancé de cotillons, confettis et serpentins qui envahissent le Grimaldi Forum – comme dit en préambule, il fallait bien ça pour démarrer l’année. Un salut joyeux pour mettre en avant tous les artistes de la troupe, affichant décidément une santé insolente, comme si la crise sanitaire et son manque de spectacles n’avaient eu aucun effet sur eux et elles, bien au contraire. Une soirée de fête laissant présager une belle saison. La compagnie part en tournée un peu partout en Europe avec son répertoire jusqu’en juillet, en attendant la parution de sa saison à domicile.

Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot – Lou Beyne et Jérôme Tisserand

 

Casse-Noisette Cie de Jean-Christophe Maillot par les Ballets de Monte-Carlo. Avec Marianna Barabàs (la Fée Drosselmeyer), George Oliveira et Alexis Oliveira (les Anges Gardiens), Adam Reist (le Casse-Noisette), Anissa Bruley (Clara), Daniele Delvecchio (Fritz), Lou Beyne et Jérôme Tisserand (les Étoiles), Anna Blackwell (la Mère), Alvaro Prieto (le Père), les artistes des Ballets de Monte-Carlo et les élèves de l’Académie Princesse Grace. Mardi 4 janvier 2022 au Grimaldi Forum. Les Ballets de Monte-Carlo à voir en tournée en Europe toute cette saison.

 



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