CNSMDP, CNSMDL, Académie Princesse Grace : leur suivi pédagogique et leurs préparatifs de rentrée
Si quelques compagnies de danse font timidement leur rentrée, les écoles de danse professionnelles et Conservatoire Supérieurs ne rouvriront leurs portes qu’en septembre. Ce qui pose pour ces établissements de multiples problématiques : la continuité pédagogique bien sûr, avec plus de trois mois de cours à assurer à distance avec des élèves du monde entier, mais aussi la question des examens de fin d’année, du recrutement de nouveaux élèves, et bien sûr de la rentrée de septembre à préparer dans des conditions particulières. Alors comment ces écoles s’organisent-elles ? Cédric Andrieux directeur des études chorégraphiques du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris – CNSMDP, Kylie Walters directrice des études chorégraphiques du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon – CNSMDL et Luca Masala directeur de l‘Académie de Danse Princesse Grace, nous ont expliqué comment ils mettent tout en oeuvre pour continuer à former leurs apprenti-e-s danseur-se-s, et comment la rentrée de septembre se prépare.
Pas de reprise avant septembre
Les écoles de danse professionnelles et Conservatoires supérieurs ont été, comme tous les établissements scolaires, obligés de fermer dès le 16 mars suite à la crise sanitaire. En espérant à l’époque, comme là encore toutes les écoles, pouvoir rouvrir leurs portes dans les semaines suivantes, pourquoi pas après les vacances de Pâques en mai. Mais très vite, l’impossibilité d’une rentrée avant septembre s’est imposé. Les deux CNSM, étant des établissements supérieurs, doivent rester fermés jusqu’à l’année scolaire suivante, même s’ils accueillent dans leurs classes de nombreux lycéens.
Pour les classes de danse du CNSMDL, la rentrée a ainsi été fixée au 7 septembre. « J’ai maintenu l’idée d’une reprise en juin le plus longtemps possible, mais je me suis dit que ça n’était pas réaliste et que ça mettrait tout le monde en danger, professeur-e-s comme élèves« , explique Kylie Walters. « Les limites de la santé publique ont été ma première considération. On a essayé de réduire, de simplifier… mais ça devenait intenable. On a passé trop de temps à faire des plannings pour les jeter la semaine suivante. J’ai préféré que l’on se concentre sur une rentrée saine et solide plutôt que de s’éparpiller sur des combinaisons qui ne verront jamais le jour« . Même choix pour Cédric Andrieux au CNSMDP, dont la rentrée des classes de danse est fixée au 3 septembre. « La décision a été actée en avril. le CNSMDP est un établissement d’enseignement supérieur de 1.300 élèves, ces décisions ont été prises à l’échelle de l’établissement, avec beaucoup d’inconnus scientifiques quant à la pratique de la danse« .
L’année scolaire n’est pas finie, elle continue sur un autre format« .
L’Académie de Danse Princesse Grace, n’étant pas légalement un établissement supérieur français, aurait pu rentrer au printemps. Mais là encore la décision d’une reprise en septembre a été actée rapidement, du fait que l’immense majorité des élèves viennent de l’étranger. « Nous réfléchissons aussi à ouvrir en août et faire revenir nos élèves plus tôt« , explique Luca Masala. Les stages d’été sont pour l’instant maintenus, mais ouvert uniquement aux élèves de l’Union européenne et du Royaume-Uni. Pas question pour autant d’avoir une année terminée prématurément. « J’insiste auprès de mes élèves : l’année scolaire n’est pas finie, elle continue sur un autre format« .
La continuité pédagogique
Car c’est bien la grande occupation de ces directeurs et directrices jusqu’à la fin juin : maintenir un enseignement pour tous les élèves. « C’est ce qui nous occupe le plus jusqu’au 26 juin », assure Cédric Andrieux. « Nous avons 120 heures d’enseignement en ligne hebdomadaire pour toutes les classes, des AP au DNSP3 garçons et filles, danse classique et contemporaine, et pour le deuxième cycle« . Les élèves de danse classique ont un cours particulier et un cours collectif par semaine en direct, ainsi que des fiches d’exercices à renvoyer en vidéo. La section danse contemporaine a un à deux cours par jour et un cours de danse classique par semaine. Tous ont deux cours de yoga hebdomadaires, un travail de recherche et d’improvisation et leurs cours théoriques habituels : culture chorégraphique, formation musicale et analyse fonctionnelle du corps dans le mouvement dansé (AFCMD). Le pôle santé, qui a été étoffé depuis 18 mois, a aussi été mis à contribution, avec « de la préparation physique, des conférences autour de la nutrition, etc« . Des travaux sont d’ailleurs prévus cet été au CNSMDP pour que ce pôle santé bénéficie de nouveaux équipements avec un espace dédié.
