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Noé Soulier : “La créativité n’est pas inventer de nouveaux mouvements, mais une manière de les éprouver”

Noé Soulier, directeur du CNDC d’Angers depuis juillet 2020, est l’invité du Festival d’Automne dans un programme intitulé 6 X Noé Soulier. Soit six pièces comme différentes entrées dans l’univers du chorégraphe, qui a déjà bâti une oeuvre majeure, fondée notamment sur une analyse de la conception du mouvement. Formé à la danse classique très jeune, il a construit un univers singulier en se nourrissant de différentes techniques et esthétiques, notamment à P.A.R.T.S., l’école fondée par Anne Teresa de Keersmaeker. Noé Soulier a aussi débordé du seul cadre de la scène pour créer dans d’autres espaces, notamment avec Passages à la Conciergerie à Paris ou la Villa Médicis à Rome. Ce portrait au Festival d’Automne donne à découvrir ses dernières créations First Memory et  Clocks and Cloud, aussi des pièces plus anciennes. L’occasion idéale pour DALP de rencontrer Noé Soulier, et de s’attarder avec lui sur son parcours, sa formation, sa passion pour l’histoire de la danse et les forces qui nourrissent ses créations.

Noé Soulier

Comment la danse est entrée dans votre vie ? 

Très tôt en fait ! J’avais 5 ou 6 ans et j’ai vu au Théâtre de Nîmes un spectacle de Merce Cunningham. Je n’ai pas tout compris mais ça m’a frappé. C’était sur une musique de John Cage et il y avait pour moi quelque chose de totalement hors du commun et différent de tout ce que j’avais vu jusque-là : je n’avais jamais vu personne bouger de cette manière. Ce choc esthétique fut très important. À Nîmes où nous habitions, il y avait aussi la présence de la danse dans la ville avec notamment la Feria. Ce sont des images confuses mais j’ai ces souvenirs de fête. Et puis de manière un peu plus habituelle, j’ai une grande soeur qui prenait des cours de danse classique. Je l’ai accompagnée. Je me souviens ainsi de cette atmosphère un peu étonnante. Deux ans après, nous avons déménagé à Montpellier, et à ma demande, mes parents m’ont inscrit aux cours de danse du CRR de la ville. J’ai eu beaucoup de chance car y enseignait Jean-Pierre Alvarez, un ancien danseur de la compagnie de Dominique Bagouet, qui avait un enseignement très riche et intelligent. J’avais sept ans, j’étais tout petit mais ça m’a tout de suite beaucoup plu. Puis nous sommes allés à Lyon où je suivais les cours du Conservatoire et enfin Paris où j’ai suivi le cursus classique du CNSMDP. Ensuite j’ai eu une bourse pour étudier deux ans à l’école du Ballet du Canada à Toronto. Enfin, j’ai passé quatre ans à P.A.R.T.S, l’école d’Anne Teresa de Keersmaeker. 

 

Et en tant que public, quel a été votre approche de la danse ? 

Si je suis entré dans l’école d’Anne Teresa de Keersmaeker à 19 ans, j’ai surtout pratiqué la danse classique de mes 12 à 19 ans. Mais mon rapport à la danse s’est fait davantage par la danse contemporaine en tant que spectateur. À Montpellier justement, j’ai vu des pièces de Dominique Bagouet, qui était mort peu de temps auparavant. J’avais vu Le Saut de l’ange remonté par la compagnie. En fait, je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque, mais Montpellier et Lyon où j’ai habité sont des villes de danse importantes. À Paris aussi,  je voyais beaucoup de spectacles au Théâtre de la Ville et au Théâtre de Chaillot. Ainsi, même au moment où je pratiquais essentiellement de la danse classique, c’est la danse contemporaine qui m’a nourri.

 

Et c’est cela qui vous a mené chez Anne Teresa de Keersmaeker ? Vous vouliez explorer d’autres vocabulaires? 

