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Jungle Book Reimagined – Akram Khan

Comment Mowgli, l’enfant du Livre de la Jungle, peut-il nous désiller les yeux face à l’urgence climatique ? C’est le pari d’Akram Khan et de son équipe artistique dans cette version revisitée du célèbre recueil de contes de Rudyard Kipling. 130 ans après la parution de cet incontournable de la littérature britannique, le chorégraphe propose un Jungle Book Reimagined qui fait entendre le cri d’une nature souffrante et d’une planète à bout de souffle. Un spectacle narratif (un peu trop !, notamment pour un jeune public) où la technologie permet des effets visuels certes étonnants, mais qui étouffent parfois la danse. Si le message touche par sa pertinence, difficile d’être complètement convaincue par cette proposition d’un chorégraphe qui a pourtant toujours su nous chavirer par l’esthétique de ses pièces.

Jungle Book Reimagined d’Akram Khan

Sans avoir lu le recueil de Rudyard Kipling datant de la fin du XIXe siècle, l’histoire du jeune Mowgli, ce “petit d’homme” élevé par une meute de loups, ne nous est pas étrangère, largement popularisée par Disney. Que peut-elle nous raconter aujourd’hui, à nous adultes et surtout aux enfants du XXIe siècle ? Beaucoup, assurément, de notre rapport à la nature, aux animaux, de notre besoin d’appartenance à une communauté, de la nécessaire urgence à préserver une planète secouée par tant de maux et de tempêtes. En souvenir du petit garçon de 10 ans qui interpréta Mowgli dans un spectacle de danse indienne, Akram Khan puise dans cette fable intemporelle et en propose son interprétation ancrée dans la réalité contemporaine de l’urgence climatique.

L’intention est pertinente, la mise en scène ambitieuse et originale. Pour cette pièce, tout public à partir de dix ans, le chorégraphe a imaginé un spectacle à la lisière du musical (même si personne ne chante dans Jungle Book Reimagined). Pour mettre en actes ses convictions, nul décor traditionnel mais des projections vidéos pour créer un écrin numérique à la dizaine d’interprètes. Le champ des possibles est ainsi infini : même les éléphants envahissent le plateau de leur démarche chaloupée. La jungle urbaine a remplacé la jungle indienne. Mowgli est devenu fille (une concession à un souhait de la propre fille du chorégraphe) et les animaux symbolisent des réfugiés errants dans un monde qui part en ruines enseveli sous la montée des eaux. La gestuelle des danseuses et danseurs reproduit les mouvements souples des animaux, y compris les stéréotypies des espèces en captivité.

Jungle Book Reimagined d’Akram Khan

Comme à son habitude, Akram Kahn excelle dans les mouvements d’ensemble, notamment dans la deuxième partie de la pièce. Son style si caractéristique où émergent des éclats de danse kathak se déploie à travers les corps de ses interprètes à la belle virtuosité. Mais ces moments chorégraphiques sont un peu étouffés par un trop-plein technologique et par un récit très long. Les artistes en scène mettent la fable en mouvement mais la danse est un langage qui se passe parfois de mots, surtout dans un spectacle surtitré. Le premier acte manque ainsi parfois de respirations, on se perd un peu dans la narration où les interrogations contemporaine s’entremêlent. La dramaturgie du deuxième acte est plus lisible dans son catastrophisme non dissimulé. Certains moments comme les flots déchainés symbolisant le déluge prenant au piège les animaux saisissent. On regrette alors que nos voisins aient déserté à l’entracte.

Difficile de saisir vraiment pourquoi, malgré des qualités évidentes, ce Jungle Book Reimagined peine à convaincre l’adulte, mais surtout l’enfant qui, en nous, a tant aimé les enseignements de Baloo, Bagheera ou le vieil Akela. Comme l’écran transparent tendu entre les interprètes et le public pour recevoir les projections et les surtitres, il y a comme quelque chose qui fait écran à l’émotion dans cette pièce ambitieuse et belle.

Jungle Book Reimagined d’Akram Khan

Jungle Book Reimagined d’Akram Khan avec Lucia Chocarro, Tom Davis-Dunn, Luke Watson, Thomasin Gülgeç, Max Revell, Matthew Sandiford, Pui Yung Shum, Fukiko Takase, Holly Vallis, Vanessa Vince-Pang et Luke Watson. Dimanche 22 mai 2022 au Théâtre du Châtelet. À voir en tournée la saison prochaine, dont à la Maison de la Danse de Lyon du 25 au 30 mars 2023

 



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