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2013, l’année du Sacre : la version de Thierry Thieû Niang

Mercredi 12 septembre 2012. … du printemps! de Thierry Thieû Niang au Théâtre de la Ville. Avec 25 seniors et Patrice Chéreau.

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On ne le dira jamais assez, 2013 marquera les 100 ans du Sacre du Printemps. Donc forcément, la saison qui s’annonce est remplie de relectures de ce ballet mythique, sur la non moins mythique musique d’Igor Stravinski.

L’opération 2013, l’année du Sacre a démarré pour moi la semaine dernière, et premier ballet de la saison par la même occasion. Et là, au moment d’écrire ma chronique de ce ballet, je suis bien embêtée.

Les danseurs et danseuses de … du printemps! sont des “séniors”, comme ont dit dans le langage politiquement correct. Des amateurs de 60 à 90 ans, qui montent sur scène, et se livrent corps et âmes au public. Les voir au moment des saluts a quelque chose d’extrêmement émouvant. Ils et elles sont là devant nous, les corps fatigués par la vie et ce qu’ils viennent de danser, sans apparat, juste en sous-vêtements pour certains. On sent qu’ils et elles ont tout donné, et qu’ils sont content-e-s d’être là. Et pour moi, public si facile, c’est désarmant. Que l’on soit clair, cette pièce n’a aucun intérêt, mais qu’en repensant à ces 25 visages devant moi, je me sens presque honteuse d’écrire une chronique cassante.

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Le projet remonte déjà à sept années. A cette époque, Thierry Thieû Niang publie un annonce, recherchant des personnes âgées “prêtes à aborder la question du corps vieillissant, de la mémoire du corps“. Il n’y avait au début aucune idée de spectacle derrière la tête. Ces ateliers se sont multipliés, changeant de thématiques, et s’accrochant de plus en plus à l’histoire de la danse. Travailler sur Le Sacre du Printemps est d’abord une idée de ces néophytes séniors. Le résultat a été montré aux amis, à la famille, jusqu’à atterrir par le jeu du bouche à oreille au festival d’Avignon 2011. Succès critique, cela a suffi à monter une tournée.

Ce que l’on voit sur scène est pourtant assez déstabilisant. Des gens qui courent, en rond. Il y en a un qui, dès le début, impose le rythme. Il court, et ne s’arrêtera plus durant toute la pièce. Les autres le rejoignent, courent avec lui, coupent le cercle. Puis chacun, usé, fatigué par cette course, se retire petite à petit. Il n’en restera plus qu’une au finale, l’Elue.

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Derrière tout cas je ne doute pas qu’il y a eu une réflexion sur le geste, la course du temps, la fatigue des corps. Mais le résultat, pour le public, ne dépasse pas le stade de gens qui courent en rond. Pendant 40 minutes. Et sans émotion palpable. Un atelier d’expression corporel peut être le plus passionnant qui soit, la finalité ne mérite pas forcément d’être montré sur scène, ou en tout cas en dehors du cercle familial-amical. Je suis peut-être terriblement ringarde et passéiste, mais quand je vais voir un spectacle de danse, et bien j’aime bien voir de la danse, des gestes qui expriment. Pas des gens qui courent en rond (je repense à ces 25 visages, j’ai honte, si  l’un d’entre eux me lit qu’il me pardonne). Cruel rampe qui parfois est un véritable mur de béton.

Néanmoins, … du printemps! restent sauvé par trois choses : les saluts (j’en ai parlé plus haut), l’enregistrement choisi (la version de Boulez de 1969 par le Cleveland orchestra, sublime), et Patrice Chéreau. Car cette pièce est aussi un hommage au Sacre d’origine, qui a tellement marqué l’histoire de la danse sur laquelle se sont penchés ces séniors. Le spectacle commence ainsi par la lecture d’extraits des Carnets de Nijinski. L’acteur est seul en scène, les apprentis danseurs et danseuses le regardant de loin. Et Patrice Chéreau nous livre Nijinski dans toute sa splendeur, ses failles, ses doutes, son ego et son amour fou de la danse. C’est bouleversant et magique. A vous de voir si cela vaut le coup de faire le déplacement uniquement pour lui.

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.. du printemps! de Thierry Thieû Niang au Théâtre de la Ville jusqu’au 20 septembre.

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