J’avais vu une tournée à Paris et j’avais été émerveillé par la diversité, l’énergie, ce sentiment d’expérimentation aussi qui était à l’oeuvre. À ce moment-là, c’était l’école dont j’entendais le plus parler pour la danse contemporaine. Elle avait aussi la réputation d’être très ouverte au niveau des esthétiques et des répertoires qu’elle convoquait. Elle était surtout très contemporaine. À l’époque, les cursus de danse contemporaine dans les conservatoires étaient très ancrés dans des techniques modernes, celles de Martha Graham ou Merce Cunningham. C’est toujours le cas alors qu’à P.A.R.T.S. ça commençait plutôt avec Trisha Brown, puis William Forsythe, Anne Teresa de Keersmaeker, Wim Vandekeybus, Pina Bausch… C’est-à-dire des années 1970 à aujourd’hui.  Je n’avais pas l’ambition de devenir un danseur de Rosas, la compagnie d’ATDK, mais je voulais découvrir. physiquement et intellectuellement le plus de choses possible.

J’ai eu très vite cette fascination de me dire : les possibilités de ce que je peux générer avec mon corps sont infinies, indénombrables.

Quelle était la place de la musique dans ce parcours ?

J’ai fait beaucoup de clavecin petit et c’était très utile pour appréhender la structure harmonique. Mais c’est un apprentissage très intuitif. On doit le faire en temps réel, on ne peut pas simplement étudier les règles harmoniques, il faut les éprouver. Aujourd’hui, cela me permet de déchiffrer assez facilement une partition au piano et cela m’a donné accès à la structure interne d’une partie de la musique occidentale. Un certain nombre de mes pièces sont influencées par des logiques compositionnelles qui viennent d’ailleurs d’époques très différentes. Mais il est vrai que mon monde musical premier, c’est vraiment celui de la musique baroque, de la musique classique et romantique. Plus tard, de la musique contemporaine et du jazz. J’ai davantage baigné dans cette esthétique que dans celle des musiques actuelles que j’ai découvertes beaucoup plus tard.

 

À quel moment avez-vous compris que vous vouliez être celui qui organise le mouvement et pas celui qui l’exécute ?

Très tôt ! Je crois que j’ai eu envie de chorégraphier avant d’avoir envie de danser. J’avais des petits carnets de chorégraphies quand j’étais très petit. Je faisais des petits bonshommes avec des bâtonnets et j’essayais de structurer des séquences de mouvements. J’ai eu très vite cette fascination de me dire : les possibilités de ce que je peux générer avec mon corps sont infinies, indénombrables. J’ai eu une fascination pour ça et pour la possibilité de pouvoir l’explorer.

 

Et vous avez compris que vous aviez le talent et les compétences pour le faire ? 

Pour être tout à fait honnête, je pense que l’on n’en a jamais la certitude. Même aujourd’hui il y a toujours un doute et on se dit : mais est-ce que c’est intéressant ce que je fais ? C’est assez sain d’avoir ce doute et en tout cas,  je n’étais pas du tout sûr de moi. Mais de l’avoir fait très tôt, ça développe des capacités de visualisation parce que c’est très difficile par exemple de fermer les yeux et d’essayer de chorégraphier mentalement, de faire bouger un corps imaginaire. On se perd très vite, on ne sait plus où on a laissé le genou. Un peu comme en géométrie, si on prend un volume et qu’on essaye de le faire tourner, de voir quel type de symétrie il y a dedans. C’est un entraînement mental et physique.

First Memory – Noé Soulier

Dans votre parcours et vos pièces, vous explorez une archéologie du geste. Comment cette interrogation s’est-elle ancrée dans vos chorégraphies ?  