Au CNSMDL, « chaque classe a entre 2 à 5 heures de cours par jour« , précise Kylie Walters. Des cours en direct sur Zoom ou des liens vers des barres ou des barres à terre, selon l’envie des professeur-e-s. « Ils ont aussi un entraînement quotidien pour le renforcement musculaire et des exercices de modélisation, entre l’imaginaire motrice et l’exécution réelle des mouvements, qui sont très efficaces. Chaque élève a reçu un document, au cas où la connexion internet poserait problème« . Les professeur-e-s ont aussi mis en place des ateliers chorégraphiques « très appréciés par les étudiant-e-s« , avec un travail autour de différents univers comme Le Sacre du Printemps de Pina Bausch ou les comédies musicales des années 1920. Et leur restitution donne parfois lieu à des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux du Conservatoire.
À l’Académie Princesse Grace, la forme de cette continuité pédagogique a soulevé quelques questions. « Nous nous sommes demandé si cela servait de faire des classes, avec le risque de voir des élèves travaillant sur un mauvais sol revenir avec des blessures. Cela peut passer si l’on tient un ou deux mois, pas trois ou quatre », explique Luca Masala. La classe de danse classique reste néanmoins au coeur de cette continuité pédagogique. « Les élèves ont une classe de deux heures et une classe technique par jour, par Zoom en direct ou par un lien vidéo donné par leur professeur-e, où ils doivent se filmer pour recevoir des corrections« . Des cours particuliers avec le directeur ont été rajoutés, ainsi qu’un travail créatif important. Les élèves diplômés ont ainsi travaillé sur du répertoire qu’ils pourront aborder dans leur future compagnie l’année prochaine. Olivier Lucea, qui assure les cours de composition, a lancé plusieurs exercices, comme créer un pas de deux chez soi, avec un membre de sa famille ou un objet du quotidien. Et « les élèves ont une créativité fantastique« .
Garder la motivation et la progression
Familles nombreuses avec un seul ordinateur, espace réduit d’un petit studio d’étudiant… Les environnements ne sont pas forcément évidents pour les apprentis danseurs et danseuses. Les trois établissements ne comptent cependant pas de décrocheurs. « Certains étudiants ont décroché au début, mais avec un peu de flexibilité, on a réussi à les garder avec nous. C’est vraiment grâce aux professeurs et à leur dévouement formidables« , souligne Kylie Walters. « Ils ont vraiment donné de leur temps pour ne laisser aucun-e étudiant-e de côté« . Quitte à les appeler régulièrement, à parfois dédoubler un cours pour que les élèves étrangers puissent le suivre avec le décalage horaire ou être plus souple sur les rendus des devoirs. « C’est du cas par cas et c’est très chronophage mais on a réussi« . Même constat, mêmes moyens – et mêmes remerciements – pour le Conservatoire parisien. « Il y a eu une mobilisation extraordinaire de l’équipe pédagogique et administrative, et une réponse des élèves qui se décarcassent pour faire ce qu’il faut« , appuie Cédric Andrieux, qui ne remarquait en mai « aucun décrochage« .
Reste la question de la progression des élèves. Une carrière dans la danse démarre tôt et chaque semaine de travail compte. « Nous pouvons maintenir la même exigence, mais pour moi il n’y a pas de progression possible« , explique Kylie Walters. « Il s’agit avant tout de maintenir le niveau, même si on sait que nous allons retrouver les danseurs et danseuses avec un cardio moins bon« . Cédric Andrieux se veut plus optimiste : « On vise la progression, mais les élèves ne progresseront pas forcément sur les mêmes choses. Ils peuvent progresser sur l’autonomie, leur capacité à développer leur propre pratique, leur désir qui est très moteur et qui doit avoir sa place dans la formation. On progresse aussi dans la communication« . Et de profiter aussi de ce temps pour effectuer un travail de renforcement physique que les étudiant-e-s n’ont pas forcément le temps de faire dans l’année. « On n’est pas du tout en train de perdre notre temps. Mais rien ne remplace le cours, le groupe, le-la professeur-e. Ça, c’est irremplaçable et aucun outil numérique ne peut le faire« .
Certains étudiants ont décroché au début, mais avec un peu de flexibilité, on a réussi à les garder avec nous. C’est vraiment grâce aux professeurs et à leur dévouement formidables.
