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Grand Finale – Hofesh Shechter

Présenté en création mondiale à la Grande Halle de la Villette en partenariat le Théâtre de la Ville, Grand Finale de Hofesh Shechter s’impose comme une déferlante chorégraphique dont on sort un peu sonné.e. Revendiquant un pessimisme absolu, le chorégraphe signe une pièce à la beauté crépusculaire. S’il réussit à laisser planer un “sentiment général d’apocalypse” tout au long, se dégage une énergie incroyable qui ne permet pas de céder complètement au désenchantement.

Grand Finale de Hofesh Shechter

Depuis Political Mother, on sait que les pièces du chorégraphe israélien installé à Londres constituent des expériences sensorielles, notamment par un niveau sonore digne d’un festival rock. Cette fois-ci, point de distribution de protections auditives à l’entrée de la salle. Mais cela n’empêche pas Hofesh Shechter, qui signe lui-même la bande-son de ses spectacles, de mêler d’emblée violoncelle et musique électro et de saturer l’atmosphère de décibels. Dès les premiers instants, ses danseur.se.s déploient un engagement physique d’une intensité qui ne se démentira pas tout au long de la pièce. Dans Grand finale,  chacun porte le poids des tourments du monde. Personne ne fera dans la demi-mesure.

Ça démarre fort, très vite. Les dix danseur.ses.s, grosses chaussettes et tenues passe-partout, occupent l’espace avec une danse très démonstrative qui emprunte des pas très rythmés aux danses traditionnelles israéliennes ou irlandaise. Mus par une urgence bien palpable, quand ils ne dansent pas, ils s’échinent à déplacer de grands éléments de décors amovibles. Ils redécoupent ainsi la scène en endroits plus ou moins confinés, et jouent à cache-cache avec un groupe de musiciens live. Le recours aux fumées baigne la scène d’une atmosphère entre chien et loup.

Chez Hofesh Shechter, on danse souvent en groupe, mais seul.e. Grand Finale explore le duo et le contact, territoire encore vierge pour le chorégraphe. Ici et là, on reconnaît l’influence d’Ohad Naharin, directeur de la Batsheva Dance Company dans laquelle le jeune chorégraphe a fait ses classes. Mais une sorte de sauvagerie émerge de ces corps fébriles où l’on martèle le sol avec vigueur, où l’on s’empoigne sans ménagement, où l’on traîne son partenaire sur le sol comme on le ferait avec un cadavre, où l’on crie en silence, bouche grand ouverte et yeux écarquillés. Parfois des moments de répit, des accolades viennent adoucir la tension de ces flots de gestes. Mais globalement tout va à cent à l’heure.

Grand Finale de Hofesh Shechter

Voguant sur les flots déchainés, ces naufragé.e.s s’accrochent les uns aux autres tandis que l’ensemble musical accompagne la débacle. Manipulant une ironie qui sied souvent au désespoir, Hofesh Shechter crée la surprise quand il casse le rythme avec la célèbre valse de l’opérette La veuve joyeuse de Franz Lehar. Comme sur le Titanic, ses musiciens continuent de jouer alors que le monde fait naufrage.

Après l’entracte, dont on ne mesure pas très bien la pertinence si ce n’est pour permettre aux danseur.se.s de se reconstituer un peu, s’ouvre une courte deuxième partie. L’ambiance y est moins agitée. Les danseur.se.s se serrent dans un micro espace symbolisant tout à tour une prison, une boîte de nuit ou une chapelle. Dans une transe collective, ils se jettent à corps perdus dans ce dernier round. Même au-dessus du volcan, ils dansent encore. “Entre possibilité du bonheur et mélancolie, il y a la persistance de la résistance, le besoin de ne pas abandonner le combat“, affirme Hofesh Shechter. Du chaos peut naître l’espoir.

Grand Finale de Hofesh Shechter

 

Grand finale de Hofesh Shechter à la Grande Halle de La Villette  avec le Théâtre de la Ville. Avec Chen-Ming Chang, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Mickael Frappart, Yeji Kim, Kim Kohlmann, Erion Kruja, Merel Lammers, Attila Ronai, Diogo Sousa. Mercredi 21 juin 2017. À voir en tournée en France à l’automne

 

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