Le déclic, c’est à P.A.R.T.S., quand on a dansé Set and Reset de Trisha Brown, ou plus exactement on a recréé une version de cette pièce. Plutôt que de réapprendre la pièce réellement telle qu’elle a été fixée, on a appris les phrases et on a retraversé les mêmes processus d’improvisation et de construction. De par ma formation classique, j’avais intégré la manière d’aborder le mouvement, de l’éprouver, de le percevoir, de le penser. C’est une certaine approche qui est à la fois conceptuelle et physique. Au premier abord, une chorégraphie comme Set and Reset ne rentre pas bien dans les cases de la danse classique et dans son mode de découpage. Et ça a  été génial parce que c’est cela qui m’a permis de me rendre compte que j’avais une manière d’aborder le mouvement qui était spécifique. Un peu comme quand on apprend une autre langue : on se rend compte des spécificités de sa langue maternelle qui avant nous semblait aller de soi, on ne questionnait pas le fait qu’une chose s’articule de telle ou telle manière. C’est cette idée, au fond, que différents vocabulaires chorégraphiques, différentes techniques, développent différents types de rapport au corps, une manière de mettre en action son propre corps.

La créativité en danse, elle n’est pas forcément dans le fait de créer de nouveaux mouvements mais plutôt de nouvelles manières d’éprouver le mouvement. 

La créativité en danse, elle n’est pas forcément dans le fait de créer de nouveaux mouvements mais plutôt de nouvelles manières d’éprouver le mouvement. En danse classique, la matrice fondamentale. Elle est plutôt géométrique : on forme des lignes, des arcs de cercle, des vecteurs… Dans Set and Reset en revanche, il y a cette question physique du poids, de l’inertie, de la gravité, de la force musculaire et de la manière dont ces différentes forces agissent les unes sur les autres. Bien sûr que, quand on fait de la danse classique, ces forces agissent aussi, mais elles ne font pas partie de la définition même du mouvement. Par exemple, si on fait une arabesque, il faut que l’on soit très précis sur le positionnement des jambes et des bras. Par contre, dans la manière dont la jambe va descendre, il n’y a pas un lâcher-prise de la jambe qui sera très spécifique. De la même manière, dans Set and Reset, au début on étend le bras sur le côté et puis on lâche le poids du bras. La manière dont on lâche le bras, dont on laisse agir la gravité,  est aussi importante que la direction du mouvement à ce moment-là. Ce n’est pas un détail car on obtient une qualité de mouvement très différente. C’est quelque chose que tout le monde voit. Si on regarde une pièce de Merce Cunningham et ensuite de Trisha Brown, on perçoit la différence de qualité de mouvement mais c’est difficile de la nommer. Et pour moi ce fut un moyen de commencer à développer une terminologie et des outils pour pouvoir le nommer. Ces outils permettent aussi de voir autre chose : c’est un aller-retour entre la pratique, l’expérience du mouvement et la manière dont on le conceptualise.

 

Dans votre parcours, il y a aussi la philosophie. Qu’est-ce qui vous a mené vers cette discipline ?

Ça s’est produit à P.A.R.T.S. J’ai fait une licence de philosophie par correspondance et quand je suis sorti, j’ai fait un master. Au début, c’est venu du fait qu’au moment où j’étais à P.A.R.T.S., il y avait un grand nombre de propositions conceptuelles dans la danse : Jérome Bel, Boris Charmatz, Tino Sehgal… Ils faisaient appel à beaucoup de références théoriques, même si de façon très différente. Également, dans l’enseignement à P.A.R.T.S., il y avait des sortes d’introductions à des théories très contemporaines de Gilles Deleuze, Michel Foucault ou Roland Barthes. J’avais envie de ne pas être passif par rapport à cela. J’étais un peu agacé par un usage très superficiel  de la théorie et de comprendre plus ou moins quelques concepts à la mode, de pouvoir les utiliser pour donner une sorte d’apparence de complexité ou de sophistication à ce que l’on faisait. Je n’avais vraiment pas envie de faire ça. Je voulais avoir plus d’outils  pour être actif.