Examens et contrôles continus
Pour les trois écoles, la même décision a été prise : si des redoublements peuvent être envisagés, aucun élève ne sera renvoyé. Les deux CNSM ne feront pas d’examen, mais un contrôle continu avec les notes du reste de l’année. « Nous les avons notés sur l’ensemble du premier semestre et cinq semaines du deuxième semestre, un temps où ils ont aussi été sur scène, ce n’est pas rien« , souligne Kylie Walters. À l’Académie Princesse Grace, les élèves restent évalués pendant le confinement. « Nous observons comment ils s’auto-disciplinent, grandissent psychologiquement. Ils ont aussi des petits exercices à envoyer, faisables dans un petit espace« , souligne Luca Masala. Et pour les élèves de dernière année, c’est toute leur scolarité à l’Académie qui est évaluée. « Le diplôme n’est donc pas juste une note finale d’un examen, mais tout un parcours sur les quatre ou cinq ans qu’ils ont passées chez nous« . Seule (grosse) déception pour ses élèves : ne pas avoir leur dernier spectacle sur la scène de l’Opéra, annulé avec la crise sanitaire. « Leur priver de ça, c’est dur. Mais j’espère qu’une partie du spectacle de 2021 pourra être dédié à ces 11 élèves et qu’ils pourront revenir danser une dernière fois à Monaco« .
Dans les deux CNSM, le Certificat d’interprétation qui valide la fin des études se terminera en contrôle continu, et la grande épreuve, composée de plusieurs variations et compositions, est annulée. Elle intervient chez les DNSP3 (fin de premier cycle) à Paris et en DNSP2 à Lyon (le DNSP3 étant consacré au Jeune ballet). « Cela a été l’une des décisions les plus difficiles à prendre » pour Cédric Andrieux. Mais les élèves auront tout de même de quoi travailler : chacun doit rendre un projet personnel, une recherche sur leur composition ou une pièce du répertoire, qui sera examiné par le jury qui aurait dû les noter lors du Certificat d’interprétation. « Et les 25 et 26 juin, où auraient dû avoir lieu les épreuves, il y aura un moment d’échange entre le jury et les élèves individuellement, par Zoom. Pour moi, il était important et nécessaire que les élèves soient évalués par un regard extérieur, par un professionnel qui pourra être leur futur employeur. C’est l’une des grandes vertus de ce Certificat, avec celle bien sûr de prendre la scène qu’on ne peut pas remplacer« . Même si Cédric Andrieux souhaite que les élèves qui le veulent puissent présenter leur variation ou leur composition lors d’un spectacle programmé le 5 décembre prochain, qui fêtera les 30 ans de l’installation du CNSMDP dans ses locaux de La Villette.
Au CNSMDL, les élèves ont encore une année d’enseignement après ces épreuves, mais elle est consacrée au Jeune Ballet, à l’emploi du temps déjà bien rempli et auquel il n’est pas possible d’y rajouter cet examen. « Si l’ouverture des frontières le permet, Ioannis Mandafounis viendra travailler avec eux dès l’automne, puis ce sera Annabelle López Ochoa. C’était trop compliqué d’y décaler l’épreuve du Certificat« , explique Kylie Walters.
Nouveaux et anciens élèves
Une année nouvelle dit forcément des élèves nouveaux. Au CNSMDP, les auditions de recrutement étaient déjà terminées. Elles n’avaient pas contre pas encore eu lieu au CNSMDL. « Comme on ne sait pas quelle sera la situation, et que notre recrutement est international, nous allons démarrer une première phase de recrutement par vidéo, même si l’on est conscient que les candidats devront parfois se filmer dans des conditions compliquées. Avec l’équipe pédagogique, nous réfléchissons à des choses réalisables par tout le monde« , continue Kylie Walters. « Si le déconfinement avance bien, nous envisageons un deuxième tour dans les studios fin août ou début septembre, ce qui est très tard. La rentrée des nouveaux serait donc décalée de deux semaines pour que chacun puisse s’organiser. Si les mesures sanitaires ne le permettent pas, le deuxième tour sera aussi en vidéo« .
À l’Académie Princesse Grace, le recrutement pour la rentrée suivante se fait tout au long de la saison, au gré des concours, rencontres ou stages d’été. Sur les 11 places de disponibles, les 4 garçons ont été recrutés. Mais seules deux filles sur les huit places disponibles vont pour l’instant faire leur entrée en septembre dans l’école monégasque. « Je n’aime pas vraiment recruter un élève sur vidéo« , explique Luca Masala. « Je pourrais néanmoins en prendre un sur un coup de coeur, je reste ouvert. Mais je préfère au final avoir une promotion plus petite« .
