Monday, Sep. 25, 2023

[Sortie ciné] En corps de Cédric Klapisch

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30 mars 2022

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Une danseuse gravement blessée durant une représentation renoue avec l'envie de danser après avoir cru que sa carrière était terminée. Si En corps, le très attendu film de Cédric Klapisch, amoureux revendiqué de l'art chorégraphique, rejoue une partition connue du cinéma, il le fait avec son énergie habituelle en esquivant tant bien que mal les clichés (non, le tutu c'est pas cucul !). À l'exception de quelques ficelles scénaristiques dispensables, il confirme deux choses : le réalisateur n'a pas son pareil pour filmer la danse (tous les styles !) et pour laisser éclore devant sa caméra les acteurs et actrices en devenir. Le talent de Marion Barbeau, Première danseuse du Ballet de l'Opéra de Paris, était déjà connu. Dans En corps, son baptême du feu cinématographique, la jeune femme se révèle émouvante et convaincante. Sa grâce sauvage est très cinégénique.

En corps de Cédric Klapisch

Des ballerines en tutus et chauffe-jambes papotent entre deux étirements, des techniciens peaufinent les derniers réglages, ça s'agite dans tous les sens (l'occasion pour Cédric Klapisch de faire une apparition fugace comme il les affectionne) : l'ambiance normale qui précède le lever du rideau. En corps s'ouvre sur une impressionnante séquence d'introduction de plus de quinze minutes quasi muette. À la lisière du documentaire et de la fiction, cette immersion dans les coulisses puis sur scène d'une représentation de La Bayadère donne le ton. Rarement un film sur la danse nous a plongé.e.s avec autant de virtuosité et d'authenticité dans cet univers. Ce n'est pas spoiler que de raconter que, juste avant de monter sur scène, Élise, interprétée par Marion Barbeau, surprend son amoureux, également danseur de la compagnie, embrassant en catimini une autre ballerine. Bouleversée par cette découverte, la jeune femme se lance palpitante dans son rôle de Nikiya avant de s'effondrer durant l'acte blanc.

Le verdict médical, une grave blessure à la cheville, coupe la jeune danseuse dans son élan. Repos prolongé, perspectives de carrière en berne... Pour passer le temps, Élise décide de donner un coup de main à une copine et embarque dans son food-truck pour une résidence d'artistes en Bretagne. Par un heureux concours de circonstances, s'y installe la compagnie de danse contemporaine de Hofesh Shechter dans laquelle la jeune femme va finalement trouver sa place et retrouver le goût de danser.

En corps de Cédric Klapisch

En mettant au cœur de l'intrigue une héroïne en perte de repères suite à un accident de vie, En Corps s'appuie sur un ressort scénaristique dont le cinéma raffole. Après la chute, survient la renaissance. Élise va retrouver le chemin de la danse, cela sonne comme une évidence. Et ce faisant, elle opère une mue. En décidant de se frotter à d'autres univers que celui de la danse classique, la jeune femme s'affranchit de ses rêves de petite fille et découvre quelle danseuse elle est vraiment.

Comme d'habitude chez Cédric Klapisch, il se dégage de ce film des ondes positives et une énergie qui porte de bout en bout. Le personnage central est entouré de personnages secondaires qui compose une nébuleuse attachante. À des acteurs connus comme François Civil (en kiné amoureux  lunaire) ou Denis Podalydès (en père maladroit et un peu distant), s'ajoutent des danseurs comme  Mehdi Baki ou Robin Cassarino. Et bien sûr Hofesh Shechter dans son propre rôle. Les plus avertis reconnaîtront aussi Marion Gautier de Charnacé et même Germain Louvet dans une courte apparition. Impossible malgré tout d'échapper à quelques bons sentiments, quelques phrases bateau et quelques scènes un peu accessoires qui alourdissent le rythme.

En corps de Cédric Klapisch

Car Cédric Klapisch n'est jamais aussi bon que lorsqu'il filme la danse. En 2010, L'espace d'un instant dans lequel il suivait Aurélie Dupont avait levé le voile sur cette inclination personnelle. Visiblement, le réalisateur a imaginé En corps pour ouvrir les spectateurs et spectatrices à cet univers qu’il affectionne tant, en prenant résolument le contre-pied de la vision doloriste d'un film comme Black Swan. Il montre le quotidien des danseurs et danseuses, le travail sur le corps, les répétitions, le mode de vie communautaire d'une compagnie en création, l'exigence mais dans la joie. Il choisit aussi d'émailler son film de longues séquences dansées oscillant sans cesse entre documentaire et fiction. Combien de personnes étrangères au monde de la danse vont-elles ainsi découvrir le travail d'Hofesh Shechter avec ces extraits de Political Mother grâce à ce film ? Il y a de quoi s'en réjouir.

Au centre de tous les regards, Marion Barbeau étonne par son assurance face à la caméra. Le pari pouvait être risqué.Mais c'est l'une des réussites du film que d'avoir choisi une vraie danseuse pour interpréter ce rôle. Pas de doublage, pas de plans de coupe, la jeune femme est très présente, filmée au plus près, fragile sur la table de kiné comme en plein épanouissement dans la découverte du travail d'Hofesh Shechter. Elle garde une part de mystère et d'insondable qui confère un charme particulier à ce premier rôle. Au cinéma, sur scène, elle est incontestablement une artiste à ne pas perdre de vue.

En corps de Cédric Klapisch

En corps de Cédric Klapisch avec Marion Barbeau, Hofesh Shechter, Denis Podalydès, François Civil, Mrule Robin, Pio Marmaï… - 2h - En salles le 30 mars 2022.

 



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