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[Sortie ciné] Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer

Souvenez-vous. DALP avait rencontré Andréa Bescond en avril 2016. La découverte de sa pièce Les Chatouilles ou la danse de la colère, douloureuse et drôle à la fois, avait été un choc. La manière dont cette danseuse et comédienne passait des mots aux gestes pour exprimer son impuissance, crier sa souffrance et revenir à la vie nous avait profondément bouleversé.e.s. Après plus de quatre cents représentations données partout en France, cette pièce autobiographique, inspirée de son vécu d’enfant abusée sexuellement, est devenue un film qui sort aujourd’hui sur les écrans. Présenté en mai au festival de Cannes, il a été suivi par vingt minutes de standing ovation. Si le sous-titre “la danse de la colère” a disparu avec l’adaptation cinématographique, c’est parce que le temps a apaisé la colère d’Andréa. Reste que la danse a été l’un des vecteurs essentiels de sa reconstruction et de sa résilience.

C’est l’histoire d’Odette (jouée par la jeune comédienne Cyrille Mairesse). Odette, comme le cygne blanc du Lac des cygnes. Normal, à 8 ans, la fillette rêve de devenir une “grande Danseuse Étoile”. Une petite fille joyeuse et souriante à qui Gilbert, voisin et ami de la famille vient proposer des “séances de chatouilles”. Comment dire non à ce prédateur à la voix douce qui sait se montrer si persuasif ? Comment alerter ses parents ? L’enfant se mure dans le silence et subit les abus sexuels sans oser dénoncer. Les cours de danse constituent sa seule échappatoire dans ce quotidien assombri. Odette est douée et sa professeur de danse (Ariane Ascaride, truculente) conseille à ses parents de l’inscrire dans une grande école. C’est pour Odette l’occasion de se soustraire aux viols répétés de Gilbert et de prendre son envol loin du foyer familial.

Les Chatouilles raconte le parcours de reconstruction d’une femme, calqué en grande partie sur celui d’Andréa Bescond. Un chemin tortueux semé d’obstacles, de chutes et de rebonds. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment la danse, colonne vertébrale de cette errance identitaire, permet à Odette de tenir le cap. Frappée d’amnésie traumatique, la petite fille abusée ne parvient pas à mettre des mots sur sa souffrance ? Elle se jette dans la danse à corps perdus. Une danse viscérale, où elle met ses tripes sur la table, où elle cherche sans cesse à revivifier un corps marqué par les viols.

Dans ce film kaléidoscope, mêlant flash-back, séances de psy un peu surréalistes et récit classique, la danse est omniprésente parce qu’elle est la planche de salut de la jeune femme. De séances de krump exutoires en “choré” de comédies musicales, de casting alimentaires peu reluisants en cours de danse contemporaine où elle donne à voir les souffrances que son corps a intériosées, Andréa-Odette respire grâce à la danse. Des parenthèses – belle trouvaille du film – la montrent sur fond noir déployant une gestuelle très organique, singulière et bouleversante. Les Chatouilles évoque le sujet grave des violences sexuelles sur mineurs et c’est pourquoi il mérite d’être vu par le plus grand nombre. Il raconte aussi, avec beaucoup d’intelligence et de délicatesse, comment l’art peut sauver et aider à se reconstruire, malgré le pire.

 

Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer, avec Andréa Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps… – 1h43 – Sortie en salles le 14 novembre 2018.

 

Commentaires (2)

  • Très belle critique. Le sujet ne me tente pas mais le traitement de celui-ci semble vraiment très beau. Je l’ai noté dans ma liste 🙂

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  • j’avais vu le spectacle au théâtre, très marquant, j’ai hâte de voir ce que cela donne en film!

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