Pour les élèves qui terminent leurs études à Monaco, il n’y a pas d’inquiétude pour la saison prochaine : tous les élèves ont décroché un contrat dans une compagnie. Ce n’est pas forcément le cas dans les deux CNSM, dont certains ont vu leur stage de fin d’étude écourté. À Paris, les élèves terminant leur premier cycle (DNSP3) peuvent se présenter en deuxième cycle chez l’Ensemble chorégraphique, dont l’audition se fera sur dossier et entretien. Cédric Andrieux travaille pour que ceux et celles n’y rentrent pas ou ne souhaitent pas y rentrer puissent garder leur statut d’étudiant jusqu’en décembre. Ceux et celles qui terminaient leur deuxième cycle étaient en stage d’insertion au moment du confinement, là encore un travail est fait pour que ce stage puisse reprendre à la rentrée. Au CNSMDL, il est trop compliqué de garder une année de plus les élèves qui n’auraient pas de contrat, la promotion suivante étant déjà complète, d’autant plus si les cours doivent être assurés avec une distanciation. « C’est une période très angoissante pour eux« , remarque Kylie Walters. « Certains ont pu décrocher des contrats. Mais la plupart des auditions ont été annulées et les compagnies de danse sont dans le flou, par rapport aux spectacles, aux engagements possibles… On a peu de visibilité et les élèves doivent se préparer à un moment d’attente« . Elle négocie avec le CND de Lyon pour que les anciens élèves puissent avoir des facilités pour suivre les cours quotidiens réservés aux professionnels.
On ne sait pas comment va évoluer le virus, alors nous imaginons le pire, sachant qu’il est plus simple d’enlever des contraintes que d’en rajouter ».
Une rentrée surveillée
Si la date de rentrée est actée, comme expliquée au début de l’article, un gros point d’interrogation se pose sur le comment. « Nous sommes en train d’élaborer des mesures sanitaires avec notre pôle santé« , explique Kylie Walters. « Nous envisageons d’avoir une désinfection des studios et barres après chaque cours. Mais comment donner un cours avec une distanciation ? Sans aucune correction tactile, en réfléchissant au placement au milieu, sans cours de pas de deux« . La directrice regarde aussi du côté des visières protectrices, plus simples pour danser que le masque. « On ne sait pas comment va évoluer le virus, alors nous imaginons le pire, sachant qu’il est plus simple d’enlever des contraintes que d’en rajouter« . Cédric Andrieux planche lui sur deux scénarios : un planning normal et un planning aménagé, « avec effectif réduit, sans pas de deux, en réfléchissant au parcours entre les studios et l’aération des locaux« .
Mais leur grande préoccupation reste pour tous la santé des élèves. « Le pôle santé travaille pour envoyer à tout le monde des protocoles de reprises pour le mois d’août et d’imaginer ce que pourra être la reprise. Il y aura une rentrée aménagée pour tout le monde« , continue Cédric Andrieux. « Chaque professeur va redémarrer très progressivement, le Jeune Ballet aura un peu plus de temps avant de reprendre le travail avec les chorégraphe« , approuve Kylie Walters.
Une rentrée encore dans le flou, mais attendue par tout le monde. « Certain-e-s étudiant-e-s sont plus affectés que d’autres, mais ils s’accrochent beaucoup au collectif. Je suis très fier des élèves, de leur engagement, des leçons qu’ils nous apportent tous les jours. Je suis très très fier de travailler avec cette équipe pédagogique qui s’est mobilisée de façon extraordinaire. J’attends comme tout le monde avec impatience quand et comment nous pourrons reprendre. Je ne m’attends pas non plus à ce que l’on me dise tout : ce seront des choses à inventer et à trouver« , conclut Cédric Andrieux. Même état d’esprit pour Kylie Walters : « C’est du sur-mesure et nous inventons au fur et à mesure« , tout en soulignant la « solidarité » avec ses collègues directrices et directeurs. « En tant que directeur, on se doit de rester positif, nous parlons à des jeunes qui ont peur« , termine Luca Masala. « Quand nous reprendrons, nous aurons tous mûri et nous verrons les choses d’une façon différente. L’amour pour l’art grandit« .
Bellomo Delbrel
Merci pour vos articles !
Spiteri alain
Il ne faut pas se leurer avec de faux espoirs l’enseignement supérieur de la Danse et le niveaux professionel est en chute libre pour la Décennie à venir , le niveau Danse comme le niveau instrumentiste ne permets pas une diminution du travail quotidien , me pb pour linstrumentiste nest oas le meme que pour le Danseur , seul dans son studio de la salle Pleyel ( â mon epoque ) cest le quptidien du pianisteil en est tout autre du Danseur , je suis réaliste le niveau du Danseur professionel ne peut être maintenu dans la Décennie à venir avec un virus qui ne disparaitra qu’avec un remede medical pas un vaccin les virus mutent