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Troisième Symphonie de Gustav Mahler, premier épisode

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10 avril 2013

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Troisième Symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier, par le Ballet de l'Opéra de Paris, à l'Opéra Bastille. Répétition générale. Avec Karl Paquette (l'Homme), Stéphane Bullion (l'Âme), Mathias Heymann (la Guerre), Eleonora Abbag,ato (la Femme) et Isabelle Ciaravola (l'Ange).

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C'est une question que l'on m'a posé après la représentation : faut-il lire le programme avant pour comprendre quelque chose à la Troisième Symphonie de Gustav Mahler, ballet symphonique de John Neumeier ? J'ai envie de répondre oui et non. Car au premier abord, le ballet peut sembler narratif, avec ses différents tableaux, ses personnages distincts, son évolution. Mais finalement, chacun y voit ce qu'il veut, y décerne ses propres émotions, et se laisse avant tout porter par la musique, outil principal à l'inspiration du chorégraphe. Alors oui, on peut lire le programme, juste pour y voir qu'il n'y a pas d'histoire à y chercher.

La Troisième Symphonie de Gustav Mahler est une ode à la Nature, quelque chose d'assez épique, sans tomber dans un pompeux assez rébarbatif. C'est cette Nature qui est dévoilée tout au long du ballet, avec l'Homme, ou plutôt l'être humain, qui essaye de s'y faire une place, de la découvrir, sans forcément l'apprivoiser.

Qui dit oeuvre symphonique dit une certaine importance du groupe, de l'énergie collective. Le premier tableau, très beau visuellement, en manque un peu, et à ainsi du mal à démarrer. Il y a du monde sur le plateau, mais pas forcément un-e chef-fe d'orchestre pour mettre tout le monde d'accord. L'alchimie nait cependant petit à petit entre les danseurs, surtout à l'arrivée de la Guerre, incarnée par Mathias Heymann. Le danseur a sa virtuosité habituel, son côté un peu "jeune tout fou", avec en plus une certaine intensité dramatique. qui donne à l'oeuvre - enfin -  une cohésion et une intensité.

Mathias Heymann - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Mathias Heymann - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

La chorégraphie devient forte, dense, aux formes multiples. les corps s'entremêlent, s'entre-appuient, forment des pyramides, L'on dit qu'elle ressemble aux pièces de Béjart ? Pas vraiment selon moi. La plupart des ensembles des ballets de Maurice Béjart (Le Boléro mis à part) toujours un petit goût de démodé, ce qui n'est absolument pas le cad du ballet de Neumeier, d'une grande modernité. Tout comme la musique, la danse évite ici le trop grandiloquent pour s'essayer à plus de nuances, de subtilités, de précision.

Le rôle de l'Homme a ceci de pratique qu'il se fond très bien dans la masse, si son interprète du jour n'a pas l'aura d'un Nicolas Le Riche. Karl Paquette ne dépareille pas ainsi, apparait comme un juste fil conducteur tout au long des scènes, comme un regard qui se pose sur son environnement, interrogateur. On est ici en plein chemin initiatique, qui démarre dans une certaine pénombre. Et puis surprise, après un long et sombre premier mouvement, le deuxième amène la chaleur de l'été. Alessio Carbone est le nouveau chef de file de cette douceur, romantique-mais-pas-trop. C'est un peu sage, mais c'est plaisant et musical. Et cela n'amène que mieux l'Automne, troisième mouvement romanesque. Une certaine mélancolie émane des beaux mouvements d'ensemble, menée par Mathilde Froustey plus soliste que jamais. C'est à la fois la tendresse de l'amour et la douleur d'un couple qui se dit au-revoir. L'Homme cesse de n'être que spectateur pour interagir, interroger, aimer... puis partir.

Alessio Carbone et Mélanie Hurel - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Alessio Carbone et Mélanie Hurel - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Le quatrième mouvement, dans le silence, arrive un peu comme un cheveux sur la soupe. Chorégraphié avant l'oeuvre principal, en hommage à la compagnie de John Cranko après le décès de ce dernier, ce passage a du mal à prendre sa place dans le ballet. Eleonora Abbagnato la joue dramatique sans que l'on devine vraiment pourquoi. Le trio qu'elle forme avec Karl Paquette et Stéphane Bullion est harmonieux, mais la symbolique, en tout cas celle qu'elle a dans le ballet, échappe. L'on reste dans une certaine esthéthique, belle au demeurant, mais pas vraiment passionnante.

L'oeuvre reprend avec la musique et le magnifique sixième mouvement, celui de l'Ange, incarné par Isabelle Ciaravola. L'Ange peut représenter l'innocence  avec sa gestuelle parfois enfantine. Mais la Danseuse Étoile, sublime en académique rouge, ne la joue pas premier degré. Son solo est à la fois d'un grand lyrisme et un vrai moment de fraîcheur. Seule en scène, elle illumine le plateau d'une rare intensité. Et son ultime traversée, qui conclue le septième et dernier mouvement mené par l'ensemble, a quelque chose de totalement bouleversant. L'Homme la regarde arriver, marcher, le dépasser et partir. L'innocence est une belle chose, mais il faut la laisser de côté pour avancer dans la vie. Le chemin initiatique de l'Homme peut continuer.

Isabelle Ciaravola - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Isabelle Ciaravola - Troisième Symphonie de Gustav Mahler

Au final, cette Troisième Symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier - qui était une découverte pour moi - m'a vraiment séduite. On a affaire à un ballet complexe, riche, que l'on pourrait revoir encore et encore pour y déceler toutes ses richesses. Malgré l'importance du groupe, omniprésent, c'est aussi une oeuvre qui marche grâce à ses solistes, obligatoirement de fortes personnalité pour cheminer cet étrange parcours. De ce point de vue là, j'avoue que les autres distributions me laissent finalement plus réticente.

 Troisième Symphonie de Gustav Mahler de John Neumeier, à l'Opéra Bastille jusqu'au 12 mai

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Amélie Bertrand

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