Cold Blood de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael
Après une brève pause, Michèle Anne De Mey et Jaco Van Dormael sont de retour au théâtre La Scala de Paris avec le Collectif Kiss and Cry pour y présenter leur second opus, mettant de nouveau sur scène leur art virtuose de la miniature et de la danse des doigts. Utilisant le même dispositif, Cold Blood créé en 2015, se confronte au thème de la mort sur le mode de l’humour noir. La technique inventée pour Kiss and Cry s’est peaufinée, affinée pour présenter une œuvre singulière, drôle, pleine de références à la danse : 75 minutes d’enchantement pour les yeux.
Il y a deux types de spectatrices et de spectateurs qui abordent Cold Blood. Celles et ceux qui, séduits par Kiss and Cry, spectacle fondateur qui a fait le tour du monde, veulent prolonger l’aventure. Ce travail unique où l’image se créée en direct sur grand écran alors que les artistes et les cameramen animent de concert ce monde miniature où les lieux, les objets sont lilliputiens et les être animées figurés par des doigts qui bougent avec une dextérité époustouflante. Les autres, qui découvrent ce procédé artistique singulier, y prendront tout autant de plaisir. Kiss and Cry explorait le thème de l’amour sur le mode du souvenir et de la réminiscence. Cold Blood évoque la mort avec le texte écrit par Thomas Gunzig sur sept façons de mourir. Rien de morbide pour autant ! On rie très souvent des situations absurdes ou comiques. Et comme dans Kiss and Cry, tout est montré : le travail minutieux des cameramen, les manipulations des objets, les maquettes qui se succèdent, une forêt, une cité-dortoir, un intérieur cossu où les portes s’ouvrent et où les pièces défilent.
Bien sûr, il n’y a plus l’effet de surprise et même de sidération que l’on ressent lorsqu’on a déjà vu le précédent spectacle de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormae. Mais c’est tout aussi jouissif. Car Cold Blood est truffé de trouvailles : une scène en noir et blanc de natation synchronisée dans la meilleure tradition hollywoodienne, un numéro de claquettes où deux dés à coudre fixés aux doigts débordent d’agilité, une séance de cinéma dans un drive-in, une séquence stroboscopique où les mains se démultiplient. Mais le clou du spectacle – du moins pour les balletomanes ! – c’est la réplique en miniature du Boléro de Maurice Béjart. Tout y est : la musique de Ravel, la table rouge et sur cette table des doigts qui miment la célébrissime chorégraphie. Jolie clin d’œil de Michèle Anne De Mey qui a fait ses classes à l’école Mudra fondée à Bruxelles par Maurice Béjart.
Ce qu’ont inventé Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael, cette nano danse live, dessine un univers qui est un tour de force technique et artistique mais qui va au-delà. Ce monde en réduction nous offre un voyage intime dans nos émotions, un monde en raccourci d’une infinie poésie et qui nous emmène dans un espace onirique et presque fantastique. Il faut accepter de s’y plonger comme dans une aventure solitaire, un moment de beauté dont on ressort émerveillé.
Cold Blood de Michèle Anne de Mey et Jaco Van Dormael au Théâtre Scala Paris. Avec Grégory Grosjean, Gabriella Iacono, Ivan Fox, Bruno Olivier, Stefano Serra, Julien Lambert, Aurélie Leporcq, mixé en direct par Boris Cekvada. Mardi 10 janvier 2019. À voir jusqu’au 26 janvier.