Il y a beaucoup de points communs entre la philosophie et la danse.

 

 

C’était le point de départ, mais je pense qu’il y a beaucoup de points communs entre la philosophie et la danse. Parce que la question de la réflexivité est pour moi très présente en danse, l’on agit sur son propre corps. Dans notre vie quotidienne, on agit davantage sur des objets extérieurs et le corps s’efface devant les buts que l’on se donne. En danse, on prend son propre corps pour cible et ça crée un type de rapport à soi très particulier. Par exemple, la question de la conscience ou du langage qui sont des grandes questions de la philosophie. En danse, il y a un peu la même chose de mettre entre parenthèses l’utilité des mouvements humains pour éprouver ce qui s’y joue. Mais en fait, je me suis passionné pour la philosophie et finalement, j’ai étudié des auteurs qui n’étaient pas ceux que j’ai cités et qui étaient alors dans le champ de l’art contemporain. Mais cela donne des outils pour organiser des possibles et entrevoir des directions, des paramètres auxquels je n’aurais pas pensé autrement.

 

Le Centre National de Danse Contemporaine d’Angers est un lieu unique  et précieux en France. C’est une institution prestigieuse qui rayonne internationalement. Qu’est ce qui vous a donné envie d’en prendre la direction ?

Ce qui est unique au CNDC, c’est le fait de réunir dans une même institution un centre de création où je peux développer mes propres projets, mais où on accueille aussi beaucoup d’artistes en résidence qui viennent créer, que l’on produit et que l’on accompagne. Une programmation qui nous permet de montrer des artistes dans la saison ou durant le festival. Et une formation. Je trouvais cela incroyablement stimulant d’imaginer un projet chorégraphique qui prenne en compte ces trois dimensions. Je pense aussi que la question des écoles est centrale dans l’histoire de la danse. Comme la danse, c’est quelque chose que l’on construit ensemble, la question de l’élaboration de nouveaux langages chorégraphiques se fait à travers des pièces. Mais aussi à travers des ateliers, des cours, un écosystème comme celui d’une école et d’un centre de création où se croisent des équipes artistiques. L’enjeu était que la réflexion et les interrogations qu’il y a derrière mon travail puissent ne pas être explorées uniquement à travers des pièces, mais via un projet qui puisse aussi être transformé et réinventé par d’autres, étudiants ou artistes. C’est extrêmement nourrissant et fascinant comme expérience.

Faits et Gestes – Noé Soulier

Est venue aussi cette proposition du Festival d’Automne : Six fois Noé Soulier. Comment avez-vous conçu ce portrait ? 

Il y avait cette idée de vraiment explorer des lieux très différents dans leur architecture ou leur public, aussi dans leur histoire artistique. Et qu’il y ait toujours une dimension singulière pour chaque projet. Et ce n’est pas une rétrospective.

 

On y verra vos deux dernières créations. Pouvez-vous nous en parler ? 

First Memory, une pièce que j’ai créée au printemps 2021, a été générée par improvisation, ce qui était nouveau dans mon travail. Il y a le risque dans l’improvisation très libre de revenir à des automatismes. À l’opposé, écrire comme je l’ai fait depuis de nombreuses années, mouvement par mouvement, amène aussi des automatismes. Ce ne sont pas des réflexes physiques mais des manières de structurer et de penser qui, au bout d’un moment, sont difficiles à renouveler. L’idée avec First Memory est de se mettre volontairement dans une situation où on va devoir utiliser sa spontanéité motrice pour résoudre un problème afin de déjouer la prévisibilité, si je puis dire, à la fois de l’improvisation et de la planification. Il y a alors quelque chose de très instinctif, de très intime qui va se déclencher et qui est très spécifique à chacun et chacune. avec une charge émotionnelle et un type d’intensité qui me passionne.

