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Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Créé en juillet 2015 au festival Montpellier Danse, le dernier opus de Rachid Ouramdane, Tenir le temps, y avait reçu un accueil critique mitigé. Après quelques dates européennes et une tournée française, c’est au tour du public du Théâtre de la Ville de découvrir cette pièce, dont la belle composition est servie par l’engagement de 16 impeccables interprètes.

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Formé au CNDC d’Angers, Rachid Ouramdane a travaillé avec Meg Stuart, Emmanuelle Huynh, Odile Duboc, Christian Rizzo ou Hervé Robbe et fondé sa compagnie avant d’être nommé, avec Yoann Bourgeois, à la tête du CCN de Grenoble en janvier 2016. Chorégraphe engagé, son travail a longtemps mêlé textes, images vidéo et danse, dans des spectacles à la veine documentaire, témoignant de l’agressivité de nos sociétés modernes. La façon dont l’Histoire et sa violence influent sur la construction identitaire de chacun.e, sur les corps et les âmes, est un de ses questionnements récurrents. Polices ! par exemple, présenté dans le même Théâtre de la Ville la saison dernière, réunit des interprètes professionnels et amateurs pour mettre en scène les forces de l’ordre et leurs méthodes de répression.

En 2014, Rachid Ouramdane crée Tout autour pour le Ballet de l’Opéra de Lyon et opère un virage en se recentrant sur la relation entre danse et musique, sur la composition chorégraphique. Il y joue sur l’accumulation abstraite de gestes, entrainant la perte de contrôle des danseur.se.s. C’est ce travail qu’il poursuit avec Tenir le temps. “J’imagine des actions rythmées, très musicales, composées selon des effets de mouvements-dominos, d’avalanches, des effets boule-de-neige, des réactions en chaîne...” dit-il avant d’ajouter : “Cette fois, seuls les corps en mouvement, pris dans une spirale d’urgence, viendront témoigner d’un certain état de crise.”

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Au centre d’un plateau totalement dénudé, que seules encadrent des tentures blanches, se tient un danseur solitaire. Ses mouvements, d’abord imperceptibles, spasmodiques, s’élargissent peu à peu pour devenir immenses. Scène fugace, il est très vite rejoint par les autres interprètes, investissant deux à deux la scène. Débute alors une chorégraphie toute en échos, souvent fascinante, où le geste de l’un.e initie celui de l’autre, puis de l’autre, puis de l’autre… donnant l’impression que des rubans de danseur.se.s évoluent tels des ondes. Alors la vague se brise, le groupe explose, le chaos se fait, avant que l’un.e d’entre eux façonne un nouveau courant qui attirera à lui, comme aimantés, ses congénères. Parfois cette mécanique s’arrête, pour laisser place à des duos, des trios, où les regards échangés sont intenses, avant de reprendre de plus belle.

Accompagné de la convaincante partition répétitive de Jean-Baptiste Julien, très fidèle complice du chorégraphe, ce mouvement perpétuel de danseurs ne manque pas d’évoquer le travail Lucinda Childs. Toutefois, la grammaire de Rachid Ouramdane, faite de tours vertigineux, de courses folles, de mouvements saccadés et robotiques, ou à l’inverse amples et relâchés, est bien moins académique que celle de la créatrice américaine, et laisse une grande part d’expression aux individualités. Si d’abord, l’œil est totalement séduit et happé par l’habile composition de Tenir le temps, il finit par se lasser légèrement, la pièce n’ayant pas le même pouvoir hypnotique qu’un chef-d’œuvre comme Dance.

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

Tenir le temps de Rachid Ouramdane

 

Tenir le temps de Rachid Ouramdane au Théâtre de la Ville, avec Fernando Carrion, Jacquelyn Elder, Annie Hanauer, Alexis Jestin, Lora Juodkaite, Arina Lannoo, Sébastien Ledig, Lucille Mansas, Yu Otagaki, Mayalen Otondo, Saïef Remmide, Alexandra Rogovska, Ruben Sanchez, Sandra Savin, Leandro Villavicencio, Aure Wachter. Lundi 15 février 2016. À voir en tournée en France et en Espagne jusqu’en mai 2016.

 

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