Il y a aussi une création, Clocks and Clouds, qui unit le CNDC et le CNSMDP avec l’Ensemble Intercontemporain. C’est un projet avec 40 danseurs et danseuses et 13 instrumentistes. Ce qui m’intéresse dans ce projet, c’est de chorégraphier pour un large groupe sans utiliser des procédés qui soient déjà très identifiables. Souvent, quand on travaille avec un large ensemble, si on ne veut pas être dans un chaos immédiat, on donne une règle qui vient d’en haut. Par exemple, tout le monde dans la même direction, ou faire une vague, ou une accumulation. Ce sont des choses que l’on voit beaucoup sur les scènes et je trouvais intéressant de trouver des processus plus organiques, plus décentralisés, qui font appel à l’initiative de chaque interprète à l’endroit où il est. Et puis le choix de la musique de Gyorgÿ Ligeti s’est imposé parce que je trouve qu’il y a une vraie parenté avec le travail qu’il a fait sur la micro-polyphonie.

L’exploration de l’histoire de la danse et de son potentiel d’innovation est infinie

Vous avez finalement une manière très “work in progress” de travailler ? 

Parfois je connais bien le “process”. Mais il y a plusieurs étapes, comme construire les matériaux, les assembler. Il y a toujours beaucoup d’inconnues. Si j’arrive avec un projet qui est trop défini, ça veut dire qu’il n’a pas besoin d’être créé…

 

Si on observe votre parcours, vous semblez imprégné de l’histoire de la danse. Et que vous vous placez à un certain moment de cette histoire. 

Absolument. Pour moi, c’est central. D’abord parce que je trouve cette histoire de la danse incroyablement riche et mal connue, même de moi-même. C’est une histoire assez mystérieuse parce qu’il y a beaucoup d’oeuvres qui ne sont plus là, d’autres auxquelles on a un accès indirect. Il était complètement impossible pour moi, par le fait d’avoir traversé de nombreux vocabulaires chorégraphiques du XXe siècle, de trouver ma propre singularité créative en ignorant et en mettant de côté tout ça. La seule voie possible, c’était de digérer cette histoire, d’aller le plus loin possible dans la compréhension. À partir du moment où on connaît, cela nous influence, qu’on le veuille ou non. Pour moi, la seule manière d’être influencé de façon constructive, c’est peut-être d’en inventer une interprétation, d’arriver à poser un regard sur cette histoire qui me soit propre. L’originalité de ce que j’arriverai à créer sera fonction de l’originalité du regard que j’arriverai à poser sur cette histoire. J’adore travailler par rapport aux strates de cette histoire-là.

Je me suis surpris à voir arriver dans mes dernières pièces des arabesques. À la fin de First Memory il y a un long duo entre deux danseuses avec des extensions très grandes, une espèce de corps-à-corps avec toutes sortes de façons d’attraper le corps de l’autre, pas  avec les mains mais avec toutes les accroches possibles : le cou, les coudes, les genoux, les aisselles. C’est un peu un pas de deux influencé par Les Quatre Tempéraments ou Agon de George Balanchine, qui sont des oeuvres que j’admire, aussi des pas de deux de William Forsythe dans Artifact. L’exploration de cette histoire et de son potentiel d’innovation est infinie. 

 

6  X Noé Soulier au Festival d’Automne du 16 septembre au 8 janvier

Fragments, un film de Noé Soulier, Bourse du Commerce Pinault Collection – du 30 septembre au 2 octobre.

Le Royaume des Ombres, Signe Blanc, Portrait de Frédéric Tavernini – La Briquetterie CDCN du Val-de-Marce – Les 12 et 13 octobre.

First Memory – Centre Pompidou – Du 16 au 19 novembre.

Faits et Gestes – Salle Jacques Brel- Fontenay-sous-Bois  le 26 novembre – Maison de la musique de Nanterre les 9 et 10 décembre.

Clocks and Clouds – Le Carreau du Temple – Du 6 au 8 janvier 2023. 

 



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